La Dernière larme

14. Il savait.

Eldarion est vivant.

Depuis son entretien avec son père, Aranel se répétait cette phrase en boucle, comme une incantation. Les dieux l'avaient exaucé. Il jeta un coup d'œil tout autour de lui, sur le camp et sur ces hommes qui offraient leur vie à leur Roi et à leur Royaume. Sur ces hommes qui allaient peut-être mourir demain. Mais l'amertume qui l'envahissait d'habitude avait laissé place à un immense soulagement.

Mon frère est vivant.

Quant à Aria, l'annonce de son père ne l'avait pas surpris. Mais il avait fait de son mieux pour laisser croire le contraire. Savoir que Legolas était avec elle le soulageait. Il lui semblait qu'elle ne risquait plus rien aux côtés de ce guerrier Elfe. Sa quête n'avait pas d'autre issue possible que la réussite. Il en était sûr.

Il fut pris d'une incontrôlable envie de rire. Et c'est ce qu'il fit, sans pouvoir s'en empêcher, sans pouvoir s'arrêter. Des soldats se retournèrent vers lui, intrigué de cet éclat joie au sein d'une telle morosité. Tous le dévisageaient comme s'il était devenu fou. Mais Aranel s'en fichait éperdument, il continua à rire, jusqu'à ce qu'Eyquem le secoue par l'épaule.

- Hé, qu'est-ce qu'il t'arrive ! Tu es devenu fou ou quoi ?

Aranel se stoppa net et regarda le visage de son ami, réellement inquiet. Pourquoi l'embêtait-on alors qu'il était, pour la première fois depuis des mois, tout simplement heureux ?

- Tout va bien Eyquem, je t'assure ! Tout va pour le mieux !

Il tenta de repousser la main de son ami qui se posait sur son front.

- Tu es brûlant Aranel, tu devrais aller te reposer.

- Pas question !

Eyquem suspendit son geste. Tout le monde, désormais, était en train de fixer le prince. Il se sentait cerné, acculé comme une proie.

- JE NE SUIS PAS FOU ! Hurla-t-il.

Il se dégagea de l'emprise d'Eyquem et regagna sa tente en ignorant tous les regards braqués sur lui. Il n'était pas fou, il le savait. Il avait même l'impression de ne jamais avoir été aussi lucide. Non, il n'était pas fou, il était heureux. Là était toute la différence. Les fous c'était Eyquem. C'était Gurval. C'était tous les guerriers dehors qui l'observait comme une bête de foire. Les fous c'était eux. Pas lui. Pas lui. Pas lui. Et pourtant, il savait.