76. Jeux de rôle

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Il ne bronchait pas. Impossible donc pour moi de savoir si ça lui était agréable ou pas. La seule chose dont j'étais certain c'était que  cette petite danse collée-serrée me faisait du bien, aussi bien sur le plan physique que mental. Physique parce que... Ben, mes couilles étaient putain de pleines. Mental, parce que plus j'attendais que les choses se passent plus j'avais l'impression que j'allais péter mon câble à un moment ou un autre: car mon cher Orel passait son temps à me dire "oui" puis "non" la seconde d'après. Comment être certain de ce qu'il voulait vraiment dans de telles conditions...?! 

Je ralentis le mouvement, sentant que j'étais sur le point de cracher [non, mon pantalon de survêt' neuf ne serait pas tâché de blanc; pas aujourd'hui]. Je cessai tout mouvement, observant la chevelure d'Orel. A quoi pensait-il à cet instant? Je soupirai lentement, tentant de me remettre de mes émotions puis repris place à droite d'Orel. Un coup d'œil vers lui ne me donna pas plus d'informations sur la chose: une assiette dans la main et l'éponge dans l'autre, il venait de se remettre à faire la vaisselle comme si de rien n'était. Le corps droit, l'esprit... imperturbable. J'étais décontenancé. N'avait-il rien senti? Pas une once d'excitation? Je fixai son profil droite. Longuement, jusqu'à ce qu'il daigne enfin se retourner vers moi. 

Ses yeux sombres me fixèrent. Ses lèvres habituellement en croissant inversé, ne fléchissaient pas.  Je baissai les yeux, perturbé par son attitude. Il rinça l'assiette qu'il venait de frotter puis me la tendit.

-Tiens, passe à ma gauche, finit-il par dire en attrapant un chiffon.

Ok, j'étais bon à essuyer la vaisselle maintenant. "Ferme-là et essuies", me dit Gringo. Je frottai l'assiette, me remémorant la scène. Putain, je m'étais fait un kiffe et ça ne lui avait procuré aucun plaisir...? Je levai les yeux pour faire une estimation du temps de vaisselle qu'il nous restait à faire. A vu d'œil, j'aurais dit encore une dizaine de minutes. Peut-être assez de temps pour rectifier le tir. Oh et puis merde, je préférai en rester là. S'il n'avait pas kiffé, tout autre tentative se solderait par un échec... 

-Quelle connerie..., dit Orel, les yeux rivés sur le téléviseur.

-...

Je ne regardais pas ce qui se passait à l'écran. Je n'étais donc pas en mesure de répondre à son... commentaire. 

-Tu penses que c'est possible, toi...?

Je me contentai d'un "hum" persuadé que de cette façon, je créerai l'illusion. Mais Orel ne s'en contenta pas et se mit à me regarder longuement, comme s'il cherchait à capter mon regard. Nous nous fixions en silence. Cette putain de sensation s'empara à nouveau de moi. Pourtant, lui, il restait stoïque. A croire que son esprit faisait littéralement barrage à tous ces moments malaisants, ses moments propices à des choses que je qualifierai, pour rester syntaxiquement correct, intimes. 

-Ca te plairait pas de teste le truc pour voir si ça ne fonctionne qu'avec des meufs [sous-entendu une meuf et un gars]...?! Me demanda t-il d'une voix impassible, ne trahissant aucune de ses émotions du moment.

-Comme tu veux, je ne m'y opposerai pas... Balbutiai-je ne sachant pas à quoi m'attendre. 

-Ok... Ben vas-y, approche-toi...

Je restai immobile un instant, jetai un œil à l'écran de télévision, comme si la scène que j'avais loupée allait repasser... Evidemment ce ne fut pas le cas. 

-Tu commences ou je commence...? 

-Vas-y, affirmai-je.

Orel  se mit pile en face de moi, continuant à me fixer. Je fis de même, sentant une sorte de gêne s'installer. Il baissa ses  yeux en direction de mes lèvres avant de revenir à mes yeux et vice versa, au moins quatre fois d'affilée, je fis pareil. Son regard me perturbait. Son souffle chaud et les molécules parfumées de son parfum ne faisaient qu'amplifier cette sensation. Le désir montait. Je ne voulais qu'une chose: l'embrasser. 

-Alors...? T'as envie de m'embrasser...? Conclut-il en s'adossant contre le rebord de l'évier. 

Ce truc venait vraiment d'être joué dans le téléfilm? Bon, en même temps c'était un téléfilm naze aux répliques et aux actions nazes... Ce ne serait donc pas étonnant.

-Carrément... 

Orel me fixa de plus belle avant de pourrir l'ambiance:

-C'était bien avec Ton Thomas hier soir... Lança t-il d'un ton glacial.

-Quoi...? Tu me chauffes et après tu me parles de Thomas...? 

-Ouais... Toi t'as bien commencé à faire la vaisselle puis tu t'es jeté sur moi...

-Le rapport putain...?! Tu crois que ça m'amuse d'avoir des pulsions...

-Moi j'alterne entre des envies et des nausées, c'est vrai que c'est plus joyeux... Rétorqua t-il en baissant les yeux. J'ai juste besoin de savoir si je serai ton premier...?

-...,Ca changerait quoi...?

-Tout...

-J'ai jamais touché un gars, Orel... Je... Je sais même pas pourquoi je ressens ces trucs en moi, ces derniers temps...

-Ouais, et moi, ça me saoule de voir mon portrait entaché... et surtout de faire ses rêves de chelous...

-On est quittes...? 

-Pas exactement...  

-....?

-Viens... 

Je m'avançai jusqu'à Orel, retirant mon bonnet sans raison apparente. Il versa un peu de salive dans la paume de sa main avant de la plonger dans mon caleçon. "Oh putain", me dis-je. Se mettre à nu sans inventer un tas de mensonges, ça avait du bon...: j'avais été "sage" et Orel me récompensait. Sa main autour de mon sexe, il se mit à faire des mouvements de bas en haut hésitants. 

-C'est la première fois que je le fais...

-C'est parfait, dis-je en expirant profondément. 

Mes mains se crispèrent sur le rebord du plan de travail, ma tête appuyée sur son épaule. Orel persévérait, optant pour une allure modérée. 

-Si t'éjac', j'accepterai peut-être qu'on reprenne là où on s'était arrêtés tout à l'heure...

J'avais du mal à comprendre ce qui se passait dans la tête de mon pote. Peut-être commençait-il à accepter ses envies. Ou alors avait-il simplement envie de réfreiner mes pulsions, de repousser au maximum le moment où nous aurions une véritable relation sexuelle... Je comprenais ces peurs car j'étais exactement dans la même situation que lui: jusqu'à présent, je n'avais fait qu'enchainer les plans cul avec des meufs. Avec Thomas, je n'avais strictement rien fait, c'était un leurre... Dans tous les cas, tenter de trouver le pourquoi du comment pouvait bien attendre. Orel me faisait du bien et je comptai bien lui rendre la pareille... 


A.C   [ORELSAN / GRINGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant