9. Tout va bien...

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Ma très chère mère,

Ne vous en faites pas pour moi, je vais bien. La vie au camp est toujours un peu la même depuis que les attaques se sont espacées. On s'y ennuie un peu, quelques fois, à tel point que certains attendent avec impatience les effusions de sang. Parfois, des bagarres éclatent au sein de notre armée, mais père use de son autorité pour les faire cesser immédiatement. Pour calmer les tensions et rompre la monotonie qui commence à casser le moral de la troupe, il a décidé de lever le camp. Nous partons dans quelques instants pour nous rapprocher de l'ennemi. Tous nos valeureux combattants sont prêts à en découdre. Vous voyez, tout va bien. Les dieux sont avec moi et me protègent depuis notre départ. Je vous fait la promesse de vous revenir en vie.

A bientôt,

Votre très cher fils, Aranel.

Depuis deux jours, le ciel crache une pluie de grosses gouttes. L'automne arrive. Bientôt, si la guerre s'éternise, les soldats devront faire face au froid et au mauvais temps, en plus de leurs ennemis actuels. Aranel soupire, lâche sa plume et regarde la lettre qu'il vient d'écrire. Est-il un lâche s'il souhaite retourner à Minas Tirith ? Il est obnubilé par l'idée du foyer chaud et de son lit douillet qui l'attendent là-bas, mais cette seule pensée le fait se sentir coupable. Il est un homme, un prince, de plus. Alors il devrait accepter son sort et arrêter de pleurer comme une fillette. Même sa sœur, il en était sûr, était plus courageuse que lui. Car elle était partie de son plein gré, alors que lui n'avait pas eu le choix. Alors qu'il retournait inlassablement ces mornes pensées dans sa tête, un pan de sa tente laissa passer Gurval, son palefrenier.

- Votre Altesse, le départ du camp est imminent. Votre monture est prête. Par ailleurs, Sa Majesté votre père m'a chargé de vous dire qu'il souhaiterait vous voir chevaucher à ses côtés aujourd'hui.

- Très bien, je te remercie.

Mais l'écuyer, bien loin de partir comme Aranel s'y attendait, resta indécis sur le seuil de la tente et dévisagea son prince.

- Et bien, qu'y a-t-il ? demanda le jeune homme agacé.

- Que votre Altesse m'excuse pour mon impolitesse. Il me semblait simplement à vous voir que vous n'alliez pas bien.

Tourmenté par la remarque, Aranel porta une main à son front. Il était brûlant, comme souvent ces temps-ci. Avait-il si mauvaise mine ? Cela se voyait donc tant que ça ? Il ne voulait pas paraître faible devant son palefrenier, ni devant qui que ce soit d'autres d'ailleurs, alors il se força à sourire.

- Je vais bien Gurval, je te remercie.

Chassant ses idées noires de son esprit, il sortit de sa tente. Dehors, les hommes étaient déjà en train de démonter les tentes, barbotant dans la boue sous une pluie battante. Chaque fois qu'on levait le camp, c'était pour s'éloigner un peu plus de Minas Tirith, remarqua le jeune homme en soupirant.


La Dernière larmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant