Chapitre 7

2.9K 322 11
                                    

Je fixai mon reflet dans le miroir de la salle d'entrainement depuis quelques longues minutes, maintenant.

Après avoir nettoyé le bazar que j'avais causé avec l'aide des autres mages, Evily m'avait conduit ici d'un air soucieux et m'avais demandé de l'attendre. Alors je m'étais placé devant ce miroir aux bordures de marbre magnifiquement sculptées. Je ne comprenais vraiment rien ce qu'il se passait...

Je finis par fermer les yeux, vaincu, et une image apparut dans ma tête aussi vite qu'elle partit... Une tache blanche avec deux points rouges, ce fut tout ce que j'eus le temps de retenir...

Je me sentis mélancolique, sans comprendre pourquoi. Secouant un peu la tête pour chasser les mauvaises pensées, je me levai et m'attardais un peu sur les fresques murales.

Des esquisses de chevaliers, dragons, démons et autres êtres surnaturels prenaient place le long du mur, exprimant scènes de combats, mais aussi de paix et d'amour.

La bruit de la porte me sortit de mes pensées. Evily venait d'entrer dans la salle.

- Pardon pour l'attente, dit-elle. J'avais une discussion avec... Quelqu'un d'inattendu.

Elle paraissait tendue et inquiète. Rien de bon à l'horizon, semblerait-il...

Je haussais les épaules. Que pouvais-je faire d'autre ?

- Bon... Je ne t'ai pas amené ici pour rien... Cet incident... Non. Cet événement inattendu, plutôt, a surpris tout le monde. Alors j'aimerai savoir comment c'est arrivé.

Je pris quelques secondes avant de répondre.

- Je n'en sais rien moi-même. Théo est venu me donner le conseil de rentrer en méditation alors... J'ai essayé.

Mon mentor fronça les sourcils.

- Mais la méditation ne permet pas d'utiliser la magie, seulement de la canaliser pour mieux l'utiliser après coup... Et un état de transe ne déploie pas une telle puissance... Car la lévitation demande de l'énergie conséquente pour les objets lourds. Et vu la quantité de livres...

Je ne comprenais pas grand-chose à ce qu'elle racontait, mais elle finit par stopper son baragouinage.

- D'ailleurs, comment as-tu appris à le faire ?!

Je clignais des yeux.

- Faire quoi ?

- À méditer, ou passer en transe !

- Je l'ai lu.

Elle cligna des yeux.

- Où ?

- Dans un livre, le vingtième de la rangée sept, meuble trois.

Elle fronça les sourcils.

- Montre-moi comment tu as fait.

Elle posa un vase au sol, et je me mis à la méditation. Comme auparavant, je m'assis en tailleurs et fermai les yeux, à la recherche de cette force que j'avais ressenti.

Rien ne se produit. J'eus beau tenter de m'y mettre, j'en fus incapable. Au bout de dix minutes, Evily posa sa main sur mon épaule.

- C'est bon Arraï, ne force pas... Ce n'est pas facile d'y arriver à tous les coups au début.

Elle me sourit gentiment, retirant un certain poids de mes épaules.

- Aller, prends le reste de ta journée. Je crois que tu en as besoin...

Puis elle sortit de la salle, me laissant seul avec mes pensées...

***

Les jours laissèrent place aux semaines, qui, elles, se métamorphosaient en mois. Le temps passa si rapidement que je ne me rendis pas compte de l'étendue des connaissances et de l'expérience que j'avais acquis.

Selon mes mentors, j'avais progressé à une vitesse tout bonnement incroyable, si bien que j'avais désormais le droit de les accompagner en mission, ce qui faisait gentiment râler Katia, même si c'était plus pour la forme que pour réellement se plaindre.

Aujourd'hui, d'ailleurs, j'accompagnais Evily et Liberta dans une ville voisine. Il y avait un problème de cohabitation entre deux peuples magiques : fées et dryades. Ils habitaient une forêt entourant la colline de Karabur, non-loin de la capitale. Il ne me semblait pas connaitre cet endroit malgré son nom étrangement familier.

Ce matin-là, je préparais quelques provisions et m'armais de mon épée dont je ne me servais jamais, puis me dirigeai vers l'écurie pour y retrouver les deux jeunes femmes.

En ville, quelques artisans me saluèrent joyeusement tandis que je leur offrais un sourire timide. J'avais toujours de la peine à croire que, désormais, on ne voyait plus qu'Arraï et pas le monstre en moi...

J'arrivais rapidement devant le bâtiment dont une odeur de foin et de céréales s'échappait. Liberta vint à ma rencontre et me fit une rapide embrassade.

- Salut ! Bien dormi ? Tu as bien pris le nécessaire pour la journée ?

Je ris doucement devant son enthousiasme.

- Oui, ne t'en fais pas. J'ai tout avec moi.

Elle me fixa avec un regard perplexe.

- Même ton épée ? Je te préviens, je prends la fuite si tu commences à l'utiliser !

Je retournais les yeux en retenant un fou-rire alors qu'Evily nous rejoignait. Elle remarqua mon épée et mis les mains devant elle comme pour se protéger.

- Non, pas ça Arraï ! Tu es une pive avec les armes !!

Et le drame arriva. J'éclatais de rire et me retrouvais à quatre pattes sur le sol empaillé, Liberta à mes côtés dans état semblable.

Il est probable que vous ne compreniez pas pourquoi ces réactions me font rire, alors je vais vous expliquer.

Il y a quelques semaines, Nari a tenté de me mettre aux armes pour voir comment je me débrouillais. Car même si nous pouvions utiliser la magie, savoir se battre au corps à corps ou avec des armes était nécessaire contre des adversaires puissants.

Nous avions donc commencé avec les dagues, parce que ça semblait me correspondre selon Théo, venu admirer mon oeuvre de combat.

Ce fut une catastrophe. J'étais incapable de les lancer correctement et quand j'eus l'audace de tenter le corps à corps... Le résultat fut plutôt désastreux. Je m'étais plus blessé moi-même que je n'avais fait de dégât au pauvre mannequin de bois.

Le résultat fut idem pour toutes les armes que j'essayais. Et l'épée... Fut à la fois le pire et le meilleur.

Pire, parce que j'avais failli trancher la tête d'Hellbram.

Meilleur, car j'avais réussi à trancher une feuille.

Oui. Un exploit, n'est-ce pas ?

Et depuis ce jour, mes coéquipiers n'ont cessé de me charier avec cette " maladresse touchante " selon Kaï.

Après ce fou-rire, nous préparâmes nos montures pour le voyage.

Le chemin fut assez long, environ deux heures de route. Au bout d'une petite heure, je commençais à avoir mal à la tête, sans comprendre pourquoi. Et plus on avançait, plus il s'amplifiait...

Au bout d'une heure et demie, Evily se tendit.

- C'est beaucoup trop silencieux...

Et je me rendis compte à quel point elle avait raison. Il n'y avait pas le moindre chant d'oiseau, la moindre feuille frémissante. Nos chevaux semblaient aussi aux aguets.

- Il faut accélérer, déclara Liberta en passant au petit galop.

Evily et moi fîmes de même, et un peu plus tard on arriva devant le village des dryades.

Or, rien ne nous permettait d'imaginer la scène suivante... Car le village était désormais inexistant.

Arraï - La Légende du Roi DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant