Le docteur Marrow me fit signe par un "Il est à vous !". Je poussai alors les sinistres portes de la chambre-cellule. Un garçon y était installé.Son portrait était... inexplicable : ce devait-être un bel homme, avant, mais ses traits était marqués par la folie... elle l'avait comme dévoré. Son regard me parut le plus frappant : ses yeux, dénudés de sentiments, fixaient un point avec une expression totalement vide. Par vide, j'entends qu'il n'y avait absolument aucune émotion : il semblait découvrir chaque point de sa cellule avec une lividité impressionnante.
Il m'aperçut enfin, ce fut lent, mais son attention dériva le long d'un fleuve invisible, longeant les murs de la salle. Je lui adressai alors un sourire : il leva un sourcil et détourna le regard.
Pendant cinq minutes, le docteur essaya de le persuader de prendre place sur sa chaise jusqu'à, enfin, y parvenir. Je m'assis à mon tour en face de lui et, de plus près, j'avisai : il y avait une sorte de mélancolie figée sur son visage. Contre toute attente, cette souffrance était magnifique à ma vue et m'émut énormément, si bien que je commençai à sentir une liaison très forte avec ce jeune homme.
Comme le garçon devait avoir connu un grand nombre de psychologues, je décidai d'abréger les formules toutes faites qu'utilisait la plupart de mes collègues. Je commençais avec un sujet précis :
- Le docteur Marrow m'a transmis toutes les informations de votre dossier mais j'aimerais vous connaître mieux, déclarai-je. On m'a dit que vous aviez peur des hiboux. Sauriez-vous dire pourquoi ?
Il me dévisagea soudain avec rage. J'interrogeais M. Marrow sans rien dire : il secoua la tête en un signe de dénégation.
- Très bien nous allons donc commencer plutôt par autre chose. Vous avez déclaré plusieurs phrases aux psychologues précédents. Vous en souvenez-vous?
Aucune réponse. Il semblait encore plus absent. Je feuilletais des yeux mon dossier et trouva :
- Tenez, par exemple celle-ci, " Fire..."
- "...Walk with me !"
Je levai le nez de ma paperasse, il s'était levé et son visage n'était désormais plus qu'à quelques centimètres du mien. Il me contemplait, les dents serrées, et ses grands yeux verts me suppliant effroyablement. Plusieurs émotions se bousculaient chez lui et se mélangeaient, mais j'étais certain, oui, certain d'une chose : il avait besoin de moi !
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Faster and Faster - Tome 1
Genel KurguLa rencontre entre un psychologue et son patient. De quel côté êtes-vous ? "And the angels wouldn't help you, because they've all gone away." Fire Walk With Me, David Lynch.