Au-Delà Des Apparences

Episode 8 : Les Talents (1ère partie)

Nous sommes dimanche.

Hier, j'ai expliqué à Maya que Mr Ben voulait absolument que je perfectionne mon don, elle a dit qu'il faisait vraiment une fixation sur moi, j'ai grimacé, elle a rigolé. Sauf que ce n'était pas drôle.

Je jette un coup d'œil vers le lit de mon sosie : elle dort à poings fermés. Je crois que cette semaine l'a encore plus crevée que moi. Je passe le seuil de la porte d'entrée après avoir englouti du bacon, un œuf et un chocolat chaud, et me retrouve dehors, dans le froid. Le soleil est levé, mais pas assez apparemment pour réchauffer l'atmosphère.

Une voiture s'arrête alors à ma hauteur.

– Mlle Jamie Fish ?

La vitre teintée vient de se baisser, et un visage masculin est apparu. Je fronce les sourcils. Ce n'est pas un chef des armées. Euh... C'est normal ça ?

– Oui, c'est bien moi... Et vous êtes ?

– Montez dans la voiture. Un chef des armées vous attend.

Et vous êtes ? C'est incroyable comme les gens sont malpolis dans cette dimension !

Je monte finalement à l'intérieur du véhicule, à l'arrière. Après une dizaine de minutes, nous arrivons dans le bois, et le gugus au volant m'ordonne de sortir. Un fois de plus, je me retrouve à l'extérieur, seule. La voiture s'éloigne.

– Bonjour Jamie.

Je fais un bond en me retournant. C'est Jim.

– Jim ? Qu'est-ce que vous faîtes là ?

– Je suis un chef des armées. L'auriez-vous oublier ?

Est-ce que j'ai une tête de neuneu ?

– Non, mais c'est que... Vous travaillez avec Nathan pour le compte de la Fédération de Protection, non ? Vous n'êtes pas censé être avec lui, en ce moment ?

Il hausse les épaules. Comme d'habitude, il ne laisse passer aucune expression sur son visage. Ça ne m'étonnerait guère qu'il soit un robot...

– Si, mais je me suis arrangé. Nathan voulait absolument que se soit moi qui vous entraîne.

– Pourquoi ?

Oui, pourquoi ? Si Jim a pu s'absenter, ça veut dire que Nathan aussi aurait pu quitter son poste et venir ici, alors, pourquoi il ne l'a pas fait ? Est-ce qu'il m'évite ?

– D'après ce que j'ai compris, comme je suis très doué pour mentir, il veut que vous vous entraîniez à discerner le vrai du faux dans ce que je dis. Avec votre don.

– Le vrai du faux ? Parce que quand je rentre dans la tête des gens ils peuvent encore arriver à me berner ?

– C'est ce qu'il pense, et il veut le vérifier.

Bon, d'accord.

– Jamie !

Lundi. C'est déjà lundi. Le temps passe beaucoup trop vite.

Le Mr Ben avait raison. Quand je rentrais dans les pensées de Jim et qu'il me mentait, j'avais l'impression qu'il disait vrai. Alors, soit le copain de Nathan est mythomane, soit je dois aiguiser mon don encore un peu plus. Pour éviter qu'on ne me manipule.

– Bonjour Abigail.

Nous venons d'entrer dans le Camp, Maya et moi, et Abigail nous a rejoint. Elle prend un bus différent du nôtre, au plus grand désespoir de mon sosie. À dire la vérité, moi aussi je suis plutôt déçue. En moins de trois jours, Abigail et moi nous sommes énormément rapprochées, nous sommes presque des amies maintenant.

– Quelqu'un sait qui sont les quatre gugus là-bas ?

Je lance un regard à Maya, qui regarde au loin. À quelques mètres de nous, à l'entrée, trois mecs et une fille sont en train de serrer la main de plusieurs élèves et même, de signer des autographes. Des autographes ? Ce sont des stars de cinéma ou quoi, ces quatre rigolos ?

– Oh faîtes pas attention à eux.

Nous nous retournons vers la barbie géante.

– Ce sont les experts de la classe experts, la crème de la crème, si vous voulez. Ils viennent de rentrer de mission, et ils ne restent pas souvent au Camp, parce que dès qu'on envoie des gens sur le terrain, ils sont forcément de la partie. Certaines personnes les nomment l'Élite, mais on les appelle plus communément les Talents. Les gens que vous voyez autour d'eux, se sont leurs fans. Ils les trouvent extrêmement géniaux, mais moi je les vois plus comme des crétins arrogants.

Hummm... Je vois un peu le genre...

Abigail commence à s'éloigner avec un air méprisant fixé au visage, et je me mets à la suivre après avoir salué mon sosie.

– Excusez-moi ?

Je relève la tête. Les Talents se tiennent debout devant nous, un plateau à la main.

Abigail, Maya et moi sommes à la cantine depuis moins de quinze minutes, moi je viens de commencer mon dessert parce que je ne parle pas beaucoup, mon sosie et la barbie géante étant en plein débat sur le menu qui, selon l'une, n'est pas assez équilibré. Alors, l'arrivée des Talents lance un peu un froid.

– On peut s'asseoir à côté de vous ?

Un gars mâte de peau, à côté du garçon brun qui a posé la question, pose son plateau en face du mien.

– C'est bon Marc, on peut s'asseoir, pas besoin de déranger ces demoiselles.

Apparemment dans ce groupe, les uns sont polis, les autres non.

Ils s'assoient, et commencent à nous faire la causette. La fille, une jolie noire aux cheveux ébènes et frisés, parle en premier.

– Vous n'étiez pas là quand nous sommes partis, je me trompe ?

– Euh, non...

– Ah, vous êtes nouvelles alors !

Je lance un regard au type qui se prénomme Marc.

– Oui. Moi je m'appelle Maya, et elle, c'est Jamie.

– Moi je m'appelle Sophie, le type malpoli c'est Kurt, lui c'est Marc et celui qui ne parle pas, c'est Pete.

Pete, un grand asiatique, grimace, tourne la tête, et marmonne :

– Bonjour...

– Vous avez de la chance ! Vous n'allez pas rester longtemps !

– Qu'est-ce que vous voulez dire ?

Maya a l'air aussi surprise que moi à la remarque de Marc.

– D'après ce qu'on sait, même si les informations ne filtrent pas beaucoup, nous serions sur le point de gagner la guerre. Grâce à une espèce d'arme secrète.

Mon sosie me lance un regard, et je comprends immédiatement. L'arme secrète, c'est moi.

Abigail explose alors de rire.

– Ça, c'est juste des rumeurs pour motiver les troupes ! Si on vous disait que la guerre se terminait dans un peu plus de cent ans, vous croyiez vraiment que vous continueriez à vous battre ?

Les Talents grimacent.

– Vous êtes libres de penser ce que vous voulez, nous ne sommes pas le sultan. Nous ne vous forcerons pas à croire ce que vous ne voulez pas croire.

La voix de Pete est vraiment très étrange. C'est sûrement pour ça que Kurt prend le relais.

– Mais quand cette arme pointera le bout de son nez, ne vous étonnez pas.

Non, ne t'inquiète pas, ça ne risque pas d'arriver.