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« J'ai eu Connor au téléphone tout à l'heure, et il m'a dit qu'il essaierait de passer ce soir, s'il peut, » m'explique Michael, adossé contre le mur, juste à côté de la salle où le groupe de parole se déroulera dans quelques minutes.

Deux jours sont passés depuis mon arrivée. J'ai réussi à prendre quelques habitudes et quelques repères, ici. C'est compliqué mais je dois faire avec. Je n'ai pas à me plaindre.

Connor est donc partit le lendemain de mon arrivée, c'est-à-dire, hier soir. Michael et lui sont devenu de très bons amis ici, alors évidemment, leur séparation était très émouvante. J'ai pu parler avec Lysa, ce matin, et elle s'est dévoilée à moi, ce qui m'a grandement étonnée. J'ai donc apprit qu'elle aussi a fait une tentative de suicide — de la même façon, excepté le bras — et qu'ils l'ont admise ici à cause de sa forte addiction à l'alcool — addiction, qui est arrivée suite à la mort soudaine de son petit frère.

En parlant de sujets qui fâchent ; mes points de sutures tiennent le coup. Une infirmière passe me voir tous les jours pendant cinq à dix minutes pour pouvoir voir si j'ai correctement nettoyé et si tout va bien. J'ai rendez-vous en fin de semaine prochaine pour pouvoir les retirer. Je n'ai aucune douleur, comparé aux premiers jours.

« Aller, c'est partit. » Michael me tape gentiment sur l'épaule avant d'entrer dans la salle.

Je sors de mes pensées en secouant la tête, puis j'entre, m'asseyant sur la chaise vide juste à côté de lui. Je suis très étonnée quand je vois le corps fragile de Lysa passer la porte, ses cheveux cachant légèrement son doux visage. Lysa n'a que dix-neuf ans ; elle est extrêmement jeune pour être ici.

« Bien le bonjour ! »

Un homme d'une trentaine d'années entre dans la salle, avec un petit carnet dans les mains. Il pose sont regard sur chacun de nous, avant de sourire grandement.

« Et bien, nous sommes nombreux aujourd'hui, » il s'assoit sur la chaise juste à côté de Michael, puis son regard rencontre le mien, ainsi que celui de Lysa, maintenant assise à mes côtés, « il y a de nouvelles têtes, c'est bien. »

Je baisse la tête pour fixer mes genoux.

« Je sais que certains, et certaines, ne sont pas à l'aise pour parler devant un groupe de personnes, mais c'est important que vous le fassiez, » nous encourage t-il, « je ne vous demande pas de répondre à chaque prise de parole, mais de prendre part à certaines discussions. »

J'hoche la tête, sans pour autant relever les yeux. Un silence nous enveloppe le temps de quelques secondes, jusqu'à ce qu'il ne reprenne la parole une nouvelle fois.

« Pour les nouveaux, je m'appelle Arthur, » dit-il, sûrement avec un sourire sur les lèvres, « maintenant, qui veut commencer? »

« Moi, j'ai pleins de choses à dire, » soupire Michael, ce qui me fait relever les yeux vers lui, « pour commencer, Connor n'est pas là parce qu'il est sortit d'ici. »

« Félicitations à lui. » sourit Arthur.

« Oui, mais il me manque, » il grimace, ce qui me fait sourire, « mais j'ai rencontré quelqu'un le jour avant son départ, » ses yeux se posent sur moi, ce qui fait totalement disparaître ce sourire que j'avais sur les lèvres quelques secondes auparavant.

« J'ai sauvé une jeune femme qui traversait la route alors qu'une voiture passait. »

Pitié, sortez-moi d'ici. Je déteste parler en public, et encore moins de ma vie privée. Je peux écouter les autres parler, et m'y mettre, seulement si la conversation ne touche pas à ma vie personnelle.

Mes yeux rencontrent les siens avant qu'il ne parle de nouveau, et je le supplie du regard pour qu'il ne dise rien qui montre que c'est de moi dont il parle.

« Oh, » sourit Arthur, « parles nous-en ! »

« Mon dieu. Comment s'est arrivé? »

« Je ne sais pas pourquoi elle a été admise ici, » il hausse les épaules, « et, à vrai dire, je n'ai pas cherché à savoir. Elle me le dira quand elle sera prête. »

Merci, Michael.

« Je n'en sais rien mais je– j'ai vu qu'elle n'avait plus rien à perdre, et ça m'a fait peur parce que quand une personne n'a plus rien à perdre, c'est parce qu'il est trop tard... Non ? »

« En revanche, elle m'a raconté une chose qu'il s'est passé récemment. Et, même si on ne se connait que depuis quelques jours, je suis très content qu'elle l'ai fait. »

« Pourquoi donc ? » insiste Arthur.

« Il n'est jamais trop tard. »

« Parce que je sais que c'est une personne qui n'apprécie pas totalement que l'on parle d'elle. Autant nous, qu'elle-même. »

« Comment peux-tu aider quelqu'un qui n'a peur de rien ? »

Je souris. Comme l'a dit Michael, cela ne fait que quelques — deux — jours que nous nous connaissons, et pourtant. J'ai l'impression qu'il me connait par cœur. C'est très déstabilisant ; surtout quand je pense à quelque chose, et qu'il arrive qu'il se mette à parler du sujet de mes pensées. C'est déjà arrivé. Et, c'est vrai, je n'ai pas totalement parlé à Michael de toute ma vie ; seulement de ce qu'il s'est passé avec Harry, deux jours plus tôt.

« Peut-être... peut-être que c'est cette personne qui a le plus peurs ; celle qui a le plus de craintes... »

Mais c'est comme s'il me connaissait depuis des années.

« Je suppose que si tu dis du bien d'elle, elle en est forcément ravie, » dis-je, tout d'un coup, avec une petite voix.

« De quel genre ? »

« J'espère qu'elle l'est, » il me sourit.

Je me maudis mentalement d'avoir osé prendre la parole, quand je vois le visage d'Arthur se tourner lentement vers moi.

« Rose, » déclare t-il, « c'est bien toi ? »

« Et bien– je– peut-être la peur de ne pas pouvoir être sauvée ? »

J'hoche timidement la tête.

À ma plus grande surprise, il secoue simplement la tête de haut en bas, avant de se tourner vers le reste du groupe, dans l'attente d'une prochaine prise de parole. Il a sûrement dû voir que je n'aimais pas parler, c'est peut-être la raison pour laquelle il n'a pas insisté, qui sait? Quoiqu'il en soit, je le remercie.

« J'essayerai de le faire alors. »

« Pour revenir au fait que Connor manque à Michael, » un homme, dans mes âges, prend la parole, « moi c'est ma copine qui me manque. »

« Tu ne peux pas. »

Une légère vague de "oui, moi aussi" traverse la salle et s'écrase lourdement sur moi, ainsi que le regard de Michael.

Bien-sur qu'il me manque, je ne vais pas le nier. Je me sens vide, abandonnée, complètement perdue. Je sais que j'ai besoin de sa présence pour aller mieux, alors restée cloîtrée ici ne joue pas vraiment en ma faveur. Il n'est pas revenu, et ne m'a laissé aucun message. C'est comme s'il avait disparu de ma vie. Totalement. Comme s'il en était définitivement sortit sans même que je ne puisse lui attraper la main pour le retenir.

« J'essaierai. »

Mais, en y réfléchissant, c'est malheureusement ce qu'il s'est passé.

thank you - hs. (II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant