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Virginie était timide, réservée, elle n'osait pas s'afficher avec moi en public alors que moi j'assumais entièrement le fait d'être amoureuse d'elle. Parfois, en cours, lorsqu'un prof parlait sans que nous ne devions écrire, je posais discrètement ma main sur sa cuisse, elle se hâtait toujours de la retirer en rougissant, on ne s'embrassait jamais en public, on ne se donnait pas la main non plus, en bref il n'y avait aucun signe extérieur que nous étions en couple. Pourtant Virginie venait presque tous les soirs chez moi, pour ''réviser''. Nous étions, comme toujours, dans ma chambre, assises au bureau, un cahier devant les yeux, cela devait faire environ un mois et demi que nous étions ensemble, et comparée à celle que je venais d'avoir avec Christopher, cette relation me paraissait très platonique. Il fallait que j'en discute avec elle mais à chaque fois que j'essayais d'aborder le sujet, elle se braquait totalement. Ce soir là encore je tentais de lui faire comprendre que j'avais besoin de douceur et d'attention, pas en public si elle le souhaitait mais au moins en privé, et comme toujours elle me répondait en bredouillant et rougissant. Je commençais à perdre patience, qualité qui n'a jamais été très développée chez moi quand tout un coup il me vint une idée folle.

« Tu aimerais rester pour manger ? On peut toujours dire à ma mère qu'on planche sur un devoir et qu'on a pas fini. »

Elle devint rouge comme une tomate immédiatement.

« Heu... Oui... Si ça gêne pas ta mère... Ou toi...

-Si je te le propose c'est que ça me gêne pas ! Au contraire ça me fait plaisir que tu veuilles rester.»

Elle était loin de se douter de ce que j'avais prévu de faire, je la saisis par la main et la tirai hors de la chambre. Ma mère s'affairait déjà en cuisine, mon frère faisait ses devoirs, il n'était qu'au début du collège et c'était encore un petit garçon sympathique qui n'avait rien à voir avec l'ado rebelle qu'il allait devenir. Je déboulais dans la cuisine en tenant toujours Virginie par la main, elle essaya de se dégager en voyant que ma mère était là mais je ne la laissai pas faire, je la serrai encore plus fort.

« Maman, dis-je bien fort, ça te dérange si ma petite amie reste pour manger ce soir ? »

Je sentis la main de Virginie dans la mienne devenir toute molle, en la regardant du coin de l'œil je vis son visage passer du rouge au blanc en à peine une seconde, j'eus même cru qu'elle allait s'évanouir. Dans le fond, je m'en fichais, c'était plus la réaction de ma mère que j'observais. Elle était face à la gazinière, un grand modèle à cinq brûleurs qui ressemblait à un piano de cuisine comme dans les restaurants, tout en aluminium, elle faisait mijoter quelque chose dans une grande cocotte, touillant avec une cuillère en bois, elle ne s'attendait pas à ma venue et lâcha l'ustensile qu'elle tenait lorsque je prononçais les mots ''petite amie''. Elle se retourna sur nous, lentement, très lentement, j'avais l'impression que c'était un ralenti comme on en voit dans les matchs de foot à la télé, et durant l'interminable moment que dura son demi tour, Virginie essayait toujours de fuir, se débattant de plus belle pour que je lui lâche la main, elle avait le temps de rêver, je l'avais saisie d'une poigne d'acier, tant pis si elle avait mal, je voulais qu'elle assume au moins une fois dans sa vie. Ma mère nous fit enfin face, elle me dévisagea puis me scruta de la tête aux pieds, elle en fit de même avec la fille qui se tenait en retrait, et qui tentait toujours de partir mais un peu moins brutalement maintenant.

« Non, elle peut rester mais il faut prévenir sa mère, dit faiblement la mienne. Tu aimes la ratatouille ? »

Tétanisée par la gène Virginie n'osait même pas répondre, ce qui lui valut un second regard appuyé de la part de ma maman. Comme elle semblait soudain être devenue muette, je répondis affirmativement à sa place, et précisais qu'on allait avertir sa mère, on voulait simplement savoir si c'était possible avant de la déranger pour rien. Ma mère acquiesça en souriant et se remit devant son plat comme-ci de rien n'était, je tirais une nouvelle fois ma petite amie pour retourner dans ma chambre. Elle avait toujours un teint cadavérique lorsque je refermai la porte derrière elle.

« Pourquoi t'as fait ça ?! Me cracha-t-elle faiblement. Ça va pas non ? Tout le monde va le savoir maintenant ! »

Je ne sais pas ce qui me mit le plus en colère, le ton sur lequel elle m'avait parlé ou alors le manque de confiance qu'elle avait envers ma famille mais je me sentis bouillir de l'intérieur subitement et mes joues s'empourprer. À l'inverse d'elle, je ne chuchotai pas, j'explosais littéralement de rage et criai.

« Quoi pourquoi j'ai fait ça ? J'ai fait quoi ? Je te propose de rester manger, normal que je prévienne ma mère qu'il y aura une personne en plus non ! Et pis t'en fais pas, c'est pas la gazette du coin ici ! On sait tenir notre langue ! »

Si Virginie aurait pu, elle aurait pu disparaître tellement son teint devint encore plus livide, apparemment elle venait de découvrir qu'il n'y avait pas qu'elle qui pouvait râler. Jusque là j'avais été gentille, acceptant tous ses caprices, toutes ses conditions mais là s'en était trop, on ne critiquait pas ma famille.

 Nous attendîmes que mon père rentre afin de passer à table, je l'entendis arriver mais contrairement à d'habitude, ma mère ne m'appela pas immédiatement, je pense qu'ils ont du prendre quelques minutes pour discuter ensemble de la révélation de la soirée. Pourtant une fois devant mon assiette, personne n'avait l'air différent avec moi, mon père nous demanda à mon frère et à moi comment s'était passée notre journée, il nous parla un peu de la sienne, même Virginie combattit sa timidité pour faire quelques remarques. Tout ce passa bien et il fut l'heure pour ma petite amie de rentrer chez elle. 

Lesb et heureuse : Stéphanie [terminé] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant