84. Un de plus, un de moins

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Devant l'immeuble de l'appartement, je faisais tout pour retarder le moment où nous devrions monter à l'appart'.  La blonde était à côté de moi, le bébé était dans son couffin douillet, en train de gazouiller. Je repensais à ce plan foireux que Gringe et moi avions élaboré quelques heures auparavant, me disant que finalement, il était préférable de tout laisser tomber. Ce bébé se développerait beaucoup mieux aux côtés de sa mère et de son père. Ce petit veinard aurait d'ailleurs le luxe d'avoir en prime de ses parents biologiques, une autre paire de parents, ou alors un oncle ou une tante [appelez ça comme vous voulez]. Mais ça, il fallait le faire avaler à Gringe, qui, à l'heure qu'il était, avait, à coups sûrs, forcé ma "meuf" à cracher du venin de vipère sur le compte de la blonde et avait enchainé par l'autre étape, à savoir, de couvrir son vagin de crème hydratante. 

-T'es sûre de vouloir remonter à l'appart'...? Demandai-je en caressant la tête du nouvel invité.

-Ouais... De toute façon, je vois pas où est-ce qu'on pourrait aller d'autre...

Je levai les yeux aux ciel, cherchant l'appart' de Gringe: la lumière était allumée. Pourquoi? Un coup d'œil à mon appart': il était plongé dans le noir. Gringe avait-il finalement décidé de passer la soirée dans son appartement, tranquille? 

-Bon, allez... Dit-elle, en gigotant de gauche à droite pour réchauffer ses jambes. 

-Ok... 

Le vent s'était levé. Il ne faisait pas si frais que ça mais vu qu'elle portait un mini short, il était évident qu'elle devait avoir plus froid que moi qui était en survêt. Je tâtai les poches de mon pantalon.

-Putain, t'as les clefs...? Demandai-je.

-Non... J'ai pris que les clefs de la voiture, tout à l'heure.

"Ok", me dis-je, m'apercevant qu'on était juste enfermés dehors devant chez moi. Je relevai à nouveau la tête. La silhouette de Gringe passa devant la vitre de sa chambre à coucher.

-Attends-moi là, je vais allez demander les clefs à Gringe... Fis-je en la laissant sur le trottoir. 

Je traversai la rue au trot. Comme d'hab, la porte de l'immeuble était ouverte. J'empruntai donc les escaliers, me retrouvant rapidement devant la porte sur laquelle Gringe avait, il y a longtemps de cela, collé un sticker en forme de tête de démon pour rendre son appartement reconnaissable en un clin d'œil. Je donnai trois petits coups contre la porte rouge. Des petits pas se firent entendre puis plus rien. Le silence complet. Je retoquai encore une fois. Moment à partir duquel la lumière du couloir s'éteignit. 

-Putain, comme si j'avais pas assez les chocottes depuis tout à l'heure... Marmonnai-je.

Je titubai comme un vieux, cherchant le petit bouton blanc: ça y est, l'étage était de nouveau éclairée. "Ouf". 

-Putain, Gringe! M'écriai-je en pressant sur le bouton de la sonnette. 

J'entendis une fois encore les bruits de pas puis un petit cliquetis: Gringe devait être en train de regarder à travers le Judas. Fin à travers l'œilleton pour cesser avec ce vocabulaire... Bref. Le bruit d'un trousseau de clefs se fit enfin entendre. La porte s'entrouvrit lentement faisant apparaitre le bonnet de Gringe. Je poussai un peu plus la porte pour entrer mais Gringe ne s'écarta pas du chemin. Je trouvais qu'il avait l'air un peu paniqué mais je fis comme si je n'avait rien vu, me contentant de lui demander les clefs.

-Ah oui, les clefs... Euh... De toute façon, je redescends avec toi....

-Tu t'es changé, demandai-je étonné.

-... Euh... Ouais... Je m'étais renversé un peu de sirop de cassis dessus.

-Hum... 

Gringe ne buvait jamais de sirop de cassis. A l'évidence, il était encore en train de me raconter un mensonge. 

-Sinon... Ca s'est bien passé avec... 

Il baissa la tête, prenant son temps pour refermer sa porte à clefs. Puis, finit par me répondre de façon vague:

-Euh... Ouais. Fin non... Fin, on a discuté un peu puis elle m'a dit qu'elle était fatiguée donc je l'ai laissé se mettre au lit.

-Ah, donc... Le plan tombe à l'eau...?

-Hum... Toute façon avec cette histoire d'aller récupérer le gosse, et le téléfilm à la télé, ben, le plan avait déjà mal commencé donc autant laissé tomber.

Je me sentais soulagé. Personne ne serait blessé. Personne n'irai en taule ou au cimetière. On allait tous pouvoir admirer le bébé et partir de zéro dès le lendemain. 

Gringe mâchait son chewing-gum et faisait sans cesse éclater ses bulles contre sa bouche: il était stressé. 

-T'es sûr que ça a été...

-Et sinon, le bébé, il est comment? Il a ma gueule...?

Je trouvais vraiment curieux qu'il passe du coq à  l'âne de cette façon. Il ne souhaitait peut-être pas en parler. 

-Je sais pas trop, j'ai pas regardé son visage en détail, et puis, il fait sombre. On verra mieux tout ça, une fois en haut.

-Les plombs ont disjoncté dans la salle de bain...

-Ah ouais...? Putain, c'est relou, j'avais déjà appelé pour réparer ça y a genre deux semaines... Je comprends pas pourquoi y a toujours des problèmes avec cette pièce.

-T'es sûr que Claude François à pas habité dans cet appart'...? Ironisa t-il.

Nous rejoignîmes la blonde et le bébé puis montâmes à l'appartement. En entrant dans celui-ci, je remarquai de suite que le ménage avait été fait: le sol brillé et l'odeur citronnée me piquait au nez. 

-Vous avez fait le ménage...? Demandai-je, intrigué.

-Elle a sûrement dû le faire pendant que j'étais en face. Pour l'arrivée de... Il a un prénom?

-Non... On va lui en donner un, en y réfléchissant, ensemble.

Je laissai Gringe et sa meuf dans le salon avec le bébé, me dirigeant jusqu'à la chambre pour la réveiller. Mais la chambre était vide.  Je ne savais pour quelle raison mais j'avais un mauvais pressentiment. Je revins sur mes pas, retrouver les autres. Peut-être qu'Elle s'était endormie dans la chambre de Gringe...

-Elle est dans ta chambre? Interrogeai-je.

-Non... Fin, je crois pas. 

Je récupérai mon portable (que j'avais laissé sur le plan de travail de la cuisine): un nouveau message:

Elle: Je viens d'apprendre la nouvelle. Je ne sais pas si je suis prête à élever cet enfant. J'ai besoin de rester seule un moment... Je te tiens au courant...

A.C   [ORELSAN / GRINGE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant