Life is short, baby

Code bleu

Ça faisait quatre ans que je n'avais pas embrassé un homme. Quatre ans que je n'avais pas fait quoi que ce soit avec un homme. Pour être honnête, je m'en portais plutôt bien jusqu'à ce que Dre Wagner ne compare ma vie amoureuse au désert de Gobi.

— Mais ça peut s'arranger, m'encouragea-t-elle d'un ton léger après m'avoir tiré les vers du nez. Qui a dit que Dr Norrington et toi deviez seulement partager un vol d'avion? Il y a plein d'autres choses à partager dans la vie...

J'avalai ma salive de travers et me mis à tousser.

— Ça va? Tu as fini de t'étouffer avec ton déni? me demanda-t-elle en me jetant un regard ennuyé.

Pourquoi avais-je accepté de voir Pascale avant mon quart de travail, déjà?

Ma collègue était assise dans ma chaise, les pieds sur mon bureau, et feuilletait nonchalamment les brochures que Dr Sanscartier avait glissées sous la porte de mon bureau en mon absence.

— Voici l'hôtel où aura lieu le congrès, m'informa-t-elle en extirpant un dépliant de la pile de documents.

Elle l'ouvrit et me le mis sous les yeux. Je me mis à rêvasser en examinant les photos de suites luxueuses, la piscine sur le toit, le jacuzzi sur la terrasse...

— L'hôtel où tu logeras avec Dr Norrington, précisa ma collègue avec un sourire entendu, ce qui me fit aussitôt retomber les pieds sur terre. Ah, l'hôtel... Un lieu propice pour les échanges, si tu vois ce que je veux dire.

— Mon Dieu...

— Oui, c'est aussi la réflexion que je me suis faite en voyant Dr Norrington pour la première fois.

— Pascale, as-tu fumé un truc avant de venir à l'hôpital? C'est mauvais pour le bébé, tu sais.

— Ne m'insulte pas, Cordélia. Ce sont les hormones de la grossesse qui ont pris le contrôle de mon inhibition.

— Ah bon? J'ai dû manquer un chapitre lorsque nous avons étudié la femme enceinte à l'université...

Ma collègue hocha la tête avec sérieux.

— Tout à fait. C'est fou ce que l'éducation de nos jeunes se détériore, déplora-t-elle comme si elle était de quarante ans mon aînée. Ha! Voilà ce que je cherchais, s'exclama-t-elle alors.

Pascale glissa vers moi la liste des ateliers prévus à chaque jour du congrès. Elle planta son doigt sur la dernière ligne.

— Mercredi, 19h, bal de charité au profit de la recherche sur les cancers infantiles, lus-je.

— Exact. Un bal.

Ma collègue retira les pieds de mon bureau et se pencha vers moi.

— Comment crois-tu qu'une chirurgienne de New York se fringue lors d'un bal, Cordélia? me questionna-t-elle avec un sérieux mortel, comme si ma réponse allait changer le cours de l'histoire.

— Euh...

— Comme la reine du monde, me coupa Pascale en brandissant l'index vers moi. Alors tu as intérêt à mettre le paquet et à rendre toutes ces petites bourgeoises jalouses. Rends-moi fière, d'accord? Et prends des photos, surtout. Dr Norrington en tenue de soirée, ce doit être une vision plutôt agréable.

Je levai les yeux au ciel pour la énième fois de la soirée.

— Tu n'es pas déjà mariée, toi? Au père de ton futur enfant, à tout hasard? Je dis ça comme ça...

— Le mariage n'enlève pas la faculté d'une femme à reconnaître un beau spécimen lorsqu'elle en voit un.

Sur cette affirmation, ma collègue se leva.