Chapitre 27

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Leeroy regretta bien vite d'avoir proposé ses services. Les malheureux marins recouverts des créatures de l'Hurleblast venaient chez lui constamment lui demander d'ôter leur peine. Il pouvait voir leurs poings liés par des sangsues, des poitrines ensevelies par la vermine, des crânes où grouillaient les arthropodes. Il en avait assez vu et voulait cesser cette double vision. Il compatit avec le Roi Mariid, forcé de contempler les auras les plus sombres quotidiennement.

À mesure qu'ils se rapprochaient du monstre, les ombres devenaient plus denses. Le levé du jour n'était rien de plus qu'un amas terne de nuages gris, l'après-midi était froide et humide, la nuit pluvieuse et sans lune. Le temps à lui seul réussissait à flétrir l'humeur à bord. Le météorologue Mariid était souvent sollicité, en vain. Son discours était sans cesse le même : la météo n'était pas naturelle et promettait d'aller de mal en pis.

Lors des repas, Leeroy bénissait l'étrange pouvoir des Mariids qui permettaient de changer l'eau en glace. De cette façon, la nourriture restait fraîche plusieurs jours durant. Leeroy avait entendu assez d'histoires de marins se plaignant de l'infecte pitance qu'ils étaient obligés d'avaler à bord. Mais aujourd'hui, même sa soupe de poisson frais paraissait fade. Ces horribles créatures du malheur parvenaient à gâcher la nourriture.

Il était attablé lorsque Darius vint prendre place à ses côtés. Son repas était semblable au sien. Les Mariids n'avaient pas droit à un traitement de faveur à bord.

— Nous pouvons reprendre la lecture après le repas, déclara Darius à brûle-pourpoint.

Leeroy déposa sa cuillère et se tourna vers lui.

— Ah oui ? Si près de notre but ? As-tu vraiment la tête à ça ?

Il vit les yeux de Darius se clore un instant.

— Je pense que j'ai besoin de ces leçons autant que toi, mais pour d'autres raisons. Surtout à cet instant.

Ils étaient peu nombreux à prendre leur repas sur le faux-pont et la luminosité était si faible que l'obscurité leur offrait un peu d'intimité. Leeroy posa sa main sur celle de Darius.

— C'est d'accord. Nous reprendrons les leçons.

— Ce sera la dernière.

— Je sais.

L'étau se refermait sur eux. L'air était chargé de suie et l'humidité emplissait leurs poumons. Ce matin, Leeroy s'était réveillé en voyant les auras. La vision était cauchemardesque. Ils étaient tout proche de l'Hurleblast.

Leeroy avait perdu l'appétit, mais il se força à terminer son bol. Le reste du repas se fit dans le silence.

***

Dans leurs quartiers, Darius avait allumé plus de lampes à huile qu'à l'accoutumée. Les ténèbres qui régnaient depuis des jours maintenant étaient devenues suffocantes. Elles parvenaient même à engloutir la moindre source de lumière. Les lampes à huile luttaient pour éclairer la pièce, en vain. Au lieu de cela, elles donnaient aux ombres un aspect lugubre.

— Je suppose que ce sera suffisant pour déchiffrer les lettres, dit Darius sans convictions.

Ils s'installèrent au bureau et Darius posa un épais livre relié devant eux.

— Quel est ce livre ? demanda Leeroy. Je ne l'ai jamais vu auparavant.

— Je l'ai trouvé dans la bibliothèque du Roi. Enfant, j'adorais ce livre. Il parle...

Hurleblast - Tome 1 : Le pouvoir des MeidhirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant