Chapitre 24 : L'éveil

1K 119 3
                                    

La sensation se faisait plus forte au fur et à mesure que l'on approchais. Je sentais une présence immense, ancienne, puissante, apparaître. Cette présence terrible me hérissait : il fallait se dépêcher. Katarina était en danger.

La main prit appui sur le rebord, et une silhouette commença à émerger du néant du cercueil. La forme se précisa lentement, grandissant sans cesse, alors que je me jetais en arrière devant cette apparition d'horreur. J'avais du mal à respirer tellement la présence de la créature était importante : Nathan semblait carrément suffoquer. J'eus l'impression d'entendre résonner au fin fond de mon esprit une musique terrible, comme si je perdais la raison par la seule présence du Dieu. Des perles de sueur gouttaient le long de mon coup, tout comme mon sang continuait de s'écouler de ma blessure incapable de cicatriser. Une forme arrondie semblable à une tête s'éleva du sarcophage, entièrement dans l'ombre. Puis, un cou, un buste, et deux bras longs et filiformes sur lesquels il s'appuyait pour sortir de sa prison. Il resta immobile quelques instants, semblant nous observer ou attendre quelque chose de nous. Puis son visage fut marqué par un sourire. Un sourire démoniaque qui resterait à tout jamais gravé dans mon esprit. 

Le reste de son visage et de son corps étaient toujours plongés dans une sorte d'ombre surnaturelle cachant ses traits. Seul ce sourire blanc, éclatant, toutes dents dehors, était visible sur ce visage, tel un croissant de lune au milieu d'un ciel sans étoiles. Ce sourire n'avait rien de bienveillant. C'était un sourire de joie malsaine, de psychopathe. Un sourire qui semblait annoncer la fin de toute joie. 

Voilà des mortels bien peu respectueux... Les faibles se prosternent devant leur Dieu. 

Soudain, une force inconnue sembla prendre possession de mon corps. Incapable de bouger, je sentis ma tête se baisser, en une prosternation devant cet être d'un autre temps, sans que je l'ai commandé. Je ne contrôlais plus mon corps. Un rapide coup d'œil me fit savoir qu'il en était autant pour les autres personnes présentes dans la pièce. Helsing parla alors d'une voix tremblante. J'ignorais si c'était d'émotion ou de peur. Sûrement des deux, au vu de la vitesse des battements de son cœur que j'entendais de ma place.

"Prosternez vous devant le seigneur du contrôle, maître des conspirations et du mensonge, dit le Marionnettiste, notre Dieu... Arachne! 

Le sourire du Dieu s'élargit. Les ténèbres qui recouvraient son corps semblaient se dissiper peu à peu. Il avait des cheveux noirs très courts, en une coupe presque militaire, au sommet d'un visage long avec des traits durs et marqués. Sa peau était tannée, très bronzée, comme s'il avait vécu toute sa vie sous un soleil de plomb. Et ses yeux... étaient invisibles. Toujours cachés dans l'ombre, qui ne se dissipait pas à cet endroit uniquement. Il était vêtu d'un grand manteau noir, ample, orné d'un symbole rouge. Assis sur ce qui restait du couvercle du sarcophage, je remarquais pour la première fois à quel point il était grand. Il devait facilement faire 1 m de plus que moi. Et ses doigts semblables à des serres pianotaient dans l'air comme s'il jouait une partition démoniaque que lui seul pouvait entendre. Et son rire continuait de résonner au fond de sa gorge comme au fond de mon âme. 

Il tourna son visage vers moi, et je devinai qu'il me regardait - ses yeux étaient toujours invisibles. Il se leva et s'approcha d'un loup, toujours prosterné. Son index se leva, et, tel un pantin, le lycan fut soulevé instantanément en l'air, ses membres pendant le long de son corps, alors que ses yeux paniqués fixaient le sol devant lui. Le Dieu se contenta d'observer la paire de lunettes de soleil noires qu'il portait au col, accessoire de mode bien inutile en cette période toujours assez fraîche de l'année. Mais l'Ancien sembla intéressé par la paire. Il tendit ses longs doigts et s'en saisit, les posant sur ses yeux. Son sourire s'élargit toujours plus, alors que les verres fumés prenaient une couleur rouge sombre, et qu'ils semblaient changer de forme, s'adaptant à celle des yeux cachés du Dieu. 

"Seigneur... osa Helsing... N'oubliez pas votre promesse. 

Pas besoin de me le rappeler. Je tiens toujours mes promesses... d'une manière ou d'une autre. T'es tu occupé de l'Amazone, comme je te l'ai ordonné?

-C'est à dire que... je me suis précipité ici aussitôt que...

Je le sais déjà. Tu n'as pas besoin de répondre. 

Il releva la tête, et son sourire s'effaça pour la première fois. Son visage ainsi inexpressif était presque encore plus effrayant à mes yeux : je n'arrivais plus à imaginer ce qu'il allait faire. 

Je t'ai tout donné, Helsing. Le pouvoir politique. La puissance militaire. La capacité de faire des gens tes marionnettes. 

"Certes, Seigneur. C'est grâce à vous que nous en sommes ici aujourd'hui. Que notre attaque a pu réussir aussi facilement. Votre pouvoir nous fut très utile pour infiltrer les meutes ennemies. 

Et qu'a tu fais en retour... Je t'ai tout donné. Tu n'es rien sans moi. Et pourtant, tu as échoué lamentablement à la mission que je t'avais confiée.

"Mais... Maître!

Tuer l'Amazone était la priorité. 

"Mais... maître... père!

Je sentis mon sang quitter mon visage à cette phrase. Evidemment. Il m'avait dit que ceux ayant des noms cachés étaient fils ou descendants de Dieux. Cependant, le géant éclata d'un rire démoniaque en entendant cette phrase. 

Tu es vraiment crédule, Helsing! Je suis scellé depuis bien trop longtemps pour avoir pu être ton père. Tu as été un excellent pantin, fut un temps. Mais tu as échoué deux fois. Tu as échoué à me libérer il y a quelques siècles, et maintenant tu as failli une nouvelle fois à ta tâche. Je n'ai pas besoin de pantins qui ne savent pas m'obéir. 

Il leva son immense main vers Helsing, et ce dernier sembla commencer à étouffer, comme enserré dans une immense toile se resserrant autour de son torse et l'empêchant de respirer. 

"Noon... Maître... je vous ai toujours bien servi... Votre promesse...

La prise se desserra. Le Dieu sembla réfléchir, puis son sourire s'élargit. Il n'avait pas réfléchi. Il savait déjà ce qu'il allait dire à ce moment là, j'en étais persuadée. 

Oh... bien sûr... ton immortalité. Tu la désires et tu l'auras. 

Il sourit encore plus.

Ton corps transformé en véritable pantin sans volonté me servira pour l'éternité! Et lui, n'échouera pas.

Il pointa son doigt vers Helsing, et le posa sur son torse, au niveau de son cœur. Le vieil Alpha tentait de bouger, mais il était immobilisé comme nous tous, et ne pouvait que contempler impuissant ce qui allait lui arriver.

Adieu...Han V Helsing... ou plutôt, Han Helsing tout court! 

Quelque chose transperça Helsing de part en part. Cela ressemblait à un fil doré, qui après lui avoir transpercé le cœur, se couvrit de rouge. Je n'en croyais pas mes yeux. Helsing était mort, comme ça. J'avais rêvé depuis des heures de l'égorger de mes propres dents, et il avait disparu aussi simplement que ça. Le fil fit demi tour, et entama un étrange balais dans le corps sans vie du loup, semblant le coudre de l'intérieur. Il eut un spasme. Puis se releva. Ses yeux étaient vides, semblables à de la peinture apposée sur des billes de verre. Son visage totalement inexpressif. Le Dieu pianota en l'air avec ses doigts, et le corps visiblement ressuscité de l'alpha se leva avec une démarche robotique, et se transforma en loup. L'immense loup blanc de Helsing. Qui me regarda de ses yeux vides de vie, alors que la tête d'Arachne se tourna à nouveau vers moi.

Bien... Maintenant, faisons accourir notre Amazone. 

Je déglutit. Il savait pour notre pacte. Kyne devait me protéger à tout prix. 

J'étais la prochaine.


L'amazone [Tome 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant