Maeva était allongée sur la méridienne, dans le salon, à regarder un reportage à la télé. Elle n'aurait su dire avec précision de quoi il s'agissait, car elle trainait devant par insomnie plus que par réel intérêt. Il était tard – presque minuit – et elle songeait à ce qu'il restait de sa vie. Son fils était mort depuis peu de temps et son mari venait de la quitter pour une autre. Un beau gâchis pour quelqu'un que tout le monde admirait pour sa réussite entre tant qu'épouse, mère et femme.
Elle aurait pu appeler ses amis pour ne pas être seule, pour ne pas prendre le risque de déprimer, mais elle ne l'avait pas fait. Elle ressentait le besoin de se morfondre une bonne fois pour toutes, sans l'aide de personne, et les quelque quarante-huit dernières heures sans sommeil l'y aidaient beaucoup. Un pot de glace dans une main et une cuillère à soupe dans l'autre, elle avait pu entamer le bilan de sa vie et avait la ferme intention de comprendre où elle s'était trompée.
Mais c'était sans compter sur la sonnette dont le bruit strident résonna dans toute la maison. Maeva regarda par réflexe la pendule accrochée au-dessus de la table : ça y est, minuit était passé. Qui pouvait bien venir la déranger à une heure pareille ? Elle se jura que, s'il s'agissait de Patrick, elle l'expédierait vite fait bien fait avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit pour sa défense.
Elle se leva péniblement alors que le bruit retentissait avec plus d'insistance. « J'arrive, j'arrive ! » lança-t-elle d'une voix terne.
Devant la porte, elle s'arrêta et regarda par le judas, mais la lumière du porche ne fonctionnait plus – Patrick devait changer l'ampoule depuis des semaines – si bien qu'elle ne discerna que le noir profond de la nuit.
« Qui est-ce ? demanda-t-elle, sur la défensive.
— Madame Robin ? C'est moi, Yann. »
Maeva resta interdite. Pourquoi le meilleur ami de son fils sonnait-il à sa porte, à minuit qui plus est ? Sans réfléchir, elle lui ouvrit. Le garçon était trempé et elle l'invita à entrer. Ses vêtements dégoulinaient dans le hall, mais, à cet instant, c'était bien le cadet de ses soucis.
« Mais enfin, Yann, qu'est-ce que tu fais ici ? Est-ce que tes parents savent où tu es ?
— Non, et ils n'ont pas besoin de le savoir.
— Laisse-moi au moins les appeler, ils doivent se faire un sang d'encre.
— Non ! S'il vous plait, ça ne sert à rien. Et puis, je n'ai pas fugué, si c'est ce qui vous fait peur. J'avais juste besoin de vous parler. »
Tout l'échange avait eu lieu dans l'entrée et Maeva se rendit compte qu'ils seraient peut-être mieux installés dans le salon, mais Yann refusa. Il n'avait pas l'intention de s'éterniser. Il était venu pour une seule et unique raison.
« Je repense beaucoup à Timothée, vous savez. Et je n'arrive pas à dormir en sachant que justice n'a pas été faite.
— Comment ça ? Yann, tu commences à me faire peur, dis-moi ce qui se passe. »
Maeva s'était à présent laissée tomber sur le petit banc en rotin près du portemanteau. Yann n'osait pas la regarder droit dans les yeux et préférait fixer ses chaussures, bien moins insistantes.
« Je sais que Timothée n'aurait certainement pas voulu que je fasse ça, mais je ne supporte pas de le voir se balader tous les jours au lycée comme s'il n'avait rien à se reprocher. Ça me met hors de moi, vous comprenez ? De savoir qu'il continue sa petite vie tranquille alors que Tim est mort.
— Yann, je t'avoue que je ne comprends pas. De qui est-ce que tu parles, enfin ?
— D'Ulrich. UlrichDevaux. C'est à cause de lui que Timothée s'est suicidé. »
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Pour un fils
Short StoryMaeva est désemparée. Son fils, âgé de seize ans, vient de mettre fin à ses jours. A la tristesse et la colère succède l'incompréhension. Pourquoi Timothée a-t-il commis un tel acte ? En désespoir de cause, et pour pouvoir faire son deuil, Maeva fai...