Chapitre 1

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Comme chaque matin, on peut entendre les pas précipités des retardataires résonner dans les couloirs. Aujourd'hui, l'un d'eux interrompt le cours d'anglais de Mme Kennedy :

« Sorry...I'm... late... annonce-t-il, essoufflé.

— No problem, Éridan. You can sit down.

— Thank you... »

Le prénommé Éridan se dirige vers sa place, mais trébuche sur un sac, provoquant le fou rire général de la classe tandis que la professeure d'anglais tente de garder son sérieux.

C'est ainsi que commence ce doux lundi de mai.

Un jour comme les autres dans ce lycée où les adolescents marchent, courent, parlent, pleurent, rient et parfois étudient. Ils déambulent dans l'espace et le temps, indifférents à la nature qui s'éveille encore autour d'eux. Pourtant, dans ce lieu que l'on pense surement banal, les oiseaux chantent et accompagnent la sonnerie qui rythme les journées. Peu se soucient d'eux, mais inlassablement, ils entonnent leur ode au printemps.

En ce jour de beau temps, on peut voir le visage des élèves tournés vers les fenêtres. Ils regardent le ciel, rêvant de s'abandonner quelques instants sous le soleil de mai, quitter pour un temps leur prison de lettres et de chiffres. Cependant, la journée doit continuer, les matières s'enchaîner afin de s'assurer un futur où peut-être ils pourront s'arrêter pour regarder la nature et s'émerveiller.

Heureusement, l'aboutissement d'année se fait ressentir. Les épreuves finales dans un mois seulement et le stress qui se fait menaçant, mais surtout le soleil qui se montre plus souvent contribuent à créer cette ambiance si spéciale des fins de scolarité. Les sourires planent sur les visages et une certaine légèreté embaume les cœurs. Dans ces moments, on peut penser que rien ne peut troubler cette tranquillité.

Puis à la dernière sonnerie, les élèves et l'euphorie se déversent de l'établissement. Cette masse de rires et de joie rejoint les parcs et les terrasses de cafés pour profiter de la fin de journée ensoleillée. Pour beaucoup, le cœur n'est plus à travailler. Les devoirs attendront le soir ou peut-être le lendemain.

Dans cette effervescence, au milieu des discussions, un jeune garçon crie, attirant l'attention des personnes autour de lui :

« Éridan ! Je sais que ce n'est pas dans tes habitudes d'arriver à l'heure mais là, on part !

— Très drôle, M. le Petit Prince ! Mais je te trouve mal placé pour te moquer de moi. N'est-ce pas toi qui as fêté l'anniversaire de ta dulcinée en retard ?

— Ferme-la ! répond le premier en rougissant.

— Ah mais oui ! Personne ne connait l'identité de ta princesse ! Eh ! Tout le monde ! s'écrie-il, la main en porte-voix, j'ai besoin de votre aide. Loïs est un peu timide, il faudrait l'aider à sortir avec...

— Éridan... »  

Alors qu'une tête blonde lui bondit dessus, Éridan part en courant poursuivi par son assaillant. Dans un tourbillon de rires, ils laissent derrière eux leurs spectateurs habitués.

Depuis tout petit, Éridan et Loïs sont inséparables. Ils partagent aussi bien les secrets que les punitions. Partout où ils passent, chacun se rappelle ce duo infernal.

Essoufflés par une course effrénée, ils finissent par rejoindre leur groupe d'amis. Assis sur la pelouse du parc municipal, ils profitent du soleil caressant leur peau et de la brise agitant aussi bien leurs cheveux que l'herbe haute et les branches des arbres. Telle une symphonie divine, les rires des enfants et le chant des oiseaux se mélangent dans un souffle de légèreté. Les accords d'une guitare résonnent dans le lointain. Quelque chose de magique semble envelopper ce coin de nature. Puis, à mesure que le soleil décline, chacun quitte ce coin de paradis. En ce monde, tout a un début et une fin. Malgré tout, en sortant du parc accompagné de son ami, Éridan sait qu'il est heureux sous le ciel peint de couleurs pastel.

Au fil de leurs pas, ils refont la journée.


« Tu te souviens de ce qu'a dit la prof de français ? demande Loïs.

— À propos de quoi ?

— Sur Victor Hugo et son poème Demain, dès l'aube.

— Ah oui, je m'en souviens ! « Grâce à ce texte, Victor Hugo a donné la vie éternelle à sa fille. Vous ne voyez pas comment c'est romantique ! Faites un effort, mes petits chats, s'écrie-t-il en mimant sa professeure de français en proie à l'émotion.

— Ouais, c'est ça ! répond-il en riant puis plus sérieusement, il reprend, tu penses qu'à notre mort quelqu'un nous donnera l'éternité ?

— Je sais que tu sous-estimes mes talents de poète, mais je te promets de composer le plus beau texte de ma vie. Par contre si tu peux attendre encore une cinquantaine d'années, le temps que l'inspiration me vienne. »

Loïs sourit brièvement avant de changer de sujet.

Éridan n'a pas vu passer cette ombre devant les yeux de son ami. Pourtant, un énorme nuage se profile à l'horizon.

Le lendemain, Loïs manque à l'appel. Éridan ne le sait pas encore, mais il ne reviendra ni le surlendemain ni aucun autre jour de la semaine. Ses amis, sans nouvelle et inquiets, tenteront de lui rendre visite, de l'appeler, toutefois, chacune de leurs tentatives sera vaine. Ils voudront questionner ses parents et sa sœur, Lucile, mais eux aussi seront introuvables.
Il faudra alors se rendre à l'évidence, Loïs a disparu.

Jusqu'à s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant