Chapitre 9 : Le piège

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Je regardais tristement mon double du passé se tordre de douleur au sol. À cette vue, ma cicatrice dans le dos me lançait plus que jamais. Mais je les tenais. Les responsables. Enfin.
J'avais vu ce qu'il me fallait. Le sourire carnassier de Kuro s'effaçait alors que la sombre caverne réapparaissait tout autour de moi. Je m'étais sentie mal à l'idée de livrer le traqueur : il appartenait à ma meute, après tout. Mais ce qu'il avait fait à l'Amazone... je ne pouvais lui pardonner. Et je restais persuadée que ma meute n'étais pas liée à la chasse qu'avait subie l'amazone. J'avais décidé : j'allais lui livrer Kuro, et peut être allaitb elle enfin me reconnaitre comme autre chose qu'une simple louve.
Et puis je n'aimais pas Kuro. Un jour, alors que j'étais encore jeune, il avait tué un autre membre de la meute pendant une dispute. Il avait été condamné, mais Helsing, l'un des loups alpha du Conseil, avait apposé son droit de véto, et ordonné à mon père de le garder dans la meute. Depuis, les liens entre le vieux loup et Kuro étaient restés flous pour tout le monde ; mais j'avais douté très tôt de sa loyauté envers la meute. Ce qui me confortait dans l'idée que mon père était innocent dans la souffrance de l'amazone.
Mon plan était simple. Dire à l'Amazone de m'attendre à la sortie de la vallée. Faire semblant de me rendre à Kuro. Et lorsque nous sortirions de la vallée... la belle et la bête pourraient faire selon leur bon vouloir. Oui, cela nécessitait la mort de Kuro. Mais il avait signé son arrêt de mort dès son entrée dans la vallée. Depuis plus longtemps, même, lorsqu'il n'avait pu achever l'amazone et sa chatte. Je me levais donc, toujours aveuglée par l'obscurité de la grotte, et, tâtonnant, je réussi à en trouver la sortie. À l'extérieur, le jour se levait déjà. La chatte dormait toute proche, lovée au creux d'un rocher, sa robe grise parsemée de flocons de neige amenés par le vent. L'amazone sortit de la grotte derrière moi. J'ignorais qu'elle s'y trouvait toujours. Je m'adressais à elle :
"Je... je comprend mieux maintenant. Attends moi à l'entrée de la vallée. Je dois te montrer quelque chose. Quelque chose d'amusant. Ajoutais-je à la vue de son air renfrogné.
Cela semblait ne l'avoir convaincue qu'à moitié. Je me dirigeais donc vers le village.
J'avais bien réfléchi, et Kuro semblait avoir compris que tant qu'il restait au village, rien ne pouvait lui arriver. L'amazone s'était d'abord amusée de le voir se cacher ainsi, puis, sa patience étant assez courte, vint la frustration de ne pouvoir atteindre son jouet favori. Le lui amener sur un plateau ne serait peut être pas l'amusement qu'elle avait désiré au départ. Mais au moins cela mettrait un terme à la mauvaise humeur qui habitait la déesse de la vallée.
Le soleil s'élevait au dessus des hauts sommets, alors que je tentais de retrouver mon chemin dans l'épaisse forêt de pin. La pente finit par se faire moins raide, et j'aperçu au loin, au travers des arbres, le grand champ blanc indiquant le bas de la vallée. Le village était proche. J'étais de retour à Delveux.
Je pénétrais dans le village par la rue principale. Il était encore vide à cette heure matinale. J'entendis simplement un chien aboyer à mon passage. Le village avait beau être petit, je n'avais aucune idée d'où chercher Kuro. J'avais pensé qu'il se serait jeté sur moi dès mon arrivée, mais ce ne fut pas le cas. Son odeur était cependant omniprésente, et une sensation pesante naissait en moi. Je me dirigeais vers la maison de la vieille harpie, en périphérie du village. Elle avait été la seule à accueillir l'étranger que j'étais, peut être avait elle également recueilli les deux loups.
La vieille décharnée m'attendait sur le perron de sa porte.
"Je savais que tu viendrais. Prend le et partez.
-Vous parlez de Shawn? Ou de Kuro?
-Ne prononce pas le nom de ce blasphémateur! Hurla-t-elle, me faisant sursauter. Elle était effrayante, et irradiait de puissance. Elle se calma et repris.
"Je ne sais pas où est le jeune loup niais. Je l'ai accueilli, mais j'ai mis l'autre à la porte. Cependant, ces derniers temps, ils trainaient ensemble. Ils mijotent quelque chose.
Elle se retourna et continua de grommeler.
"Ces maudits blasphémateurs... n'ont aucune idée de ce qu'ils font... finiront par les réveiller avec leur bêtises.
-J'ai besoin de savoir où ils sont! L'implorais-je, alors qu'elle refermait la porte de son chalet.
"Tu me cherches, petite louve ?
Je sursautais et me retournais. Derrière moi, se tenait Kuro. Il avait l'air très fatigué, mais ses habits et sa tenue étaient impeccables.
"Finis de jouer à cache-cache avec le matou? Dit-il avec un sourire qui me fit froid dans le dos.
-J'accepte de rentrer chez moi. Dis-je, tendue.
-Tu me facilite la tâche, poupée. Il prit son téléphone, et sembla envoyer un SMS. Puis, il me prit par le bras, et se dirigea vers la sortie du village, puis vers la fin de la vallée, me trainant quasiment derrière lui. Lui aussi semblait tendu. Il savait ce qu'il risquait, mais pensait sans doute pouvoir franchir le territoire de l'amazone sans qu'elle le remarque. Il ignorait cependant que j'avais indiqué à celle-ci où attendre. Nous entrâmes dans la forêt, et, contrairement à ce que je pensais, le traqueur ne se mit pas à courir. Il marchait vite, tout au plus. Ses yeux noirs étaient sérieux et concentrés, ses cheveux noirs coiffés en épi, assez démodés il faut le dire, se balançaient lentement plus au rythme du vent que de la course. Et nous avancions, au coeur du territoire de l'amazone. Son odeur, celle qui ne m'avait quittée pendant ces semaines passées sur son territoire, était omniprésente, et fraîche. Elle était bien passée là il y a peu : elle n'allait pas tarder à nous retrouver. Je voulais ralentir. Mais le grand loup resserra sa prise sur mon bras et me tira de plus en plus fort. On s'approchait de la limite du territoire, et toujours aucun trace de l'amazone. Je commençais à paniquer. S'était elle lassée d'attendre? Elle n'avait relâché sa surveillance de Kuro pendant tout ce temps, et elle allait le laisser partir comme cela?
Soudain, j'entendis un cri de douleur au loin. Un cri de loup. Shawn? Je regardais le traqueur, épouvantée. Moi qui voulait le piéger, étais-je moi même tombée dans un piège? J'eu la réponse à ma question. Au son de ce cri, le fameux sourire carnassier de Kuro se dessina sur son visage. Et je compris. Il se doutait de mon plan. Et avait trouvé un moyen de détourner l'attention des maitresses des lieux. Un appât, du nom de Shawn. Permettant à Kuro de sortir sans encombre de la vallée et de fuir.
Des larmes coulaient sur mes joues. J'avais été eue. La colère de l'amazone s'était abattue sur ce pauvre Shawn, et moi j'allais être ramenée au bercail, où m'attendait ce mariage arrangé voulu par le Conseil. Je commençais à me débattre de toute mes forces, me transformant en louve pour tenter d'échapper à l'emprise de mon ravisseur. Je me battais avec toute l'énergie du désespoir, mais je n'avais jamais été une grande combattante. J'étais la fille du chef de clan, certes. Mais cela s'arrêtait là. Et ce lycan était l'un des plus forts de la meute. C'était perdu d'avance. Il me pris la tête, et me la plaqua au sol, toujours sous sa forme humaine. Puis, il brandit son poing, et je sombrais dans les ténèbres de l'inconscience, pleurant ma liberté perdue, et la belle et la bête que j'avais rencontrées.

L'amazone [Tome 1] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant