L'amazone [Tome 1]

Prologue

Je me hérissais du mieux que je pouvais, crachant en direction de l'autre. Des autres. Il faisait nuit noire. On n'y voyait pas à deux pas. Du moins, un humain n'aurait rien vu. La forêt semblait paisible, immobile, trop calme pour être honnête. En son sein, mille dangers semblaient me guetter, mille yeux semblaient me dévisager avec avidité. Et au milieu de ce silence, je les sentais. Je savais qu'ils étaient là. Les clébards. Les maudits Loups. Qu'ils me suivaient encore. Qu'ils me pistaient, comme un chasseur traque la biche innocente qu'il a déjà blessé, la poursuivant jusqu'au sein de son territoire, jusqu'à l'endroit où elle croyait être en sécurité. Jusqu'à réduire ses espoirs à néant, et son corps en charpie. Et cela m'énervait au plus au point. Car la chasseuse, c'était moi.

Je m'enfuis en passant sous une branche, glissant sous le bosquet refermant la clairière où j'étais acculée. Les loups avaient beau être forts, ils n'étaient pas très futés. Ni très agiles ; mais ce manque d'agilité était bien compensé par leur force brute. J'en eu la confirmation en voyant le fameux bosquet être arraché par le passage de mon poursuivant. Passage en force, donc. Très bien. Je me mis à courir de toute mes forces sur mes deux jambes déjà bien fatiguées, à slalomer entre les arbres, à prendre les virages les plus serrés possible afin de l'envoyer dans le décor. Il semblait être le plus fort de la meute. Sûrement encore jeune, car assez svelte, il voulait sans doute faire ses preuves. Sa proie, c'était moi.

Soudain, devant moi, s'ouvrit un immense ravin. J'étais bloquée. Il le savait. Je me retournais lentement. Ma gorge était en feu, mes cheveux noirs et cours hérissés, ma poitrine naissante s'élevait et retombait à un rythme saccadé, tentant de récupérer l'air manquant. J'avais peur, et il le sentait.

C'était un énorme loup noir, avec deux bandes blanches partant de ses épaules et longeant son corps jusqu'à sa queue. Ses yeux jaunes luisaient dans la nuit. Il bavait. Un vrai clébard. Je vis passer comme un sourire mauvais sur ce visage lupin, avant de le voir me sauter dessus. Je m'y attendais, et me jetais à terre pour éviter la chute. Pas assez cependant pour éviter une des pattes. Une intense brulure me parcouru le dos, et je hurlais. Je rampais à terre, pitoyable, tentant de rejoindre le couvert de la forêt, de m'éloigner du monstre qui, déjà, au bord du précipice, se préparait au deuxième assaut. Du sang coulait sur mon épaule, se répandait dans mes vêtements, alors que mon dos me brulait comme si un tison enflammé y étais accroché. Mais je me relevais, et fis face à mon poursuivant, les bras ballants, les larmes aux yeux. Il ricana, ce qui rendit un drôle d'effet sous cette forme – une sorte de gargouillement. Alors qu'il allait sauter, un feulement retentit sur ma gauche. Surgissant de la forêt, une grande forme grise se jeta sur le loup, le lacérant à coups de griffes. Déséquilibré, ce dernier donna un puissant coup de patte qui rata sa cible, et brisa définitivement son équilibre précaire au bord du gouffre. Il glapit, ses membres se balançant dans les airs comme pour chercher un appui inexistant. Puis il disparut au bas de la falaise, dans un long hurlement de peur et de rage.

Je tombais au sol. Mais les bruissements étaient encore tout proche. Je me remis à courir, m'enfonçant plus profondément dans les ténèbres de la nuit.