Chapitre 17

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Pendant quelque temps, Loïs et Éridan ne font que se dévisager.

Le silence pèse sur leur tête comme une menace. Un nuage chargé d'orage. Cependant, pour Loïs, ce n'est rien comparé au regard que son ami pose sur lui. Un regard fixe. Un regard d'une indifférence glaciale. Loïs connaît ces yeux, cette distance et cette froideur qui annoncent qu'une ligne vient d'être franchie. Éridan est dans un état dans lequel il l'a rarement vu. L'inquiétude et la fatigue semblent s'être mêlées pour ne laisser qu'une sorte de colère froide. Imperceptible mais épaisse, une aura effrayante et repoussante émane de lui.

« J'ai l'impression que ça fait une éternité ! Comment ça va ? » s'exclame Loïs.

Sa tentative pour détendre l'atmosphère est un échec, son ami continue de le toiser sans qu'aucune émotion ne traverse ses yeux verts.

« Moi, ça va. Merci de demander », continue-t-il.

Toujours aucune réponse ni réaction. Loïs est agacé, il ne sait pas quoi faire pour dégager Éridan de sa position. En face de lui, il se tient comme une statue de marbre inquisitrice.

« Tu comptes me laisser faire la conversation tout seul ?

- Ça fait quoi de parler dans le vide, de n'avoir aucune réponse ? rétorque enfin Éridan avec une impassibilité teintée de ressentiments.

- Quoi ? Tu m'en veux ?

- Tu m'as laissé sans nouvelles pendant trois jours ! Pas un seul message ou appel. J'ai dû chercher ta sœur pour vérifier que t'étais encore vivant.

- C'est pas comme si c'était la première fois. Si j'étais mort, t'aurais reçu le faire-part de mon enterrement, réplique-il avec légèreté pour parer l'accusation qui porte sur lui.

- Putain, Loïs ! Tu t'entends ? »

Loïs ne répond pas, il plonge ses yeux dans ceux d'Éridan. Il ne fait même pas l'effort de masquer la lueur de défi qui brille au creux de ses prunelles. De l'arrogance pour masquer sa culpabilité. Il se demande qui d'eux deux tiendra le plus longtemps dans cette confrontation. La réponse ne se laisse pas attendre, Éridan laisse s'étaler ses reproches.

« Pourquoi tu m'as mis au courant si c'est pour m'empêcher d'être là quand ça va pas ? Tu voulais juste alléger ta conscience en te disant que quand tu disparaîtrais, au moins on saurait pourquoi ? Mais tu croyais vraiment que j'allais rester là à te regarder t'éloigner de nous sans rien faire ? »

C'est au tour de Loïs de laisser Éridan parler tout seul, pas dans le même dessein mais seulement parce qu'il ne sait pas vraiment non plus. Cependant, son silence n'a pas l'air de décontenancer son ami. Il continue de déverser ses pensées comme un exutoire. Son humeur se transforme sous les yeux de Loïs, de la froideur à la colère, puis maintenant, au fond de ses prunelles comme un léger renoncement.

« Mais qu'est-ce que je peux faire si tu me repousse à chaque fois ? Je sais que je peux pas comprendre ce que tu ressens, je dirais pas que je peux essayer car je sais que je ne pourrais pas, mais je peux être là, te soutenir », reprend Éridan avec une sorte de douceur.

Le malaise que Loïs pensait avoir laissé dans le bureau du CPE réapparaît. Comme l'eau qui se retire avant le tsunami pour mieux revenir, ce dégoût incompréhensible le submerge. Il se débat dans au milieu de toutes ces émotions dont il goûte l'amertume depuis ce matin. Toutefois, s'il a l'impression de nager dans un milieu inconnu, son instinct est réveillé par tous ces ressentis. En une seconde, Loïs perd le contrôle, les mots sortent comme un reflex, ils vont vite, trop vite pour qu'il puisse les analyser ou les retenir :

« Mais qu'est-ce que vous avez tous à vouloir être là ? Vous pouvez pas juste me foutre la paix! Arrêtez de m'étouffer avec votre compassion à la noix. Et puis, j'aurais dû faire quoi ? T'appeler ? Tu supportes même pas l'infirmerie ! T'aurais paniqué, et après ? Tu serais venu ? Tu serais rentré dans l'hôpital ? T'aurais eu le courage ? » s'écrie-t-il.

La question reste en suspense. La sonnerie retentit en même temps que l'écho de ses mots lui revient. Devant lui, le visage d'Éridan se referme instantanément et le masque de glace reprend ses droits. Puis la seconde d'après, les portes le font disparaître. Loïs n'a pas bougé, hébété par la violence de ses propres paroles, hébété par la vitesse avec laquelle il a tout fait voler en éclat.

Comme un éclair, tout s'est déroulé trop rapidement. Il ne comprend qu'à peine sa réaction, il pensait qu'il en était capable. Réagir avec cette distance qu'il adopte depuis maintenant trop longtemps. Même s'il l'admet avec difficultés, Loïs a pris l'habitude des reproches. Presque consciemment, il construit un mur infranchissable autour de lui, pour éviter d'être blessé plus que de blesser. Des collisions de ses proches avec cette barrière naissent des étincelles de colère. Mais à chaque fois, la muraille tient et il essuie la tempête avec une nonchalance étudiée.

Aujourd'hui, comme d'habitude, il s'est préparé à accepter ses torts, assumer la conséquence de son silence. Éridan a commencé à s'énerver et accoutumé, Loïs n'a pas bougé. Mais il l'a vu, cet éclat profond dans les émeraudes d'Éridan, cette lueur imprévue qui a bousculé toute ses barrières. Une douleur, non, la douleur à l'état pur. Celle capable d'absorber tous les autres sentiments. Celle qui fait perdre toute envie de lutter. Dans les yeux de son ami, Loïs a compris qu'Éridan laisserait tout passer, par peur des regrets, peut-être. Mais par-dessus tout, la vision de cette lumière lui a fait comprendre que pour Éridan, il est condamné.

Il a échoué. Plus que le dégoût d'être perçu comme un être fragile et dépendant, il sent une sorte de rage se développer au creux de son estomac. Une folie destructrice tournée contre lui-même. Lui, incapable d'éviter ce qu'il redoute le plus : qu'on le voit comme un infirme, un adolescent malade. Il ne peut pas se contenter de blâmer le regard des autres, il connaît ses propres erreurs. Plus qu'aux autres, il s'en veut.

Malgré sa volonté d'agir comme avant, il n'a fait que construire un rôle, il est devenu secret. Il a menti à tout son entourage, mais surtout à sa propre personne. En voyant son état se dégrader, il n'a fait que recréer une faible copie de celui qu'il a été, celui qu'il veut demeurer. Alors, dès qu'on essaie de regarder au travers de son masque figé, il réplique instinctivement quitte à blesser. Éridan en a goûté l'acidité mais il est conscient que ce n'est pas le seul. Chaque jour, il a sans aucun doute refoulé tous ceux qui ont tenté de le soutenir, de s'approcher trop près de ce qu'il a préféré cacher pour mieux oublier. Il pense à ses parents, à sa sœur. Il a autorisé le poison de sa maladie à envahir ses relations avec ceux qu'il aime. Sans véritablement s'en rendre compte, il a encouragé son propre cauchemar à se réaliser. En plus d'avoir laissé la maladie remplir chacune de ses cellules, il l'a laissée infiltrer chacune de ses pensées. En voulant la dissimuler, il s'est laissé envahir jusqu'à ne pouvoir se définir que par elle.

De presque infirme physique, il est devenu invalide du cœur.

Sur tous les fronts, il est malade et ce constat le touche plus qu'il ne veut l'admettre. Il le tue.

***

Hello !

C'est la première fois que je m'adresse à vous dans ce livre, je vous ai parfois croisé dans les commentaires mais c'est pas vraiment pareil x)

Bref... Tout d'abord, je voulais vous remercier. Cette histoire est née, je ne sais pas vraiment comment ni vraiment pourquoi mais à chaque fois que je la partage un peu plus avec vous, ça me rend heureuse. Et chaque signe que vous m'envoyez me touche beaucoup. En fait, juste merci de me lire :)

Ensuite, je voulais vous informer que pour les deux semaines à venir, il n'y aura pas de publication. Je pars rendre visite à ma famille et je pense avoir très peu de temps et de motivation pour écrire ! Même si j'ai un peu d'avance dans mes chapitres, je préfère faire une pause. Ça va aussi me permettre de prendre un peu de recul, car en ce moment, l'avancée est assez difficile x).

Voili voilou !

Passez une belle journée, belle soirée, belle nuit. Au choix, selon l'heure où vous me lisez ✨

Jusqu'à s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant