Chapitre un.

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Nous sommes samedi. Il est 7h05 du matin. La pluie de ce mois d'octobre, déjà bien entamé, est froide et provoque un contraste désagréable avec le contact de ma peau tiède. Les vacances de la Toussaint viennent tout juste de commencer et je n'arrive pas à croire que j'ai réussi à tenir jusque là. Il fallait bien que je laisse filer le temps entre les événements et ma décision pour que personne ne se doute de rien. L'aube est à peine levée et les lampadaires viennent tout juste de s'éteindre. Je ressers mes poings sur les lanières de mon sac à dos et je marche dans l'obscurité de cette nouvelle journée. Ces deux dernières semaines ont été épuisantes. J'ai dû prendre sur moi et tromper l'avis des autres en affichant un large sourire à chaque parole que l'ont pouvait me dire. Les gens de mon lycée m'ont vite laissé tomber lorsqu'ils ont compris que Niall et moi n'étions que de l'histoire ancienne et qu'il était rentré chez lui pour continuer sa fabuleuse vie qu'il menait déjà avant de me rencontrer. Jules, comme je l'avais prédit, est revenu s'excuser auprès de moi quelques jours après le départ de Niall. Je n'ai pas résisté à l'envie de lui pardonner, c'est mon meilleur ami et surtout mon seul ami. Il est très présent depuis ce jour et s'assure que chaque faits et gestes que peuvent se produire à mon égard ne nuiront pas à ma santé mentale déjà très fragile. Je suis vraiment très reconnaissante de son amitié et du fait qu'il soit si présent dans chaque moment compliqué. Seulement, il est très aveugle et ne se doute pas une seule seconde que je ne fais que semblant et que mon état se dégrade de jour en jour. Je m'asseois sous l'arrêt de bus et je claque des dents. Mon gros manteau et mes gants ne sont pas suffisants pour me réchauffer avec cette tempête qui se prépare. Je regarde l'heure, il est 7h10. Le bus qui m'emmènera à la gare est à 7h12. Je me concentre sur ma musique en attendant. Je ne pense à rien. Depuis Niall je suis dans l'incapacité de réfléchir ou même encore de savoir ce que je fais. Tous mes actes sont fait sur un coup de tête, sans même que je ne pense aux conséquences. Ce n'est pas vraiment ce qui me préoccupe d'ailleurs. J'ai subi des conséquences très compliquées et mon coeur ne pouvait pas connaître pire. Un moteur vibre et attire mon attention. C'est mon bus.

"Bonjour."

Je montre mon ticket après avoir salué le chauffeur et je m'installe sur un siège vide. Il n'y a pas grand monde, seulement des gens qui s'apprêtent à aller travailler. Quelques uns me regardent bizarrement mais je ne relèvent pas. C'est vrai que je les comprends. Voir une fille avec un sac à dos, et un casque de musique sur la tête à 7h du matin un jour de vacances peut-être surprenant. Mais ce qu'ils ne savent pas c'est que je suis en train de prendre un nouveau tournant dans ma vie. Je repars à zéro. Je la recommence et je compte bien en profiter pour faire le ménage dans ma tête. En attendant je ferme les yeux le temps du trajet, la gare se trouve à une heure d'ici alors j'ai le droit de dormir un peu.

Lorsque le bus me dépose enfin à destination, il est 8h20. Le jour est levé et les voitures roulent dans tous les sens. Je marche d'un pas déterminé vers l'entrée de la gare. Mon sac à dos bien installé sur mes épaules et mon casque encore et toujours sur ma tête. Je montre mon ticket de train à un employé qui m'indique par où je dois me diriger afin de pouvoir le prendre. J'arrive à me repèrer à travers le peu de gens présent ici. Ce sont tous des adultes, café à la main et téléphones remontés aux oreilles. Comme dans le bus certains me regardent mais ne me prêtent pas plus d'intention que ça.

Lewis: "À quel heure est ton train?"

Je reçois ce message de la part de Lewis, mon cousin.

Elena: "8h26, je pense être à Paris d'ici trois heures."

Je range mon téléphone. Un rire fort attire mon intention. Je relève la tête et j'observe le monde autour de moi jusqu'à ce que je tombe sur LA personne que j'ai essayé d'éviter durant toutes ces semaines, Mathilde. Elle est au loin avec sa famille. Deux grosses valises sont de part et d'autre de ses fines hanches et elle porte son sac à dos fétiche bleu marine. Elle ne me voit pas et tant mieux parce que pour une fois c'est moi qui peut l'espionner. Ses deux grands frères sont présents. Ce qui est très rare puisqu'ils vivent tous les deux loin de la maison familiale. Elle les prends dans ses bras et une voix au micro indique que le train pour Paris s'apprête à partir. Mon train. Je réagis, il ne faut surtout pas que je le loupe! Je cours jusqu'au quai et arrive juste à temps.

"Tu envoie un message dès que tu es arrivée Mat!
- Ne vous inquiétez pas, je vous en enverrais un toutes les heures s'il le faut."

Je rêve. Elle aussi prend ce train? Pitié me dites pas que son départ pour son école de danse est aujourd'hui? J'ai vraiment mal choisi mon jour. C'est pas grave, si je me fais discrète ça passe. Je m'asseois donc à mon siège, contre une fenêtre, quelle chance. Et je branche de nouveau mon casque à mon téléphone qui affiche un nouveau message non lu.

Lewis: "J'ai hâte que tu arrives! Je suis déjà sur place pour t'accueillir."

Je souris. Lewis est mon cousin le plus proche. Il habite à Londres avec le reste de la famille de mon père. Il a 19 ans mais cela ne nous à jamais empêché de nous entendre comme frère et soeur. Je peux même dire que lorsque mon propre grand frère est parti faire ses études, Lewis le remplaçait. Il était loin, certes. Mais comme on dit souvent, loin des yeux mais près du coeur. Et pendant tout ce temps nous n'avons jamais cessé de nous parler. Je lui ai raconté toutes mes péripéties depuis ce début de mois de septembre sans oublier aucun détail, je ne lui cache jamais rien parce que je sais que c'est ce qu'il veut, que je sois honnête avec lui et donc avec moi-même. C'est lui qui m'a proposé cette idée de venir le rejoindre et de réécrire l'histoire de ma vie. Au début j'étais sceptique et mon avis était plutôt dirigée vers le "non" mais après réflexions je me suis dis que c'était la décision d'une vie et que si je ne voulais pas louper la mienne je me devais de dire oui, alors me voilà en route vers la capitale. Un homme vient s'asseoir sur le siège face à moi. Il à la quarantaine je dirais et il porte un costard avec une cravate. Il pose son café sur la table qui nous sépare puis il me sourit tout en installant son ordinateur. Je lui souris en retour et je regarde par la fenêtre le paysage qui commence à défiler.

*

"Elena!"

Je viens de mettre un pied sur la terre parisienne et la gare de Lyon est noire de monde. Il est 11h40. Le trajet a été long. Surtout quand mon ancienne meilleure amie avait sa place sur l'un des sièges en diagonale avec le mien et que nos regards ne cessaient de se croiser. Le sien se moquer de moi tandis que le mien se voulait discret. J'entends la voix rassurante de Lewis et il me faut très peu de temps pour le repérer avec son pull Tommy Hilfiger jaune. Je cours dans sa direction et me jete dans ses bras. Cela fait tellement longtemps que nous ne nous sommes pas vu. Il me sert fort contre lui et mon étreinte se veut encore plus forte mais sa force gagne et je me laisse tomber. Je souris. Et pour la première fois depuis longtemps je souris vraiment!

"Tu m'avais manqué abruti!
- Et toi donc! Bon tu es prête pour ton nouveau départ?"

Il me prend mon sac et le met sur son dos.

"Et comment!
- On prend l'Eurostar ce soir à 20h. Ça nous laisse du temps pour profiter de Paris!"

Je suis impatiente rien qu'à l'entendre! Puis, je vois Lewis chercher quelque chose dans les poches de son manteau. Il en ressort une boîte blanche et me la tend. Je comprends automatiquement.

"Non Lewis.. Je ne peux pas faire ça..
- Elena, tu veux repartir à zéro oui ou non?
- Oui mais pas au point d'interdire mes parents à essayer de me joindre.
- Si ils peuvent te joindre, ils te rameneront chez toi. C'est ce que tu veux?
- Non, mais..
- Alors prend ce téléphone. Je l'ai acheté tout à l'heure et je l'ai mis à mon nom pour que personne ne se doute de rien."

À ce moment je ressens beaucoup de peine pour mes parents. Je leur ai laissé une lettre avant de partir ce matin pour leur dire de ne pas s'inquiéter et que j'allais revenir. Seulement est-ce vraiment vrai? Vais-je revenir? Je leur ai déjà fais sous-entendre que j'allais partir un matin pour l'Angleterre mais ils n'avaient pas relevé. Je prends une grande inspiration et je prends cette boîte.

"C'est d'accord."

Lewis sourit et me prend dans ses bras. Puis je découvre mon nouveau téléphone, un peu plus grand que celui que j'ai actuellement et sûrement bien plus cher. Je l'allume, et enfin je réalise que la nouvelle Elena arrive à grands pas. Niall n'est bientôt plus que du passé.

Who You Are.      [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant