Chapitre VII - Intrusion

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Il se trouvait alors à une cinquantaine de mètres du sol, mais il avait sauté sans hésiter. Hésiter était inutile, cela faisait perdre du temps, et celui de Kyle était précieux. Le jeune homme n'avait de plus jamais eu peur des hauteurs, si vertigineuses soient elles, et la chute des bras de Cléa quelques jours plus tôt n'avait fait que confirmer son hypothèse : le vide était son allié tout autant que l'obscurité. Et pour cause : la plupart des hommes avaient peur de l'un comme de l'autre.

Il avait sauté, donc, et l'air qui lui fouettait le visage le força à fermer les yeux un instant. Il sentait le sol se rapprocher à une vitesse folle, et cette sensation était grisante. Kyle se concentra alors, les paupières toujours closes, les sourcils froncés et les lèvres serrées l'une contre l'autre. Un voile noir passa alors devant ses yeux clos, et Kyle disparut, littéralement, quelques instants avant de s'écraser au sol dans un nuage de fumée sombre. Un nouveau brouillard similaire se dégagea d'une ruelle avoisinante. Le jeune se trouvait là, yeux écarquillés, et examinait la place sur laquelle il aurait du tomber si sa chute s'était terminée comme elle avait commencé : normalement. Tout ce que Kyle savait, c'était que ses pouvoirs avaient joué un rôle dans ce tour de passe-passe. Lequel, en revanche... Il était par moment si instinctif de s'en servir qu'il n'aurait su décrire leur fonctionnement.

Après avoir vérifié l'absence de présence humaine, Kyle s'élança dans la ruelle étroite et sombre. L'air frais lui sifflait au visage et l'aidait à garder la tête froide. Il tourna à l'angle d'une maison dont une fenêtre émettait encore de la lumière. Il s'arrêta un instant, et regarda par celle-ci. Derrière le fin tissu qui servait de rideau, le jeune homme devinait l'ombre d'un petit garçon et une autre silhouette -sûrement son père- qui lui racontait une histoire à voix basse. Kyle se vit dans un lit également. Ses petits pieds formaient une bosse sous le drap qui recouvrait son corps. Son père se trouvait là, lui aussi, à ses côtés. Il ouvrait un livre et en commençait la lecture, à la lumière d'une chandelle posée sur la table de chevet. Soudain, Kyle regardait par la fenêtre et apercevait une ombre derrière le rideau de tissu, mais celle-ci s'éclipsait immédiatement. Le jeune homme secoua la tête. Non... à chacun son rôle. Le fils écoutait attentivement l'histoire de son père, tandis que lui, l'ombre dans la nuit noire, filait discrètement après avoir imaginé une vie qui n'était pas la sienne...

Il avait repris sa course, et seul son souffle était encore visible dans la pénombre qui régnait, s'élevant haut dans le ciel nocturne de l'hiver. Kyle perçut alors un bruit. Régulier, il résonnait et rebondissait dans la rue étroite et sombre. (« des pas »). Ils se rapprochaient, et l'endroit était beaucoup trop exigu pour pouvoir espérer leur échapper. (« ils sont deux »). Le jeune homme distinguait leurs contours grâce à la pâle lueur de la lune qui avait échappé au nuages un bref instant. Ils semblaient nerveux, et leurs pulsions parvenaient à Kyle comme une mélodie, quoique peu harmonieuse car révélatrice de leurs intentions, qui n'étaient pas des plus saines. (« des sbires du mage »). Il se retourna brièvement. Personne. Seulement eux trois, et aucun spectateur. Il fallait agir vite.

Kyle se rua alors sur le premier. Plus petit que l'autre, il eut à peine le temps de sentir la dague s'enfoncer dans son cou. Le jeune homme recula ensuite, et le partenaire du mort resta un moment là, les bras ballants, abasourdi. Il se ressaisit vite, toutefois, et sorti un couteau de sa manche avant de se jeter sur Kyle, qui s'était réfugié dans les ténèbres de la ruelle. Trop tard, toutefois. le jeune homme bondit sur le mur de la maison la plus proche et, prenant appui sur une pierre qui en dépassait légèrement, sauta sur son adversaire qui tenta en vain de le frapper au visage.

La lune projeta alors un halo de lumière blanche qui éclaira un court instant la ruelle. Un passant, le genre d'individu sans histoire qui traîne sa vieille carcasse dans la fraîcheur de la nuit, aurait aperçut une ombre de dos, s'éloignant furtivement tout en laissant derrière elle la sanglante trace de la mort. Heureusement -ou pas, c'est selon-, personne ne survint, et l'ombre s'éloigna tranquillement, se changeant peu à peu en un jeune homme aux cheveux blonds flottants dans le vent qui, sourire aux lèvres, semblait tout aussi anodin que le passant imaginaire...

Fils de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant