Episode 8 : Les Talents (4ème partie)

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Maya et moi sortons du bus. Mis à part le vieux Monsieur de tout à l'heure, je n'ai pas eu de demande d'autographe, et c'est tant mieux. J'aurais été trop mal à l'aise de devenir tout à coup le centre d'intérêt général.

– Jamie ?

Je me retourne. C'est Marc.

Oh mon Dieu ! Qu'est-ce qu'il vient faire ici ? Il veut se venger ? Venger ses potes ?

– Je peux vous parler seul à seul une minute ?

En tout cas s'il veut me tuer, il le cache bien ; il a une air bienveillant fixé au visage.

Je lance un regard à Maya pour lui signifier que tout va bien, elle comprend immédiatement et me sourit une dernière fois avant de se retirer.

– Avant que vous ne commenciez, j'aimerais m'excuser de vous avoir castré.

Il sourit d'un air malicieux.

– Oh, vous savez, j'ai connu pire.

J'ai tout à coup envie de fouiller dans ses souvenirs pour savoir de quoi il parle, mais je me retiens. Ah, saleté de don ! C'est la tentation, ce machin !

– Et puis, il est vrai aussi que nous n'avons pas été de main morte avec vous. Je comprends que vous vous soyiez défendue avec autant d'ardeur.

– Les autres pensent comme vous ?

Il a un sourire désolé.

– Kurt est plutôt quelqu'un qui n'aime pas que son ego soit piétiné en public, et Pete vous en veut toujours parce que sa mâchoire est assez mal en point. Quant à Sophie, elle a très mal au crâne.

Je baisse les yeux.

– Je suis désolée.

– Arrêtez de vous excuser comme ça.

Je relève la tête.

– Qu'est-ce que vous voulez dire ?

– Sylvian est déjà venu hier soir pour nous dire que vous nous présentiez vos excuses. Vous n'avez pas besoin de vous excuser autant.

– C'est gentil.

– Je le pense vraiment. Vous êtes un très bon guerrier, Jamie, et c'est ce qui compte plus que tout. Je pense que sur ce point, les autres sont d'accord avec moi. La preuve, c'est que, même s'ils ont été froissé, ils ont quand même tenu à vous faire un cadeau.

– Quoi ?

Un cadeau ? C'est quoi cette blague ? On est ni à Noël, ni à mon anniversaire !

– Nous avons pour coutume, nous les Talents, d'offrir un petit quelque chose dès que l'un de nous se fait battre par un novice. Et comme, non seulement vous nous avez vaincus tous les quatre, mais en plus en même temps, nous tenions à marquer le coup...

Marquer le coup ? Qu'est-ce qu'il veut dire par là ? Que vont-ils m'offrir ? Un chien ?

– ... avant de repartir.

– Quoi, vous partez ?

– Ce matin même.

– Les autres sont déjà rétablis ?

Par les autres, je veux surtout parler de Pete.

– Pas tout à fait, mais notre mission ne peut pas attendre. Le convoie de nourriture du sultan passe tous les quinze jours.

– Le convoie de nourriture du sultan ?

Il a un sourire moqueur devant mon air innocent.

– À votre avis, d'où viennent tous ces bons petits plats que nous vous proposons et à la cantine, et dans vos cuisines ?

Ah, ça explique donc pourquoi la bouffe est bien meilleure qu'au lycée...

Marc fouille alors dans son sac.

– Tenez, votre cadeau.

Je baisse les yeux vers l'objet qu'il me tend. C'est une dague, extrêmement belle. Elle a une jolie couleur argentée et, sur son manche, de sublimes courbes ont été gravées avec, me semble-t-il, une fine couche d'encre noire.

– Elle est en fer. Ça résiste un peu moins à la corrosion que le bronze, mais c'est plus léger. J'espère qu'elle vous servira.

Je trouve le geste tellement gentil que je sens un afflux de bons sentiments monter en moi. Ça me donne envie de pleurer. Je me saisis de la dague.

– Merci.

– Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir.

Il fait une pause.

– J'ai une question à vous poser.

– Je vous écoute.

Il jette un coup d'œil derrière moi, et je me rends compte qu'il attend que le dernier guerrier encore sur place entre dans le Camp. Qu'a-t-il à me dire de si confidentiel pour attendre ainsi qu'un combattant disparaisse ? Justement, le garçon vient de passer le seuil de la porte centrale.

– C'est vous, n'est-ce pas, l'arme secrète de notre chef ?

Je sursaute.

– Quoi ? De quoi vous...

– J'ai senti quand vous êtes entrée dans ma tête.

Et merde. Il faut vraiment que je trouve un moyen pour que les gens ne se rendent pas compte que je fouille dans leurs souvenirs...

– Et c'était plutôt très bizarre.

– Je...

– Ne vous en faîtes pas. Je n'en ai parlé à personne, même pas à Pete, Kurt, ou Sophie, et je n'ai aucune intention de le faire. Avec moi votre secret est bien gardé.

– Merci.

– Ce n'est pas vraiment pour vous que je le fais, Jamie. Si vous êtes, comme je le pense, notre seul moyen de gagner la guerre, mieux vaut que vous restiez en vie le plus longtemps possible. Et pour cela, il serait plus prudent que très peu de gens soient au courant de ce que vous pouvez faire.

– Merci quand même.

Il me sourit, avec un sourire qui me paraît encore plus franc et chaleureux que ceux qu'il a eu auparavant envers moi.

– De rien.

– Jamie !

Je me retourne. Abigail arrive vers moi en courant.

– Qu'est-ce que tu fais, le cours va commencer !

Son regard se pose sur Marc, et elle grimace tandis que le Talent me salue.

– Bonne fin de journée, Jamie.

– À vous aussi.

Et il s'en va aussi furtivement qu'il était arrivé.

– Qu'est-ce qu'il faisait là, lui ?

Je lance un regard à Abigail, dont le ton était à la fois écœuré et agressif.

– Il voulait me donner ça.

Je lui montre la dague. Son visage se tort alors en une monstrueuse grimace.

– C'est de la camelote, ça.

– Ah bon ?

Elle me fixe.

– Le fer, c'est nul. Tu devrais le savoir.

Elle baisse la tête tout en ajoutant quelques mots.

– En plus, le manche est bourré de fioritures qui servent à rien...

J'ai un sourire moqueur. Oh, mais c'est qu'elle est jalouse, la poupée géante...

Au-Delà Des ApparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant