56 : I'm feeling good

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La voix du chanteur n’est presque pas accompagnée d’instruments quand celui-ci commence à chanter. Doucement, Florian passe une main dans mon dos et l’autre vient prendre ma main droite. De sa voix grave, sensuelle et romantique, l’homme chante lentement.

Dans un mouvement de rapidité et de douceur, mon partenaire me rapproche. Je sens son torse chaud contre le mien. Sur ses lèvres, je distingue un petit sourire qui je pense, veut dire : « J’ai réussi. »

À part la musique, aucun bruit ne vient troubler notre danse. Le regard de Florian pétille, lorsque celui-ci croise le mien. Je sens son souffle sur mon visage. Je voudrais le laisser là, tout seul et revenir m’assoir sur le canapé mais ses bras m’en empêchent. Je n’ai pas d’autre choix que de suivre le mouvement. La voix du chanteur à quelque chose d’hypnotisant.

« … It’s a new dawn… it’s a new day… it’s a new life, for me… »

La main droite de Florian qui est actuellement dans mon dos, remonte petit à petit tout en me caressant. À ce contact, de doux frissons m’envahissent. Mes yeux se ferment quelques secondes et j’entends mon cavalier rigoler. Des instruments apparaissent juste après le refrain.

« … And I’m feeling good. »

Au moment où le rythme de la musique augmente, Florian m’entraine dans un slow beaucoup plus rapproché. Les pas de danse sont lents mais mes pulsations cardiaques augmentent. Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je me surprends à sourire. Une sensation de brûlure me traverse des pieds à la tête.

Je remarque qu’entre temps, Ethan a changé de place. De son tabouret en bois, il est passé à l’accoudoir du canapé. Son épaule droite repause sur le dossier en cuir. Quand le regard de ce dernier croise le mien, celui-ci n’est pas noir. Je peux déceler au fond de lui, de la jalousie mais pas aussi intense que d’habitude. Derrière cette légère jalousie, son regard et son sourire cachent du désir.

Je ne connais toujours pas le nom de l’homme qui chante cette chanson si envoûtante alors je demande à mon partenaire qui me répond sans plus tarder :

« - C’est Michael Bublé et le titre de la chanson, c’est : « Feeling Good. »

Sa réponse est dite d’une voix tellement rauque et calme, que je ne tiens presque plus sur mes jambes. La transparence de son t-shirt, laisse découvrir ses muscles. J’ai envie de les toucher mais je m’abstiens.

Le trombone qui est joué au refrain, envahit la salle et m’ensorcelle pendant que Florian me fait tourner sur moi-même. 

Lorsque je fini de tourner et que je reprends mes esprits, je me rends compte que ce n’est plus la même personne qui mène la danse. Je ne suis plus dans les bras de Florian.

Quand je lève la tête pour contempler le visage de mon cavalier, ce n’est plus une chevelure châtain clair accompagnée d’un regard bleu-vert mais une tignasse ondulée et des yeux plus foncés. L’expression de mon visage s’est assombrit. Le sourire que j’avais quelques secondes auparavant, n’y est plus. De la colère envahit mon corps et peut-être même du dégoût.

Moi, être dégoûtée d’Ethan ?

C’est ce qu’il a fait quelques jours avant, qui m’écœure. Son comportement est pour moi, incompréhensible. Je ressens de la jalousie pour cette Mélissa. Ethan dit qu’il m’aime mais je ne le crois pas et pourtant, j’aimerais tellement.

Alors qu’il me tient fermement comme Florian le faisait, j’essaie tout de même de me dégager de son étreinte, sans succès. Je n’avais déjà aucune chance avec Florian, alors avec Ethan, ce n’est même pas la peine.

Son corps est aussi près du mien que l’était ce dernier. Les pas de danse d’Ethan sont les mêmes que ceux de Florian sauf que lui, ne porte pas de t-shirt.

À travers mes yeux, je lui partage mon mécontentement. Mon partenaire semble se foutre de moi en me répondant d’un large sourire qui pour moi veut dire : « Tu ne t’y attendais pas. »

Son torse est collé à mon corps. Il était déjà difficile de danser aux côtés de Florian mais avec Ethan, c’est pratiquement impossible.

« - Qu’est-ce que tu fais, Ethan ? L’interrogeais-je. C’est à Florian de relever le défi. Non à toi.

   - Il peut danser seul. »

Le regard qu’il a s’est maintenant adouci. Son sourire est moins prononcé mais est tout de même encore présent.

Michael Bublé chante toujours « Je me sens bien », je ne sais pas si c’est encore le cas pour moi.

Ma respiration est plus intense qu’avant et mon cœur bat plus vite et plus fort. Mes jambes sont moles et menacent de céder. Je constate en bougeant la tête, que la pièce est légèrement floue. C’est surement du au trop d’alcool ingurgité alors que je n’ai bu que trois verres.

Florian qui s’est fait voler sa place, boude, les bras croisés, sur le canapé. Je lui lance un regard désolé.

Ethan est très à l’aise dans la danse. Comme son demi-frère, c’est lui qui la mène. Son regard de braise me défie de rester indifférente. Chose quasi impossible, même si en ce moment, c’est tendu entre nous.

Mon cœur fond lorsque ses yeux croisent les miens. Si lui parait détendu, pour moi c’est l’opposé.

J’aimerais que la musique se termine malgré la beauté de cette dernière. Je n’ose même plus regarder Florian, tant mes joues doivent avoir la couleur d’une tomate.

Alors que la mélodie est proche de la fin, mon cavalier se rapproche pour venir effleurer mon oreille de ses lèvres et en même temps que Michael Bublé, il chuchote la dernière phrase de la musique :

« - And I’m feeling good. »

D’un mouvement rapide, Ethan me fait basculer en arrière. Je reste dans ses bras quelques secondes avant qu’il me relève avec grâce et douceur, puis il me lâche complètement et la musique s’arrête.

Son regard me fait subitement oublier les jours de dispute. Plus rien n’a d’importance. Je me rends compte que quoi qu’il arrive, je l’aime. Je les aime trop pour les ignorer. Mes pensées sont perdues dans tout cet amour alors que Florian me questionne :

« - Est-ce que j’ai relevé le défi ? »

Il me faut plusieurs secondes, avant de détacher mon regard d’Ethan et répondre à Florian :

« - De quoi tu parles ?

   - Je parle du défi de danser que tu m’as demandé de relever. »

Ah oui le défi ! J’avais complètement oublié.

« - Heu… oui… oui, oui. Défi relevé. Bravo. »

Je frappe des mains pour le féliciter. Je suis vite perdue quand je suis en leurs présences. Ils me font tellement d’effet. Je pense que je ne me lasserai jamais de les contempler.

« - Alors, on continue ? Nous lance Ethan.

   - Il se fait tard les garçons, vous ne voulez pas qu’on se regarde un film ? »

Les deux adolescents me fixent et réfléchissent. Ethan me fait comprendre que j’ai raison. Quant à Florian, nous attendons sa réponse. Celui-ci fait mine d’être triste. Il aurait voulu continuer. Je lui avoue que nous rejouerons une autre fois.

Alors que j’aurais cru le voir continuer à faire la tête, ce dernier change d’expression, passant de la tristesse à l’espoir. Je lui demande ce qu’il y a et voici ce qu’il me répond :

« - d’accord on arrête mais je veux te poser une dernière question. »

Il s’assoit tranquillement dans le canapé et fini le fond de verre d’un de nous trois qui traînait sur la table basse. Avec Ethan, je le regarde avant d’objecter en levant les mains.

« - Comme son nom l’indique, c’est soit défi, soit vérité. Non vérité ou vérité.

   - Alors considérons que cela ne fait plus partie du jeu.» M’avoue-t-il d’une voix très basse et rauque.

Sa réponse fait renaître en moi le malaise que je ressentais pendant le slow. D’un signe de main, il nous ordonne de nous assoir, ce que nous faisons. Il prend une grande inspiration et se lance, d’une voix non hésitante mais certainement aidée par l’alcool :

« - Qui de nous deux… (Il marque une seconde de pose, pour se pointer du doigt après avoir pointé Ethan et reprend.) embrasse le mieux ? »

Sa question me frappe comme une décharge électrique.

Non, je ne peux pas répondre à ça.

Mon silence devient pesant. Son regard est braqué sur moi.

Et merde. Il veut vraiment une réponse ?

Ma conscience est incapable de lui donner une réponse. Ethan est présent physiquement. Son visage est caché par ses mains. Il n’a pas envie d’entendre ce que je vais dire, si un jour je parle.

Je ferme les yeux et inspire profondément. Un moment de gène se fait ressentir dans l’air. J’aimerais en ce moment précis, que le sol s’écroule et m’emporte avec lui pour disparaître. 


Rose. M. ( Journal De Rose ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant