Silence

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Karine était partie, et un calme mortuaire régnait désormais dans la grande maison, seulement troublé occasionnellement par les pleurs d'Oran, qui ne comprenait pas vraiment où était partie sa maman et se demandait quand elle reviendrait. Combien de temps faudrait-il pour qu'il comprenne qu'il était seul à présent ?

Armand devait faire face à la situation, mais il avait l'impression que tout était insurmontable, qu'il n'avait pas la force requise pour s'occuper seul de sa famille. Certes, Ulrich n'avait plus besoin de lui – ou en tout cas moins qu'avant, même s'il pouvait toujours compter sur son père –, mais pour ce qui était du petit dernier, c'était une autre paire de manches. Comme tous les petits garçons, Oran était très accroché à la figure maternelle, et le chef de famille ne savait pas s'il pourrait combler ce rôle. Karine avait eu la décence de lui laisser toutes les informations dont il aurait besoin, tout ce qu'elle avait toujours gardé dans sa tête et géré d'une main de maître.

Le départ de sa femme ne l'attristait pas vraiment ; en revanche, il le décevait. Il pensait qu'elle laissant Karine vagabonder à droite à gauche, il lui laissait une once d'indépendance dont elle avait désespérément besoin pour ne pas imploser. Mais qu'elle parte ainsi, sans même en avoir discuté avec lui, sans même se soucier de lui laisser les enfants, il avait du mal à reconnaître celle qu'il avait épousée. Cela dit, au fond de lui, il savait depuis longtemps qu'elle n'était plus la même femme fraîche et pétillante, éperdument amoureuse de la vie et de sa famille.

Après s'être battu pendant presque une heure pour qu'Oran s'endorme, Armand savoura enfin la fin de la journée. Il fallait reconnaître à Karine qu'elle avait su maintenir l'ordre dans la vie de famille tout en travaillant, chose qu'Armand n'avait jamais su faire. Il lui faudrait pourtant apprendre.

Il referma doucement la porte de la chambre de son cadet et s'arrêta devant celle de l'aîné. Il toqua et entra. Ulrich était, comme à son habitude, vautré sur son lit.

« Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il, légèrement sur la défensive.

— Je voulais juste savoir comment tu allais, si tu tiens le coup. Les derniers jours ont été assez difficiles pour nous tous.

— Ça va. C'est plutôt à toi qu'il faudrait poser la question. C'est pas moi qui me suis fait remplacer par un autre. Enfin, pas encore. »

Armand rit jaune, se demandant si Karine avait l'intention de fonder une famille avec son nouveau jules, si cette famille finirait par remplacer l'ancienne.

« On fait aller, dit-il. Il faut bien. »

Il allait quitter la chambre quand Ulrich l'interpela.

« Tu sais, papa, pour ce que ça vaut, on n'est pas si mal comme ça. On va s'en sortir. »

Il ne s'attendait pas à ce que ces paroles sortent de la bouche de son fils. C'était son rôle de réconforter ses enfants, par l'inverse. Mais ces paroles le touchèrent, et il sentit un regain de confiance montait en lui. Non, confiance n'était pas le mot. C'était de l'espoir.

Armand hésitait à dire quelque chose, de peur de sonner faux à côté de son fils qui avait visiblement plus réfléchi au problème, mais n'en eut pas le temps.

En bas, malgré l'heuretardive, quelqu'un écrasait la sonnette avec insistance.    

Pour un filsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant