Chapitre 43

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Il fait sombre. Loïs frissonne. Ils avancent lentement au milieu des branchages et des racines. Il se sent encore un peu fébrile, son corps vibre de doutes et d'anxiété. Devant lui, les pas feutrés sur les herbes entonnent une mélodie singulière, presque apaisante.

Ils marchent dans la nuit. Seule la torche d'un téléphone agrippe les feuilles et étale leurs ombres sur le sol humide. Cette fois-ci, les adolescents savent où ils avancent. Loïs n'a pas besoin de tendre l'oreille pour percevoir les clapotis de l'eau de la rivière. Peut-être n'est-ce que son imagination qui amplifie les bruits de la nuit.

Au bout d'un certain temps, les arbres se raréfient et le ciel perlé d'étoiles apparaît au-dessus de leurs têtes. L'eau est là, son odeur si reconnaissable et à la fois indescriptible caresse le nez des adolescents. Lentement, ils se débarrassent de leurs affaires et rejoignent leur but premier. Loïs sent ses orteils se crisper au contact de l'onde. Puis finalement, il plonge sans perdre une minute. Le chant des cigales s'estompe. L'eau isole les bruits et rafraîchit son corps et son esprit en ébullition.

En remontant à la surface, tous l'ont rejoint.

« Ça fait du bien, s'exclame Ana.

– C'est la meilleure idée du siècle, se vante faussement Romane.

– Un génie est un génie, surenchérit Ana.

– Attention, t'es en train de cultiver son melon », rit Charlie.

Les discussions anodines résonnent différemment dans la nuit d'été. Loïs a l'impression d'un rêve, tout est si léger, paré d'un filtre doux qui apaise ses pensées. Dans l'eau, il se sent paradoxalement libéré de toutes pressions. L'onde caresse son épiderme plus qu'elle n'appuie sur lui. Elle semble le porter. Il s'y laisserait bien couler.

Les voix de ses amis ne font que traverser ses oreilles, il ne retient rien, n'écoute qu'à demi. En étoile de mer, il flotte et se laisse porter par le courant qui l'emmène un peu plus loin, seconde après seconde. De temps à autre, il remue pour remonter le canal, lentement, sereinement.

Les étoiles dans le ciel sont les mêmes que d'habitude. Parfois, il regrette de ne pouvoir les nommer, elles qui semblent lui sourire dès que ses yeux rencontrent leur grâce. Aujourd'hui, il a côtoyé les nuages. Pendant un instant, il espère converser avec les astres.

« Loïs ? »

Ses pensées s'embrouillent et il ressort du cocon tissé de sensations et d'émotions.

« Oui ? »

Romane se rapproche de lui et laisse derrière elle les trois autres. À son tour, il se remet debout et quitte le parloir aux étoiles.

« Je sais qu'on n'est pas les plus proches, tous les deux, commence-t-elle, mal assurée, après un silence. Mais je voulais te dire que tu pouvais compter sur moi, sur les autres aussi, c'est certain. Je sais pas ce que tu peux bien ressentir, je le saurais jamais vraiment, mais si tu as besoin de parler, de penser à autre chose, n'hésite pas. Ne te sens obligé de rien, juste de ne pas tout garder pour toi. »

Elle remue ses doigts dans l'eau, n'ose pas le regarder dans les yeux. Elle a raison, Romane et lui ne partagent que très peu de choses. Pas qu'ils ne s'entendent pas, juste que rien ne les a jamais liés l'un à l'autre plus personnellement. Pourtant, ça ne les empêche pas de s'apprécier. Loïs se sent bien avec Romane et toute l'attention qu'elle porte à tout le monde. Une pensée fugace lui traverse l'esprit tandis qu'il cherche les mots justes, Éridan et Romane méritent d'être ensemble et d'être heureux. Il voit en eux cette même douce chaleur de réconfort. Il est heureux d'être entouré de gens aussi bons.

Jusqu'à s'envolerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant