Chapitre 26

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Les vents violents leur étaient favorables et le Baradkhan Fortune fendait l'air à vive allure, comme pour les narguer. Personne à bord ne voulait arriver rapidement à destination. Cette traversée des Mers Oubliées était difficile, autant moralement que techniquement.

À présent, Leeroy sentait plus distinctement toute la noirceur contenue dans l'air. Il n'avait pas rêvé, il y avait bien quelque chose d'écrasant, de lourd dans l'atmosphère, les rendant plus démoralisés. Les échanges entre les membres d'équipage se chargèrent d'acrimonie, si bien que quelques bagarres éclatèrent. Pour l'instant, elles avaient été vite maîtrisées. La morosité ambiante décourageait les excès de bile.

Leeroy luttait contre tous ces sentiments négatifs. Il savait que le danger était réel, mais il ne comptait pas renoncer à tout espoir maintenant, pas au moment où Darius et lui en avaient le plus besoin. Sur le pont, il observait le ciel sombre recouvert d'épais nuages gris. La pluie n'allait pas tarder à reprendre, minant un peu plus le moral de l'équipage. Plus personne n'avait le cœur à chanter.

Dans cet océan de pensées sinistres, Leeroy dut admettre qu'il regrettait réellement le ton acerbe qu'il avait employé avec le Roi. Il lui avait manqué de respect et avait peut-être même heurté ses sentiments. Il avait beau ne pas le considérer en tant que monarque, il était vrai que Farhang Navdar avait toujours été bon avec lui.

Il ruminait sa culpabilité pendant des heures et décida d'agir à la fin de son quart. Lorsque la cloche tinta enfin dans un faible son englouti par la chape lugubre qui flottait dans l'air, il descendit vers les quartiers du Roi. Il frappa quelques coups à la porte. Là encore, les bruits avaient l'air éteints. Il dut s'y prendre à plusieurs reprises avant que quelqu'un ne daigne lui ouvrir la porte.

Un garde Mariid apparut dans l'encadrement et le détailla un long moment. Leeroy le connaissait, il s'agissait de Miheregan, le chef de garde lorsque Darius ne pouvait honorer cette fonction. L'homme avait perdu de sa superbe. Son teint paraissait plus terne, ses cheveux longs gris plus cassants, des cernes encadraient ses yeux. Le mal qui régnait dans l'air atteignait même les Mariids.

— Je viens voir le Roi.

Sans un mot, Miheregan pivota pour le laisser entrer. Leeroy connaissait le chemin jusqu'à sa cabine.

Farhang Navdar était assis à son bureau, détaillant à la loupe une carte des environs. Lorsqu'il releva les yeux, Leeroy vit qu'il paraissait fatigué. Cette vision le frappa. Le monarque semblait d'ordinaire inébranlable.

— Leeroy.

Il y eut presque de la surprise dans sa voix.

— Mon Roi, si vous le permettez, j'aimerais m'entretenir avec vous un instant.

— Bien sûr.

Leeroy se sentit soudain un peu mal à l'aise. Il ne savait pas très bien comment amener le sujet. Aussi, il décida d'opter pour une technique plutôt frontale.

— Je suis venu m'excuser.

Le Roi ne dit rien pendant un long moment. Il se contenta de le fixer sans expression identifiable.

— Vous excuser ?

— Je pense que nous vivons une période difficile et j'aimerais... j'aimerais tellement que les choses soient différentes. Mais ce n'est pas le sujet. Je n'aurais pas dû m'adresser à vous comme je l'ai fait hier.

Farhang soupira légèrement et ses épaules s'affaissèrent.

— Asseyez-vous, Leeroy.

Il s'exécuta et prit place en face du Roi.

Hurleblast - Tome 1 : Le pouvoir des MeidhirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant