Chapitre 18

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Le paysage urbain défile devant ses yeux. La radio joue en bruit de fond. Éridan est muet.

Dans une agitation silencieuse, il repasse inlassablement les mots de son ami. Comme les balles d'une arme à feu après la détonation, ils se sont implantés dans son cœur et continuent de le faire souffrir. Loïs n'a pas tort, il est encore englué dans ses peurs jusqu'à éviter toutes les choses qui pourraient les rallumer. Les établissements médicaux figurent en haut de la liste. Comme son ami, il se demande s'il est capable de surmonter ses crises de panique. Il aimerait répondre par l'affirmative mais tout son corps tremble à l'idée de revivre ce naufrage inarrêtable. Il est faible, terriblement faible. Tellement que ça en est affligeant. Cette pensée le fait soupirer.

« Ça va ? »

La voix féminine, à côté de lui, lui rappelle la raison de sa présence dans cette voiture.

« Oui, t'inquiète pas. »

Sa cousine, au volant, lui jette un coup d'œil intrigué.

« Tu n'as toujours pas appris à mentir ! se moque-t-elle. Ta copine t'en fait baver ?

— Quelle copine ? rit-il.

— A toi de me le dire, Riri ! »

Il glousse de plus belle avant de reprendre, nostalgique :

« Ça fait longtemps qu'on ne m'avait pas appelé comme ça... »

À côté de lui, son interlocutrice ne dit rien non plus, plongée dans une sorte de réflexion. Dans le véhicule, l'atmosphère se fait plus lourde.

« À toi aussi, elle te manque l'époque de « Riri, Fifi et Loulou, les trois petits canards de Ma' » ? finit-elle par murmurer.

— Tous les jours, répond-il la gorge nouée.

— C'est drôle, maintenant, il ne reste que nous deux, Éridan et Philippine, « Riri et Fifi les deux petits canards de personne. » »

Éridan ne trouve rien à répondre. Il la voit abaisser ses lunettes de soleil, sûrement pour cacher ses larmes. A son tour, il détourne son visage pour masquer les siennes.

Le paysage défile toujours derrière les vitres de la voiture. La radio joue encore en bruit de fond. Et Éridan est à nouveau muet. Retour à la case départ. Seulement, d'autres pensées le tourmentent.

À mesure que le silence s'allonge, ses démons reprennent leurs droits, sans lui laisser aucun répit. Ils l'entourent et lui soufflent des souvenirs joyeux mais envahis par un filtre de mélancolie. Les images et les sensations s'imposent à lui, il se sent perdre pied peu à peu. L'habitacle de la voiture lui paraît bien trop étroit. Le cuir sous son corps semble l'engloutir, millimètre après millimètre. Sinueusement d'abord, puis avec brutalité, il se fait submerger par une angoisse agitée. Tout se floute autour de lui, il n'y a que sa personne et cette accumulation de négativité. Il ferme les yeux, aussi fort qu'il peut, pour effacer les sentiments qui l'accablent. Cependant, dans l'obscurité de ses paupières, les images s'imposent à lui avec bien trop de netteté. Insidieuses et puissantes, les émotions, les réminiscences emplissent tous ses sens. Alors rassemblant toute la lucidité qu'il lui reste, il coupe court au silence de la voiture, espérant occuper son esprit assez pour échapper à la panique qui, inexorablement, grappille du terrain.

« D'ailleurs, pourquoi t'es là ? »

Il a l'impression de sortir sa cousine de ses pensées, elle ne remarque même pas son halètement contenu.

« Je passais par là ! Donc j'en ai profité pour venir vous voir, finit-elle par répondre.

— Tu passais par-là ? Tu fais quoi aussi loin de Paris ? l'interroge-t-il en tentant de maintenir son attention sur elle et sur les mots qu'elle prononce.

Jusqu'à s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant