29 - Se libérer

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En média : Mad World - Riverdale's version

* * *

— Je t'assure Lynna... Ne te sens pas coupable, ça va aller.

— Comment veux tu que je ne me sente pas coupable ? C'est un moment hyper dur pour toi... Une meilleure amie digne de ce nom devrait pouvoir être là...

Je cale mon portable entre mon épaule et mon oreille, et insère la pièce dans la machine à café. Pour la trentième fois consécutives depuis ces deux derniers jours.

—Tu ne pouvais pas savoir que l'enterrement allait tomber ce jour là, tente-je de la rassurer, tout en fixant le liquide noir couler dans le gobelet en plastique.

Comme une manière de capituler, Lynna soupire, tristement. Je sais qu'elle est déçue, moi aussi je le suis. Moi aussi j'aurais préféré qu'elle soit à mes cotés, pour ce jour que je redoute depuis des années : l'enterrement de ma grand-mère, la seule et unique famille qu'il me restait jusqu'à présent. Mais Lynna aussi a une famille, une mère dont elle a la malchance de ne voir que très rarement. Ça fait des mois qu'elle attend cette visite. Quelle meilleure amie serais-je si je l'empêchais d'y aller, simplement pour me soutenir dans ma situation désastreuse ? 

— Tu sais quoi ? Je vais faire mon possible pour écourter la visite, comme ça je pourrais te rejoindre apr...

— Certainement pas, la coupe-je cette fois ci plus fermement, Tu ne vas pas gâcher ce moment à cause de mes soucis. 

Le bouton lumineux m'indiquant que mon café est prêt, je l'attrape du bout des doigts et souffle légèrement sur la fumée. 

— Je vais te laisser Lynna, on se verra demain. Bye.

Sans vraiment lui laisser le temps de répondre, je raccroche, et range mon portable dans ma petite pochette en cuir. Lynna a beau être ma meilleure amie, je n'ai pas vraiment envie de faire la discussion aujourd'hui. Enfaîte, je regrette même ma situation de ces deux derniers jours : cloîtrée dans ma chambre, sans aucune luminosité ni aucun contact avec un être humain. Oui, comme une geek, ou une grosse dépressive. Il a même fallu, pour me sortir de mon lit, me remémorer certains conseils d'une psychologue bien connue de mon dernier lieu de vie : "Ne jamais rester seul, être toujours entourée lors des moments difficiles". Bon, ce n'est pas tout à fait vrai. J'ai toujours détesté cette mégère qui se prenait pour un membre de notre famille, alors ce n'est certainement pas ses conseils à deux balles qui vont aujourd'hui  influencer ma façon de vivre. Non je me suis plutôt rappelé quelle femme extraordinaire était ma grand mère, et tout ce dont elle avait fait pour moi. Elle mérite que je me déplace pour son enterrement, même si j'ai plutôt envie de me cacher trois pieds sous terre.  J'ai même enfilé une de mes robes, afin de lui faire honneur. Rien de trop classieux, je voulais quand même rester moi même : simplement une robe noire, droite, et aux manches trois quarts, toute simple. 

Mais après mûr réflexion, cette robe est peut être justement "trop classique" pour les élèves de Columbia. Si on s'en tient aux regards intrigués, j'ai comme l'impression d'avoir le mot "Enterrement" inscrit sur mon front. Et ça me gonfle, vraiment. Déjà que je n'étais pas d'humeur ! Je crois que je ne comprendrais jamais cette manie de devoir absolument s'occuper de la vie des gens, de juger. Dans mon ancienne université, c'était différent. Il n'y avait certes pas le même budget pour les amphithéâtres ou les ordinateurs, mais c'était simple au moins. Personne ne jugeait qui que ce soit, personne ne se sentait obligé d'acheter un sac à cinq cent dollars pour être accepté dans un groupe. Je n'aurais jamais cru que ce taudis, aussi appelé sous le nom "d'école" me manquerait autant. 

PRISONERS | TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant