Chapitre 6

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Je m'allongeai sur mon lit, épuisé. J'avais passé le reste de la journée à visiter ma nouvelle résidence et j'avais découvert les tiroirs remplis de nourriture et une bourse avec une note de la part d'Evily. Elle disait que c'était ma paie du mois et que je disposais de cet argent comme bon me semblait, bien que je n'eusse aucune idée de ce que j'en ferai hormis pour prendre de quoi me sustenter.

Je découvrais donc les nœuds dans le bois des poutres du plafond, formant de jolis motifs foncés. Puis, le sommeil m'emporta peu à peu dans le monde des songes...

« Une tour majestueuse, formée telle un tronc sinueux avec des toits aigus, dessinait une silhouette élancée sur la colline de Karabur. Sur l'un des créneaux de la tour, un homme encapuchonné fixait l'horizon. Un sourire se forma, tendre, sur ses lèvres.

- Tu t'es donc réveillé, mon roi... Je t'attendrai... Et je te protégerai, mon tendre...

Une autre personne s'avança, avec des épaules plus larges et une taille plus imposante. Sa capuche laissait tout de même place à des cornes torsadées ornées d'un bijou indiquant son appartenance à une garde.

- Ainsi donc, notre Roi s'est enfin réincarné...

- Oui. Je l'attends avec impatience...

L'homme cornu laissa un sourire s'échapper de ses lèvres charnues.

- Je comprends bien... J'espère seulement qu'il comprendra et qu'il nous fera confiance... Après tout, le seigneur du royaume ne connaît même pas la vérité éteinte il y a plus de deux cents ans...

Le silence plana un instant entre les deux individus.

- J'espère aussi... Qu'il n'aura pas associé l'incident de son enfance avec une attaque de notre part, qu'il aura appris la vraie version des faits comme la mage du Sacre... Et puis, il faudra réveiller notre cher Raïkan, et ce sans que tu ne te fasses manger, mon cher Oran !

Le dénommé Oran lâcha un petit soupir amusé, et les deux individus entrèrent dans la tour, laissant derrière eux la lueur faiblarde de la lune, ronde et haute dans le ciel... »

J'ouvris lentement les yeux, encore influencé par les paroles des personnages de mon rêve. Dehors, la nuit était bien avancée et la lune encore haut dans le ciel. Ressentant le besoin de prendre l'air, je me levai et me rendis devant la maison. Je m'assis devant la porte et contemplais la ville légèrement illuminée par quelques torches et lampes à huile. Je me sentais bien.

Un mouvement attira soudain mon attention. Un renard blanc s'approcha de moi et s'assis à mes côtés, et je le reconnus sans peines : Slepfnir, l'ami de Nari.

« Je ressens le doute en toi, jeune humain. Nari m'a demandé de veiller sur toi. »

J'étais assez surpris, aussi j'interrogeais la belle bête du regard.

« Elle t'apprécie beaucoup, et ce n'est pas la seule. Certains êtres magiques que tu as aidé à s'échapper lors de ta présence au camp te porte une grande estime, tu sais ? D'ailleurs, beaucoup se demande la raison de cette aide... »

Je haussais les épaules, me souvenant de ces fois où j'avais libéré une nymphe, ou un autre moment, lorsque j'avais empêché les gardes d'attraper un esprit de l'air... J'en avais payé le prix cher.

- Je devais le faire, ils ne méritaient pas le mauvais traitement des hommes pour des choses qu'ils n'avaient pas faits. Et puis... Moi j'étais et je suis un monstre, alors... Ce ne me dérangeait pas que l'on s'en prenne à moi.

Ma réponse sembla surprendre le renard.

« Tu ne devrais pas penser de cette façon, jeune humain. La magie est magnifique, mais les hommes la craignent car ils ne la comprennent pas. Quand tu sauras comment te servir de la tienne, tu saisiras le sens de mes paroles, crois-moi... »

Je me contentais d'acquiescer en silence, puis ma tête s'alourdi, et la fatigue me reprit peu à peu. Soudain, je sentis deux bras me porter, mais je n'eux pas la force d'ouvrir les yeux. On me mit au lit, puis je fus surpris de sentir deux lèvres douces se poser sur mon front.

- Dors, Arraï, déclara une voix qui m'apparaissait si familière. Les prochains jours à venir seront longs...

Puis, juste avant de sombrer dans l'inconscience, je savourais le contact d'une paume sur ma joue...

***

Mon étrange rêve, avec Slepfnir, ne cessait de me revenir en mémoire durant le cours de magie que me donnait Hellbram. Il ne cessait de me réprimander car j'étais tout bonnement incapable de tenir une sphère d'eau au-dessus de ma main. Au final, il me donna une pause.

- On arrivera à rien avec ton taux de concentration équivalent à la taille d'une noisette... On reprendra cet après-midi, déclara-t-il avec un soupir. J'aurais préféré partir en mission, moi aussi...

Théo, qui venait d'entrer dans la pièce, pouffa.

- Papy Hell', si tu n'expliques pas les fautes à Arraï, il ne saura pas faire... !

Le vieillard grommela quelque chose de l'ordre de « et tu crois que je fais quoi, exactement ? » dans sa barbe et sortit de la bibliothèque avec une lueur d'amusement dans les yeux qui me pris au dépourvu.

Le petit blond s'approcha de moi et s'assit à mes côtés tandis que je fixais le récipient empli d'eau sur mes genoux.

- Si tu gardes la tête pleine, tu n'auras pas assez de place pour la formule, lâcha-t-il.

Je lui lançais un regard surpris.

- Mais je fais comment pour penser à autre chose ?!

- Médite.

Puis il repartit en sautillant, me laissant avec cette indication qui ne m'étais guère utile. Je ne savais pas comment faire, moi !

Je soupirais et me mit à la recherche d'un livre sur la méditation. Je finis par trouver un ouvrage, lis quelques conseils, et m'attelais à la tâche.

Je pris de longues respirations, assis sur le canapé, vidant peu à peu ma tête.

Je me mis à ressentir des choses étranges, comme si je touchais quelques choses avec mon esprit. Je tâtonnais une force douce, agréables, aimante...

Et je compris. C'était la magie qui était en moi, qui avait blessé tant de gens. Puis il y eut comme une sensation de lumière... Je voulus la toucher, et une image s'imposa à moi, trouble, incompréhensible, douloureuse...

- ARRAÏ !!!!

J'ouvris violemment les yeux, revenant à moi. J'entendis un vacarme sans pareil et découvris le visage encore incrédule de mes nouveaux camarades. Autour de moi, les livres de la bibliothèque tombaient, et je me reçus une flaque d'eau sur la tête, me faisant sursauter violemment.

- Bon sang ?!

Le silence, revenu depuis quelques secondes, fut rompu par Evily qui me lança un regard grave.

- As-tu déjà lu comment pratiquer le sort de lévitation, Arraï ?

Je clignais des yeux.

- N-non, je ne savais même pas que... Et pourquoi cette question ? Il s'est passé quoi ?

Hellbram se racla la gorge.

- Hé bien... A l'instant, tu faisais léviter une centaine de livres autour de toi ainsi qu'une flaque d'eau au-dessus de la tête, alors qu'il y a une demi-heure, tu en étais parfaitement incapable...

Voilà comment commença ma troisième journée au sein de la Maison des Mages.

Arraï - La Légende du Roi DragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant