Lorsque j'arrivai à l'hôpital ce samedi-là, Dr Norrington était d'une humeur massacrante.
Plus aucune trace de l'homme prévenant que j'avais entrevu le matin où mon père avait été hospitalisé, trois jours auparavant. Tout bien réfléchi, je préférais quand il ne m'adressait pas la parole. Depuis que j'étais arrivée à l'hôpital, il ne m'octroyait que des reproches, quand ce n'était pas des remarques acerbes. Il m'avait sermonnée sur ma consommation de café et sur le temps que je perdais à aller en chercher à la cafétéria. Il m'avait même servi un cours sur la manière de circuler dans les couloirs!
« Dre Leblanc, vous savez que vous allez à contre-sens? C'est la troisième fois que je manque vous percuter. Les couloirs de l'hôpital sont comme l'autoroute. Circulez à droite, dépassez à gauche. »
Vraiment, il était exécrable et infantilisant, mais mon quart de travail était bientôt terminé. Et Christophe, le pharmacien, avait laissé un café à mon intention au poste des infirmières un peu plus tôt. Au moins, l'un de mes collègues s'avérait charmant.
Je sortis de la salle de consultation numéro sept et indiquai la sortie à la jeune femme que je venais de voir. Je vis Dr Norrington foncer sur moi dès qu'elle fut parie.
— Pour l'amour du ciel, Dre Leblanc, que faisiez-vous avec cette patiente? tempêta mon collègue. Elle a seulement une infection urinaire et vous avez passé quinze minutes avec elle!
Chronométrer mes consultations avec les patients et fouiller dans les dossiers qui m'étaient attribués? Ha, c'était vraiment la goutte qui faisait déborder le vase!
— Avez-vous déjà essayé d'uriner dans un petit pot quand vous pissez du sang et avez l'impression de sortir des couteaux de votre vessie? m'emportai-je alors.
Il grommela une réponse qui ressemblait à « perte de temps » et tourna les talons. Je l'attrapai par la manche de son sarrau.
— Répondez-moi, Dr Norrington!
— Pour reprendre vos termes éloquents, non, je n'ai jamais « pissé » ni de sang ni de couteaux dans un pot de prélèvement, railla-t-il. Êtes-vous satisfaite, Dre Leblanc? Puis-je retourner travailler?
— Il est sept heures, votre quart de travail est terminé, rétorquai-je avec dédain.
Mon interlocuteur leva les yeux au ciel et s'éloigna de son pas raide. Je l'observai quelques secondes avant de me décider à le rattraper. Je courus devant lui avant qu'il n'entre dans son bureau et plaquai mes deux mains sur son torse pour l'empêcher d'avancer.
— For God's sake...
— Qu'est-ce que je vous ai fait? lui demandai-je en détachant chaque syllabe pour que la question se rende bien jusqu'à son cerveau d'imbécile. Depuis que je suis arrivée, vous n'avez pas eu une gentille parole pour moi, vous m'ignorez, et Dieu sait que j'ai fait des efforts pour être sympathique avec vous, mais vous m'empoisonnez la vie!
Dr Norrington ferma les yeux et se pinça l'arête du nez, comme s'il souffrait intérieurement. Il poussa un profond soupir et posa de nouveau son regard sur moi. Ses yeux étaient soulignés de cernes bleutés qui étaient pire que les miens. Il encercla mes poignets de ses mains et les détacha doucement de son torse. Je n'avais pas réalisé que je m'étais autant approchée de lui. Je sentais la chaleur de son corps irradier contre ma peau.
Alors que mes poignets étaient encore prisonniers de ses mains, et je vis dans ses yeux qu'il déposait les armes. Il allait enfin me parler.
— Dre Leblanc, je suis...
— Cordélia! lança une voix joyeuse.
Je vis Christophe venir à notre rencontre et Dr Norrington me relâcha brusquement tandis que je reculais d'un pas pour augmenter la distance entre nous. Le sourire lumineux du pharmacien me sembla décalé.
— J'espérais que tu ne sois pas partie. Je voulais te laisser mon numéro, me dit-il avec un petit sourire en me tendant un bout de papier. J'aime bien te parler et nous n'en avons guère le temps quand nous sommes à l'hôpital.
— Oh. Euh, merci, balbutiai-je en attrapant le bout de papier pour le glisser rapidement dans la poche de mon sarrau.
N'avait-il pas pu attendre que nous ne soyons que tous les deux pour me donner son numéro?
— Tu m'écriras. Bonne journée, Cordélia. Bonjour, Dr Norrington.
— Bonjour, le salua froidement mon collègue du bout des lèvres.
Son visage s'était de nouveau fermé et un pli s'était formé entre ses sourcils. Il regardait Christophe avec ses yeux rougis de fatigue et son regard dur, et je fus soulagée de ne pas être la cible de sa mauvaise humeur.
Christophe nous quitta aussi vite qu'il était arrivé. J'attendis qu'il disparaisse au bout du couloir pour me tourner vers mon collègue.
— Euh, je suis désolée pour... ça. Que disiez-vous?
— C'est sans importance.
Dr Norrington entra dans son bureau et troqua son sarrau pour son manteau noir et ses gants de cuir. Je le regardai faire en me balançant d'un pied à l'autre. Il attrapa sa mallette et revint dans ma direction, trousseau de clés en main.
— Vous portez un joli prénom, dit-il sans prévenir en plongeant ses yeux dans les miens. Il vous sied, ajouta-t-il de sa voix basse en barrant la porte de son bureau.
Il m'accorda un dernier regard brûlant avant de prendre la direction de la sortie. Je le regardai disparaître, parcourue d'un frisson.
Cet homme était une putain d'énigme et il ne me donnait pas le moindre indice pour le déchiffrer.
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COUCOU <3
Je sais que le chapitre est court, mais il est intense (du moins pour cette pauvre Cordélia). Comme d'habitude, Dr Norrington crache le chaud et le froid, mais cette fois Cocotte s'est défendue (girl poweeeer) (non mais il faut les remettre à leur place ces imbéciles)!
Sinon, shout out à toutes celles (et ceux, oui oui) qui ont déjà pissé du sang et des couteaux aka souffert de cette infection du diable qu'est la cystite. Cordélia et moi compatissons.
Ok, je sors.
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Life is short, baby
RomanceLorsque Cordélia devient urgentiste à l'hôpital de Pointe-aux-Noyers après sept ans d'études acharnées, elle croit avoir atteint son objectif de vie ultime. Elle adore la médecine d'urgence, mais entre les quarts de travail de nuit, son père qui tom...