- Hyung !
Je me retourne, les mains dans les poches. Ça fait un mois que ce gosse est arrivé ici. Un mois que je partage ma chambre avec lui. Un mois qu'il me suis comme si j'étais sa nounou. Et ses "Hyung ! Hyung !" à longueur de journée, c'est insupportable.
- Quoi ?, je demande séchement.
- J'ai fait un dessin pendant l'atelier, c'est toi et moi regarde.
Il me tend sa feuille. Un dessin d'enfant quoi. On vois deux hommes batons, un grand tout noir et l'autre plus petit tout bleu. À côté une maison qui doit représenter le foyer. Au dessus est écrit 'Les méyeur ami'. Je sais pas si je dois trouver ça mignon ou gênant. Voyant ses yeux pétillants j'en déduis que je ne dois pas casser ses rêves.
- C'est gentil ça. J'aime bien.
Le ton n'y était pas mais il y a cru. Il m'offre un grand sourire alors que je lui redonne son brouillon.
- Garde le, c'est un cadeau pour toi, me précise-t-il en repoussant doucement mes mains.
Je soupire et le plis en quatre avant de le mettre dans ma poche arrière. Il prend ma main et m'observe un instant. Je me demande vraiment ce qui se passe dans sa tête parfois.
- Pourquoi tu viens jamais aux ateliers ? C'est marrant tu sais. Moi je me sens seul quand t'es pas là, dit-il en faisant la moue.
Je détourne le regard et m'assois dans l'herbe. Il fait de même, sans lacher ma main. Au début j'essayais de lui faire comprendre que je ne voulais pas d'un tel contact mais au final il est plus tétu qu'une mule.
- Je viens pas parce que ça me fait chier, c'est tout. C'est pour les gamins, je lache, haineux.
- Pourtant c'est sympa. Les éducatrices elles nous complimente, ça fait du bien. Moi elles m'ont dis que c'était très beau et que ça te ferais plaisir !
Je jure et arrache l'herbe à côté de moi.
- Bah faut croire qu'elles complimentent que ceux qu'elles veulent.
J'entends Jinkyung soupirer pour la première fois et poser sa tête contre mon bras, mon épaule étant trop haute.
- Elles te complimentent, t'es juste pas là pour l'entendre, dit-il plus bas.
Je ne répond pas. Je le crois pas. Qui voudrais dire du bien d'un gars comme moi à part un enfant taré de neuf ans ? Je lui glisse un regard alors qu'il a le sourire le plus innocent possible aux lèvres.
- Tu me trouves comment ?, je demande doucement, me trouvant idiot de poser une telle question.
Il se redresse, plein d'énergie. Il se lève ensuite pour se placer devant moi. Il est si petit. Même par rapport aux autres de son âge il parrait plus jeune. Comme si le temps c'était arrêté quand il avait sept ans. Ça lui donne un air assez 'saint'.
- T'es grand, fort, beau, gentil et tu chantes bien, dit-il sans hésitation.
- Comment tu sais que je chante bien ?, je demande alors que ses joues se teintent de rose.
- Je t'ai écouté derrière le foyer, pardon. J'ai trouvé ça très joli et je voulais pas que tu t'arrêtes.
Cette fois ce sont mes joues qui décident d'adopter la couleur des cerisiers. Je baisse la tête et un rire nerveux m'échappe.
- C'est...c'est pas grave, je dis doucement.
Un silence s'installe. On entend au loin les autres enfants qui jouent et nous à l'écart. Un écart qui me plais. Un écart qui me fait me sentir plus moi. C'était un écart dans lequel j'étais seul, que je refusais de partager mais au final, je me sens mieux avec lui dedans. Je déteste me l'avouer, alors je ne le fais pas. De temps en temps il me casse les pieds mais parfois il est comme maintenant : réconfortant.