11 mai
Maman nous a annoncé qu'elle partait. Comme ça, sans qu'on s'y attende. D'abord temporairement, puis définitivement. Elle est rentrée toute contente de sa soirée et nous a lâché ça comme une bombe qui a achevé d'exploser notre si belle petite famille. Papa a protesté, mais n'a pas vraiment semblé surpris. Ce n'est pas comme si la liaison de maman était vraiment secrète, de toute façon, mais on n'avait jamais imaginé que ce puisse être autre chose qu'une passade. Je plains le guignol qui va devoir la supporter. Je pense que Papa sera beaucoup mieux sans elle, même s'il n'a pas vraiment l'air de s'en rendre compte pour l'instant. Je me dis que c'est peut-être mieux pour tout le monde, au final. On va tous pouvoir repartir de zéro. On en a tous besoin.
Au vu de la discussion qui a suivi, je ne crois pas qu'elle voudra notre garde, à Oran et moi. Encore une fois, c'est sans doute pour le mieux. Je me vois mal vivre avec elle et son nouveau mec. La joyeuse famille recomposée, très peu pour moi. Enfin, pour moi, la question n'a pas grande importante, je suis à un an de la majorité, donc je n'ai pas trop de souci à me faire de ce côté-là. C'est plus pour Oran que je m'inquiète. Le pauvre va grandir dans un cadre familial qui part en lambeaux, et ça me fait de la peine pour lui qui n'a rien demandé à personne.
J'aimerais bien faire comme elle, partir sans me retourner, sans vraiment tenir compte de la vie que je laisse derrière moi, et simplement me concentrer sur le chemin qui s'étend devant moi. Combien de fois est-ce que tu me l'as proposé ? Combien de fois est-ce qu'on a ri en imaginant notre vie loin de tout et de tous ? Quand je repense à toutes ces occasions, je nous revois sur les quais, alors que la nuit laissait place au jour et que tout le monde avait déserté la ville. Nous n'étions que tous les deux, main dans la main sans peur d'être vus – ou presque – et tu m'as regardé droit dans les yeux. « Il faut qu'on parte, Ulrich. Qu'on aille vivre notre vie ! Qu'on envoie tout balader et qu'on recommence à zéro ! » Tu étais tellement beau à rêver ainsi à l'avenir – notre avenir –, et tellement sérieux aussi. J'ai ri, et je t'ai dit que tu parlais comme quelqu'un de l'âge de nos parents, qui avait déjà la moitié de sa vie derrière lui et voulait intensément profiter de l'autre. À ce moment, je ne savais pas que ce serait ton cas. Tu n'as pas relevé, et tu n'as pas insisté. Tu savais que j'avais peur, mais je ne suis pas sûr que tu aies compris pourquoi. Je n'avais pas peur de partir. J'avais peur de nous, de ce qu'on deviendrait. Peur de devenir comme nos parents auxquels on aurait pourtant échappé. Alors pour moi, ces discussions n'étaient que des plans sur la comète, rien de plus.
Aujourd'hui, si tu me posais de nouveau laquestion, je ne répondrais pas. J'irai dans ma chambre, j'attraperais unecravate ou un foulard et je reviendrais vers toi. Puis je me banderais les yeuxavec et te tendrais la main en te disant de m'emmener où bon te semblera, dumoment que je suis avec toi.
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Pour un fils
Short StoryMaeva est désemparée. Son fils, âgé de seize ans, vient de mettre fin à ses jours. A la tristesse et la colère succède l'incompréhension. Pourquoi Timothée a-t-il commis un tel acte ? En désespoir de cause, et pour pouvoir faire son deuil, Maeva fai...