Chapitre 15

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La jeune blonde se retourne vivement, prête à rappliquer. Cependant, quand elle reconnaît Éridan, sa bouche se munit d'un sourire en coin.

« J'ai toujours su que je te faisais craquer, mais, il y a des manières plus subtiles pour m'aborder, tu sais... »

Ses copines gloussent discrètement à côté d'elle. Cependant, Éridan n'est pas d'humeur à rire.

« Lucile, faut que je te parle, sérieusement.

- En plus, tu as peur de te prendre un râteau en public ? »

Même s'il la dépasse de plus d'une tête, Éridan comprend qu'elle domine la conversation avec une sorte de hauteur. Il voit bien qu'elle compte absolument le faire tourner en bourrique, alors, il décide de rentrer partiellement dans son jeu.

« Sincèrement, t'es pas vraiment mon style et puis la sœur de mon meilleur ami par la même occasion. Après, ta copine derrière toi est pas mal mignonne », commente-t-il en fixant la jeune fille en question avec un sourire qu'il espère naturel.

Il voit la petite rousse rougir timidement. Éridan sait qu'il n'est pas désagréable à regarder, mais il ne se considère pas comme de ceux qui attirent l'attention. Toujours accompagné de Loïs tout en gueule d'ange et en blagues ou de Charlie, tout en séduction avec son attitude de rockeur, Éridan peut jouir d'une discrétion appréciable. Même s'il est habitué à retenir les regards quand ses amis font les guignols et qu'il ne peut s'empêcher de jouer leur jeu, il préfère qu'on ne s'intéresse pas trop à lui.

Il s'excuse silencieusement pour la jeune fille en face qui semble au comble de la gêne. Mais en voyant les sourcils étonnés de Lucile mi-déstabilisée, mi-amusée par la provocation, il se détourne de sa victime et insiste :

« Bon, Lucile, plus sérieusement, c'est vraiment important !

-Okay, dit-elle en le toisant. Je vous rejoins après les filles. »

Les voix des quatre adolescentes s'éloignent tandis qu'Éridan entraîne la jeune fille vers un endroit plus calme. Puis il reprend, hésitant :

« Pourquoi ton frère n'est pas là ?

- Bah, demande-lui ! lui répond-elle avec désinvolture, pressée de rejoindre ses amies.

- Il me répond pas...

- Il doit dormir.

- Et tu vas me dire que ça fait trois jours qu'il dort ? rétorque-t-il en haussant le ton.

- Pourquoi pas ! »

Frustration et inquiétude jouent avec ses nerfs. L'adolescente en face de lui, lui répond de manière désintéressée, comme s'il était le seul dérangé à remuer pour rien, à voir la menace partout. Il ne sait plus quoi faire, alors il s'emporte, criant sur la jeune fille qui n'est pour rien à son angoisse.

« Putain, Lucile. Arrête de te foutre de moi !

- Pourquoi ça t'obsède de savoir ce qu'il a ? C'est pas la première fois qu'il est absent ! » s'emporte-elle soudainement, répondant à sa colère injustifiée.

Éridan ne dit rien. Le changement d'humeur foudroyant de son interlocutrice, si semblable au sien, le désarçonne un temps. Devant lui, Lucile serre ses poings tremblants, à en faire blanchir ses jointures. Il ne parvient pas à savoir si la jeune fille se retient de le frapper ou de pleurer. Mais dans tous les cas, son agacement lui semble légitime. Comme un boomerang, toutes les micro-absences de son ami qu'il a considérées comme insignifiantes lui reviennent. Depuis tout petit, Loïs a la santé fragile et l'habitude a pris le pas sur l'inquiétude. Presque douze ans qu'il ne fait rien et du jour au lendemain commence à se tracasser. Il se sent comme un enfant capricieux. Il n'a pas le droit de blâmer ceux qui soutiennent son ami depuis le début. Qui est-il pour exiger quoique ce soit ?

Jusqu'à s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant