Appartement, 29 décembre 2017, 02h51
Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Pour la dixième fois de la nuit, mon cerveau se remettait en marche, et mécaniquement, ma main le cherchait à côté de moi sans jamais le trouver. Alors, j'ouvrais les yeux pour imprimer dans mon esprit la suite de nombres inscrits sur le radio-réveil avant de me rendormir. Il ne m'avait pas fallu longtemps pour comprendre qu'il ne me rejoindrait pas, mais une part de moi espérait encore qu'il ne choisirait pas de dormir sur le canapé. Cette lueur d'espoir suffisait à me maintenir somnolent malgré la fatigue qui me submergeait. Mais à cette heure-ci, l'espérance était morte et seule la réalité survivait.
La gorge desséchée, je me redressai, repoussant la couette qui me protégeait de la fraîcheur de la chambre. Ma paume glissa sur mon cou trempé de sueur. L'idée que la fièvre ait pu revenir me traversa l'esprit, alors je me penchai pour atteindre l'interrupteur de la lampe de chevet. La pièce fut alors illuminée d'une lumière douce. Je rentrai un à un mes pieds dans mes chaussons, avant de les abandonner aux pieds du lit en me disant que je risquais le réveiller.
J'avançais prudemment jusqu'à la salle de bain, en prenant garde de ne pas faire grincer le paquet sous mes pas. L'air de la pièce était toujours chaud et humide, et deux serviettes tentaient de sécher suspendu à la tringle du rideau de douche. J'attrapai le thermomètre et tirai légèrement sur mon lobe d'oreille avant de l'insérer à l'intérieur. Au bout de quelques secondes, l'appareil sonna et un led vert s'alluma. Mon esprit me jouait donc des tours. Je nettoyai soigneusement l'objet avant de le reposer là où je l'avais pris.
Soudain, le son à peine audible d'une mitraillette me fit sursauter. Je me dirigeai vers le salon, le plancher craquait sous mes pas. La pièce était éclairée par le peu de lumière émanant du téléviseur resté allumé. Lorsque je me rapprochai du canapé, je l'aperçus endormi. Assis en tailleur, les bras croisés, on aurait pu croire qu'il regardait le film si un léger ronflement ne s'échappait pas de ses lèvres entrouvertes. Je n'osais pas imaginer à quel point ces derniers jours ont dû être épuisant pour lui, au point qu'il pique du nez ainsi.
Sans un bruit, je fis demi-tour et rentrai dans la chambre inoccupée. Pendant ces dernières années, une multitude de cartons s'était accumulée. Au début, je voulais mettre ses affaires de côté pour essayer de ne plus penser à lui à chaque seconde, mais ça ne fonctionnait pas. Alors finalement, j'y ai enfermé ma jeunesse, tout ce qui me rendait malheureux et ce qui ne me servait pas dans l'immédiat.
Il ne me fallut que quelques instants pour trouver ce que je cherchais, une vieille couverture à motif écossais et un oreiller. Maintenant que je les avais devant moi, j'hésitais à aller jusqu'au bout de mon action sans même comprendre les raisons qui m'en empêchaient. Un poids pesait dans ma poitrine et le doute prenait place dans ce vide qu'il créait. À cause de cela, mon cœur ne cessait d'accélérer, battement après battement, embrouillant un peu plus mon esprit perturbé.
Je sentais que les médicaments avaient cessé de faire effet. Mon cerveau malade était maintenant libéré de toute entrave, et pouvait me torturer à sa guise.
Je posai l'oreiller sur l'accoudoir du canapé. Puis avec la plus grande délicatesse, je le fis basculer jusqu'à ce que sa tête repose sur la surface duveteuse. Il ne me resta alors plus qu'à étendre ses jambes et le recouvrir de la couverture.
Pour une raison inexplicable, je ne pu m'empêcher de rester là, accroupi, à le regarder. Le changement de position avait fait cesser ses ronflements, et il semblait maintenant dormir paisiblement. Je posai un bras sur le rebord du canapé, mon menton sur celui-ci. De ma main libre, je viens frôler son sourcil gauche du bout des doigts avant de caresser ses cheveux. Ils étaient toujours légèrement humides après avoir été lavés, pourtant leur douceur était inégalable. Elle ne s'était jamais tarie malgré les années et leur toucher me rappelait sans cesse l'adolescent qui avait emménagé avec sa mère en face de mon appartement.
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Le dernier baiser
Romance" Quand le souffle nous manquait, nos lèvres se séparaient l'espace d'un instant avant de se retrouver inlassablement. Je sentais ses mains remonter le long de mon dos, s'accrochant à moi pour me retenir auprès de lui. Il ne voulait pas que j'interr...