52. Dans de sales draps

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Je tournai lentement la tête, mon air blasé comme tatoué sur ma face. J'observai Gringe en attendant patiemment qu'il déballe son sac. Mais il ne dit rien de plus. Comme s'il me provoquait ou voulait me forcer à parler. Je soupirai n continuant de le regarder, ma tête cette fois-ci, calée sur le dos d'une main, sur le dossier du canapé.

-Tu comptes m'en dire plus ou t'as prévu de me faire poireauter jusqu'à ce qu'il se remette à pleuvoir...

Gringe inspira une grande bouffée de clope puis leva les yeux vers moi:

-Je pense que t'es pas prêt à entendre ce que j'ai à te dire.

-...

-J'ai déjà du mal à réaliser moi-même alors...

-Ah ok, c'est un truc méga chanmé, du genre, elle a pas vraiment perdu la mémoire, elle voulait juste voir si on était des putains de menteurs et si on allait encore en faire notre plan cul alterné... Dis-je en me remettant dans ma position initiale.

-J'aurai préféré que ce soit ça...

Je basculai ma tête en arrière contre le dossier du canapé. Encore une autre merde en route. Qu'est-ce qu'elle lui avait encore annoncé de si extraordinaire... Déjà qu'elle se souvenait de plus rien du tout...

-C'est une lesb...? Demandai-je sans regarder vers mon acolyte.

-T'sais quoi, tu me casses les couilles avec tes putains de questions. Je vais sur le balcon fumer ma clope...

"Putain, un Gringe véner...", me dis-je en le regardant qui s'éloigner d'un pas rapide vers la porte vitrée. C'est qu'elle l'avait vraiment énervé... Peut-être bien que c'est elle qui s'est bien foutu de notre gueule depuis le début... Admettons que c'est une pute. Ouais... En vrai,aucun de nous savons ce qu'elle fait comme métier. Autant, elle nous a refilé un truc...

Gringe était devant moi, derrière la porte vitrée et jetait des coups d'oeil vers moi de temps à autre en continuant à fumer.

-Est-ce que c'est une putain de pute...? Demandai-je à Musachi.

Musachi leva la tête pour me regarder puis cligna deux fois des yeux.

-Bon, au moins, tu me soulages d'un poids... Lui dis-je.

Gringe semblait avoir terminer sa clope mais au lieu de rentrer pour me rejoindre, il resta sur le balcon, penché en avant, les coudes posées sur le rebord blanc. Je soupirai à nouveau puis décidai de me lever pour le rejoindre. Je m'avançai jusqu'à la porte vitrée puis l'entrouvris. Je passai ma tête dans l'embrasure de celle-ci en lançant un faible "Je peux venir...?" puis restai immobile comme un con. Gringe ne se retourna pas et ne prit même pas la peine de me répondre.

-Ok, je viens quand-même... Dis-je en ouvrant un peu plus la porte.

Je marchai d'un pas timide. A quelques centimètres derrière lui, je me mis à étirer mes bras comme pour me donner du courage puis le rejoins sans faire de bruit.

-...

Je me raclai la gorge avant d'essayer d'articuler une phrase...:

-Alors... Elle... Dans quelle merde, elle nous a encore mis...? Balbutiai-je en regardant au loin, l'horizon.

-T'es sûr que tu veux le savoir...

-Je me suis retourné le cerveau dans tous les sens et je vois pas trop ce qui pourrait te mettre dans un état pareil... Est-ce qu'elle nous a refilé un truc dégueulasse, incurable...? Demandai-je comme si la réponse de Musachi ne m'avait pas convaincu à cent pour cent.

-Ouais... Ouais, en quelque sorte...

J'écarquillai les yeux et vis ma vie défilait devant moi: cette pute m'avait refilé le sida ou une putain d'MST. Je savais que j'aurais dû garder ma bite rangée... Entre elle et toutes les meufs dégueulasses que j'avais baisées au cours de ses six derniers mois, je pense qu'il ne me restait plus que quelques mois à vivre avant de clamser...

-Ecoute, t'es mon pote, on s'dit tout (ou presque) mais là, sincèrement, je sais même pas comment je vais te sortir ça....

Je restai silencieux puis le poussai un peu au cul.

-J'ai passé une journée de merde à cause de toi. Parce que t'as décidé de tout lui avouer quitte à ruiner mes chances avec elle. Et là, tu continues à me faire chier, à pas vouloir me dire ce putain de truc, alors que je suis sûr que c'est qu'une petite merde de rien du tout...

-Si t'avais pas joué à Monsieur je-la-recontacte-sans-rien-dire-à-mon-meilleur-pote, peut-être que j'aurais pas tout balancé. Tu te rends compte quel faux-cul, t'es ou pas...?

-Je suis à fond sur elle, toi aussi et... J'ai juste voulu gagné un peu d'avance... Lui dis-je pour tenter de le calmer.

-Ouais, mais là, le principe de "Chacun sa merde,mon pote", était pas très applicable vu le contexte...

-...

-Et puis, tu savais très bien, que avec moi, comme adversaire, c'était déjà un peu perdu d'avance...

-Bâtard, dis-je par réflexe.

-Le bâtard t'emmerde...

-Je commande une pizza...?

Gringe resta silencieux puis se remit à me tailler:

-Putain, mais, t'es con ou tu le fais exprès...?

-Un peu des deux, mais j'ai pas envie de me foutre à genoux pour que tu me dises quelque chose. Si c'était si important, tu me l'aurais déjà dit... Et je me gèle les couilles ici.

-... Ouais, commande un truc à manger et on va en rediscuter calmement à l'intérieur, finit-il par me dire, enfin.

La commande arriva enfin. J'allai la récupérer avant de poser les deux grandes boîtes sur la table basse. Pendant ce temps, Gringe partit chercher un pack de bière qu'il posa sur le sol carrelé, à côté de ma boule de poils. Je déchirai une part de pizza trois fromages et commençai à l'engloutir. Gringe fit de même, puis, au bout d'une dizaine de minutes, il débuta son speech:

-J'ai que trente-huit-ans putain...

-Ouais... Moi bientôt trente-six, et alors...?

-Ouais... Mais, je suis encore un gamin dans ma tête...

-... Moi aussi, dis-je en pouffant de rire.

Gringe reprit une bouchée de pizza qu'il fit glissée avec une gorgée de bière. "Le mélange bien dégueulasse", pensai-je.

-Est-ce que tu penses qu'on est assez mâture pour affronter la Vraie vie...?

-"La Vrai vie"? C'est-à-dire?

-Elle a un foetus dans le bide...

Je lâchai ma part de pizza. "un F-O-E-T-U-S dans le bide". La dernière phrase de Gringe se répétait en boucle dans mon crâne, comme un disque rayé. Je restai bouche bée, incapable d'articuler quoi que ce soit. Je regrettais de l'avoir recontacté, je regrettais d'avoir imaginé qu'on vivrait une putain de relation. Je commençai à lever les bras en signe d'indignation puis me souvins des paroles d'un feat: "Tu peux lever les bras vers le ciel, personne viendra pour te sauver...".

-Faut qu'on sorte de cette merde... Tu proposes quoi...? Me demanda Gringe en attrapant un post-it.




A.C   [ORELSAN / GRINGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant