1.L'aube des héros

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Le Conseil durait depuis six heures. Aria ressassait encore avec amertume le refus de son père. Elle aurait tant voulu y assister ! Mais après tout, elle n'était qu'une femme, encore très jeune qui plus est. Une autre fois, lui avait-on dit. En d'autres circonstances, elle aurait sans doute insisté, mais le regard de son père lui avait fait pressentir que quelque chose de grave était arrivé. Alors, elle s'était résignée. A présent, elle tournait en rond dans sa chambre et brûlait que son frère vienne la rejoindre pour tout lui raconter. Cela ne saurait tarder...

En effet, quelques minutes plus tard, elle entendit des pas monter quatre à quatre les escaliers de la tour. Puis, sans même prendre le temps de frapper à la porte, un jeune homme fit son apparition. Pas même essoufflé, il affichait un sourire vainqueur sur ses lèvres.

- Alors ? Que s'est-il dit ? le pressa sa sœur qui ne pouvait retenir plus longtemps son impatience.

- Hum... dois-je vraiment te le dire ? Après tout, tu es encore bien jeune pour entendre parler de guerre... lui répondit Aranel, heureux de voir sa petite sœur trépigner devant lui.

- Une guerre ? s'écria-t-elle. Alors la rumeur est donc vraie ? Une guerre se prépare ?

- Zut ! On dirait que j'en ai déjà trop dit ! s'exclama le jeune garçon.

Il était bien le seul à rester optimiste dans une telle situation. Ni lui ni sa sœur n'ignoraient pourtant qu'il ferait partie de l'armée. Ni lui ni sa soeur n'ignoraient qu'il pouvait y perdre sa vie, comme tant d'autres avant lui durant les mythiques batailles contre Sauron. Même s'ils étaient trop jeunes pour les avoir connus, les récits qu'en faisaient leurs aînés leur faisaient vraiment froid dans le dos. Aria ne put retenir un frisson.

- Dis m'en plus Aranel ! Je t'en supplie ! le pria-t-elle.

- Et bien, père a été accablé par la nouvelle que lui apportait son ami. Je crois que cela lui rappelle bien trop de mauvais souvenirs. Surtout si peu de temps après la mort d'Eowyn...

- Oui, ils s'aimaient vraiment beaucoup ces deux là..., répondit pensivement Aria. Je n'arrive toujours pas à croire que la vieillesse l'ait emportée si vite... C'était pourtant une vraie guerrière !

- Ce n'est malheureusement pas toujours les plus forts qui partent les derniers... Regarde Thranduil ! Il est encore vivant et toujours aussi lâche et arrogant ! s'exclama Aranel.

- Oh, tu ne devrais pas dire ça ! se mit à rire sa sœur.

Pourtant, ô combien elle approuvait ! Et puis dans sa chambre, personne n'était là pour les reprendre et leur dire de se conduire comme leur rang royal l'exigeait...

- Oh je le dis si je veux ! Je ne suis pas Eldarion moi ! Et d'ailleurs, j'en suis bien content ! Pour reprendre mon histoire que tu n'arrêtes pas d'interrompre, les délibérations ont duré très longtemps, mais finalement, tout le monde s'est rallié au choix de père : tous se battront pour sauver les Ents. Surtout que déjà, la menace commence à s'étendre...

- Père envoie toutes ses troupes alors ?

- Presque toutes. Seules resteront les garnisons nécessaires pour défendre la ville. Il faut éliminer le mal à sa racine, et ne pas refaire les erreurs du passé. C'est une des plus grandes peurs de père.

- Même Eldarion ? Même toi ? Oh ne me dîtes pas que vous partez en guerre en me laissant ici !

Aria agrippa le bras de son frère, comme si cela pouvait le décider à rester. Mais elle savait bien que déjà, il était vain d'espérer. Le sang royal qui coulait dans leurs veines les obligeait à être les premiers à marcher vers la bataille.

- Notre frère dirigera une partie des soldats. Quant à moi je resterai sous le commandement de père. Mais ne t'inquiète pas, Elrond pense que cela ne sera qu'une affaire de quelques semaines...

- Ce sont déjà quelques semaines de trop  ! Je demanderai à père de partir avec vous !

- Personne ne devrait désirer partir en guerre Aria. Ce n'est pas un jeu, lui rappela son frère qui cessa de sourire.

- Et je ne suis plus une enfant, répondit-elle avec un air déterminé. Alors quoi ? Je ne pourrais pas partir en guerre pour la seule raison que je suis une fille ? Eowyn s'est bien battu, elle !

Aranel hésita à répliquer. Finalement, il resta muet, sachant bien que sa sœur était impossible à faire changer d'avis dans de telles situations. "Père saura bien la ramener à la raison, cela m'évitera de jouer le mauvais rôle", pensa-t-il. Car il n'avait vraiment pas envie de se fâcher avec sa sœur alors qu'il partait le lendemain, pour, peut-être, ne jamais revenir. A la place, il la prit dans ses bras et lui caressa les cheveux. La complicité qu'ils avaient entre eux étaient un trésor qui n'avait cessé de grandir depuis leur enfance. Il en était tout autre avec Eldarion. Eldarion le fils aîné, l'héritier, le futur roi... Il avait porté bien trop jeune le poids de toutes ses responsabilités, et était devenu, peu à peu, aussi distant qu'un inconnu.

Ils restèrent ainsi longtemps, essayant sans y croire d'oublier l'aube qui approchait...

La Dernière larmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant