Chapitre 11

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Le déjeuner sembla durer toute une vie tant j'étais impatient de pouvoir sortir de table et aller discuter avec le prince. Malheureusement il avait passé plusieurs longues minutes à discuter avec Madame Yôn de tout et n'importe quoi, comme si rien de significatif n'était arrivé jusque là. Cela avait le don de me rendre fou d'impatience et je sentais mon genou battre la mesure de lui même, la main du prince sautant lentement sur mon genou où elle se trouvait. Parfois je l'entendais ricaner à mes signes d'impatience et j'avais l'impression qu'à chaque fois il ralentissais un peu plus sa mastication ou l'arrivée de la nourriture a sa bouche. S'il voulait me rendre fou il était en très bonne voie.
Mais fort heureusement après un certain temps, que je n'arrivais plus à mesurer tant il l'avait semblé s'étirer, il pria la vieille femme de nous excuser et il me dit signe de me lever en même temps que lui. Enfin nous l'avions salué, moi bien bas, le prince se courbant également mais évidement il ne cherchait pas à frôler le sol du bout du front. Il nous fit enfin nous redresser et guida nos pas jusqu'à sa tour de papier, poussant la porte d'une main de velours avant d'aller s'asseoir derrière sa table de travail. Il me fit signe d'approcher et c'est avec une étrange boule au ventre que je m'étais agenouillé devant la table de bois sculpté, les doigts serrés sur mes genoux. Je repensais tant à ce baiser que je sentais mes joues devenir aussi rouges que des fruits mûrs tandis que le jeune prince avait regardé sa pierre à encre vide, glissant un doigt sur le fond pour décoller un peu d'encre séchée. Il semblait également gêné par la situation, et j'avais une peur bleue qu'il me dise avoir regretté... après tout pour ma part, cela n'avait absolument pas été le cas... mais enfin il se redressa, retirant les écailles d'encre de ses doigts et se mis à le sourire.

« Tu sembles gêné, Yoongi »
« Je... je pense l'être un peu... »
Le prince me répondît par un petit rire et une tape sur le front. « Ce baiser ne devrait pas te mettre dans de tels états de stress! »
« Et bien... je pense que si... après tout il s'agissait de mon tout premier et... j'ai envie de savoir sa signification. »
Le prince soupira longuement, comme s'il était agacé par mon manque de présence d'esprit. « Pourtant j'avais pensé être clair... tu sais lorsque j'ai dit que je te donnais à nouveau une preuve... »
Je hochai de la tête et il tapota sa joue.
« Alors, que penses-tu que cela signifiait? »
« J'ai... a vrai dire, peur de comprendre et dire à voix haute mes pensées actuelles serait gênant. »
Le prince se mis à rire et attrapa une fiole entre ses doigts, la faisant tourner sous ses yeux. « Je comprend, il est vrai que dire ses sentiments à voix haute et compliqué... » il fit un léger sourire. « C'est pour cela que j'utilise les gestes et l'art.. »
« Pardon? » avais-je à peine pus articuler, les doigts serrés sur mon pantalon alors que je pensais enfin faire la lumière sur toute cette histoire. De son côté le prince avait posé sa fiole, porté son regard sur mon visage et soupiré d'un souffle court.
« Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi tu avais pu sauter tous les tests et directement être engagé? »
« Si... mais c'était car vous m'aviez reconnu comme... celui qui se lavait le jour de l'été. »
« Oui... mais des muses vois-tu, j'aurai pu en trouver parmi nombre de jeunes hommes et femmes avant ce jour. Ou même en choisir a la suite des tests. Alors pourquoi te choisir toi quoi qu'il advienne? »
J'avais haussé difficilement les épaules.
« Car je savais que tu étais différent. Que toi tu étais fait pour être ici... avec moi. » il se mordit la lèvre. « Cela donne si égoïste... » il balaya ses pensées d'un revers de main. « Je te voulais auprès de moi car tu révélais mon talent, mon esprit poétique, le peintre et l'écrivain qui sommeillaient en moi... mais pas que cela. Tu m'as permit de me remettre si durement en question. » il soupira longuement. « Cela m'a aidé à comprendre ce que je ressentais envers les femmes et pourquoi j'avais tant refusé de me lier à l'une d'elle qui aux yeux de tous était une perfection incarnée. Je ne comprenais pas ce besoin qu'ils avaient et je l'ai compris seulement en te voyant dans cette rivière lorsque je t'ai vu j'ai tout de suite ressenti un poids dans la poitrine que je ne savais comprendre. J'ai cru ressentir une culpabilité certaine de violer ton intimité mais c'était autre chose. C'est revenu lorsque tu es devenu ma muse, mon model, et j'ai commencé à avoir de plus en plus peur. Peur de ce que je pensais découvrir. Puis... tu m'as parlé de ta grand-mère et de cette vieille femme qu'elle avait servit. Alors j'ai cherché à comprendre. Suite à quelques correspondances elle m'a expliqué en quelques mots sa relation. Et là j'ai osé mettre un mot sur ce que je vivais. Ce que je cherchais. » il glissa à nouveau son doigt dans la pierre à encre. « Et j'ai su dire que j'aurai voulu que tu sois ce que ta grand-mère a été pour elle. »

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