Chapitre 11 : L'Alpha et le Fiancé

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Puanteur. Déchets. Solitude. Souffrance. Tels sont les mots décrivant le mieux la ville pour moi. Des souvenirs brûlants me hantent quand je m'y trouve. Je hais la ville. Je hais ces humains qui s'y entassent tels des parasites, suçant jusqu'à la moelle toutes les ressources permettant à la vie d'exister. Je hais leurs mâles toujours en rut, à la recherche de pauvres innocentes à brutaliser et à pénétrer avec leur organe pestilentiel. Rien n'est à garder dans la ville. Le béton étouffe les senteurs de la mère nature. Les seuls animaux qui y survivent, en dehors des humains, sont les rats et les pigeons. Mais je dois la retrouver. Elle a brisé le pacte à moitié, puisque j'ai réussi à avoir le mâle. Mais je n'en ai pas fini avec elle. Et avec sa meute...

"Le Conseil a autorisé le report du mariage à une date ultérieure"

Quand mon père avait dit cela, un soulagement indescriptible m'avait envahie. Je pouvais souffler. Je pouvais trouver un moyen d'y échapper. Je pouvais trouver un moyen de m'expliquer avec l'amazone avant qu'elle ne plante ses crocs dans ma chair. Et il allait me falloir retrouver Shawn également, s'il était toujours en vie. Ce dont je doutais: la déesse de la vallée ne semblait pas très douce avec les mâles pénétrant son territoire. Le récit de la vieille harpie comme quoi elle avait sûrement massacré une escouade entière de loups surentraînés me revenait régulièrement en tête. Sachant qu'elle pensait ma meute responsable de sa traque, il y a deux ans, j'avais peur de ce qui allait arriver. Mais la suite du message de mon père me revint en tête.

"C'est Helsing qui l'a autorisé. Il a sûrement quelque chose derrière la tête. Fais attention à toi."

Ce vieux fou de Helsing. Un Alpha ayant plus de 1000 ans. Les loups garous n'ont pas de durée de vie moyenne. Cela dépend de leur lignée. Ceux les plus proches de la lignée initiale, celle créée par la déesse Freya, vivent très vieux. Certains meurent de vieillesse à seulement 200 ans. En tout cas, nous vivons généralement plus longtemps que les humains. Helsing, avec son âge, se défendait bien pour être l'un des plus vieux loups vivants. Ses cheveux étaient blancs et longs, pendant tels de vieux filaments dans son dos et sur ses épaules. Ses yeux bleu glace étaient cruels, et brillaient d'intelligence. Son corps était recouvert de blessure. Il était connu pour avoir des contacts, des loups fidèles uniquement à lui, dans la plupart des meutes. Ce qui était très étrange. On ignorait comment il arrivait à retourner la fidélité légendaire des loups à son profit. En tout cas, c'était un adversaire redoutable. Mais nous n'arrivions pas à voir dans son jeu. Tout d'abord il était le plus fervent défenseur de ce mariage, puis il décidait de me laisser du temps?? Où était le piège...

"Kata!

Je sursautais. J'étais sur le grand balcon de la demeure familiale. J'avais enfilé une longue robe noire épousant mes formes, avec une descente de dos des plus impressionnantes. Je l'avais tout de suite appréciée. Je me retournais, et comme je m'y attendais, je trouvais face à moi Nathan Draw. Humain. Mon fiancé. Je grognais. Il eut un air légèrement surpris, puis se ravisa et vint se placer à mes côtés le long de la balustrade. Il n'avait pas été mis au courant de l'existence des surnaturels. Mais, nous côtoyant depuis quelques mois déjà, il s'était bien rendu compte qu'il y avait quelque chose d'étrange avec notre communauté, et il ne s'étonnait plus beaucoup de nous voir grogner, ou de voir d'énormes chiens de la taille d'un cheval patrouiller dans les jardins.

"Je ne pensais pas que l'idée de notre mariage te répugnait à ce point.

-Rien que le fait de m'avoir demandé à moi en première aurait été un début. Grinçais-je.

-Tu as raison, et je m'en excuse. Dit-il d'un air sérieux. C'est juste que... votre communauté est un peu spéciale, et, des règles que j'en avais comprises, il fallait avoir l'aval du père pour demander en mariage. Mais toutes cette organisation qu'il y a eu après, je n'y suis pour rien. Je pensais que tu avais été prévenue, et que tout cela signifiait ton accord. J'étais un peu déçu de ne pas avoir demandé moi même, cependant.

Je souris. Cet humain me plaisait bien. Pas au point de l'épouser, bien entendu. Mais il était sincère avec moi, il enlevait ce masque de milliardaire sans pitié, de jeune premier de la classe, pour révéler un être des plus sensible. Avec un homme de puissance comme lui à nos côté j'avais bon espoir que le coming out des espèces surnaturelles se passerait bien. Mais étais-je obligée de l'épouser pour cela? A cette, pensée, je me renfrognais.

"Je pense qu'il vaudrait mieux qu'on apprenne à se connaitre avant de se marier. C'est ce que m'a conseillé Monsieur Helsing, en tout cas.

Il obtint toute mon attention dès l'instant où il eut prononcé ce nom.

"Il m'a l'air de la vieille école. Dit-il en riant. Il était persuadé que les sentiments viendraient après le mariage. Je lui ai bien sûr expliqué que cela ne marchait pas vraiment comme cela, ou plus vraiment en tout cas. Il avait l'air très intéressé par mon point de vue, et a accepté de reporter le mariage. A la date de ton bon vouloir.

"Pourquoi pas jamais" me dis-je intérieurement. Il y avait une chose dont j'étais sûre au sujet d'Helsing : il ne considérait les humains comme rien d'autre que des créatures inférieures. Son intérêt pour mon mariage à un humain avait été louche. Qu'il porte attention au discours de celui-ci sur les sentiments dans le mariage l'était encore plus. Je réfléchissais à toute vitesse.

"En tout cas, j'espère que tu ne me rejettera pas lors de la danse du bal de ce soir. Dit-il en souriant.

Ah, oui, j'avais oublié. Un bal en l'honneur de mon retour. Et un petit éloge funèbre discret pour Kuro en début de cérémonie. C'était ce qui allait m'attendre ce soir. Le soleil se couchait déjà à l'horizon, et la douce mélodie du travail des Ordines, et les ronronnements sonores de la grande chatte me manquaient. Cette maison me semblait désormais froide, envahie par nos ennemis, qui désiraient disposer de nous selon leur bon vouloir. Je regrettais l'époque où nous étions loin de ces intrigues politiques. L'époque où nous étions encore une meute de petite importance, que j'invitais mes amis, humains, loups, ou autres, pour venir jouer dans le jardin. L'époque de l'innocence. Avant la folie qui allait nous tomber dessus bientôt. Je rentrais à l'intérieur, le vent froid me faisant légèrement frissonner. Peut être ce vent venait-il de la montagne : il semblait m'apporter l'odeur réconfortante des pins de la forêt de la vallée de Delveux, et le fumet alléchant des plats de la vieille Célaeno.

L'amazone [Tome 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant