Idylle imprévue

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Les corps ruisselants roulèrent chacun d'un côté du lit et, à mesure qu'ils retrouvaient leur respiration, leurs cœurs reprirent peu à peu un rythme normal. Patrick atteignit la table de nuit et attrapa un paquet de cigarettes, en tira une qu'il alluma. Son regard dévia sur sa gauche où les deux yeux bruns le fixaient avec une intensité rare.

« Tu es beau après l'amour, souffla Karine, un sourire mutin accroché à son visage.

— C'est toi qui es belle. »

Il se pencha pour écraser ses lèvres contre les siennes.

Enroulés dans les draps de l'hôtel, les deux amants savourèrent encore quelques instants le calme retrouvé puis se trainèrent hors du lit à contrecœur, afin de se rhabiller.

Patrick songea que ces moments étaient bien trop fugaces et se demanda s'il serait un jour possible de retrouver un tel équilibre, une telle harmonie. Peut-être avec Maeva, s'ils en avaient envie, et si elle finissait par refaire surface. Lui aussi souffrait la perte d'un fils, mais la vie continuait, il allait de l'avant. C'était sans doute ce qu'aurait voulu Timothée. Au lieu de cela, sa femme s'enfonçait de plus en plus dans ses pensées morbides, et lui passait pour un connard sans cœur qui n'était même pas attristé par la mort de son propre fils. Heureusement qu'il y avait Karine. Même s'ils se voyaient rarement plus de deux ou trois fois dans le mois depuis qu'elle avait poussé la porte de son cabinet, presque un an plus tôt, elle avait pris une place importante dans sa vie.

Patrick enfila son caleçon pendant que Karine agrafait son soutien-gorge.

« Au fait, ta femme ne sait rien pour nous, n'est-ce pas ? »

L'homme, qui était à présent en train de remettre une chaussette, s'arrêta net et se tourna pour faire face à sa maitresse. D'où pouvait bien sortir cette question ?

« Quoi ? Non, bien sûr que non ! Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

— Pour rien. C'est juste que c'est bizarre qu'elle se soit adressée à Armand. Il faut avouer que la coïncidence est troublante, non ?

— Comment ça ? Elle est venue voir ton mari ? Quand ça ? Et pourquoi ?

— Tu n'étais pas au courant ? Merde, j'espère que je n'ai pas gaffé.

— Karine, dis-moi ce qui se passe, maintenant. »

Elle hésita, se mordit la lèvre et décida que, de toute façon, elle en avait déjà trop dit, alors autant plonger complètement et affronter les éventuelles conséquences plus tard.

« Elle est passée chez nous il y a quelques jours. Elle cherchait un informaticien pour essayer de rentrer dans l'ordinateur de votre fils, pour savoir s'il avait laissé une note ou quelque chose avant... »

Elle s'arrêta là, pour ne pas aborder un sujet qui, elle le savait, était beaucoup trop délicat pour pouvoir être traité ouvertement avec Patrick. Le fait d'avoir mentionné leurs époux respectifs était déjà une transgression à l'accord tacite qui les liait, et créait une passerelle entre deux mondes qui ne devaient jamais, au grand jamais, se rejoindre.

« Non, mais c'est pas vrai ! s'écria Patrick en se levant d'un bond, furieux au possible. Mais c'est qu'elle ne va jamais lâcher l'affaire, bordel ! Timothée est mort, elle croit quoi ? Que ça va le ramener à la maison ? Qu'elle trouvera une note disant que c'était qu'une blague ? Bah non, puisqu'il est mort ! Il est mort ! »

Puis, sans prévenir, il s'effondra au sol et fondit en larmes. Les deux mains sur le visage, il sanglotait comme un petit garçon, et ne cessait de répéter la même phrase en boucle, encore et encore et encore. « Il est mort ».

Karine ne savait pasquoi faire. Il s'agissait de sa sphère privée, un cadre qui lui étaitformellement interdit. Mais il était là, au plus bas, les larmes rongeant sonvisage et déformant ses traits. Alors elle s'avança un peu et s'assit parterre, à côté de lui. Il bascula la tête sur les cuisses de sa maîtresse et,alors qu'elle lui frottait le dos en signe de réconfort, il continua de pleurerpendant de longues minutes.    

Pour un filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant