T6 - Chapitre 7

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Ils arrivèrent au Travellers Club alors que la nuit tombait, amenant sur la ville une obscurité qui n'était pas pour déplaire à Watson.

-Messieurs désirent ? s'informa aussitôt un concierge en livrée en leur barrant poliment – mais fermement – l'accès au salon privé du club.

-Nous désirons consulter les archives du club, s'il vous plait, répondit Watson à la place de Holmes, qui allait peu ou prou délivrer la même information, mais avec moins de tact.

Le concierge haussa un sourcil, seul mouvement de contrariété que lui autorisait son flegme britannique.

-Comme je l'expliquais à Monsieur Russel, l'un de nos membres récent, qui vient d'effectuer la même demande, les archives de notre club ne sont réservées qu'à nos plus estimés...

-Russel ? interrogea Holmes en se penchant sur le côté.

Un homme fumait à l'aide d'un porte-cigarette, adossé au mur, quelques mètres plus loin. Il était légèrement plus grand, bien sûr, un peu plus gros, avec des cheveux plus long, plus clair, une barbe bien fournie et une peau plus halée, mais il ne fit aucun doute pour Holmes que c'était...

-Lupin, ragea-t-il tout bas.

-Je suis dans l'obligation de vous demander de quitter ces lieux, les informa très rigidement le concierge.
-Lestrade, lâcha Holmes en se retournant, et si vous vous décidiez à intervenir ?

-Je ne suis pas votre caniche, grommela l'intéressé en sortant son insigne. Police ! Lança-t-il au concierge. Inspecteur Lestrade de Scotland Yard, Brigade spéciale. Je vous demande de nous montrer ces archives. Et plus particulièrement...

Il se tourna vers Holmes.

-Tous les articles de journaux qui concernent les membres les plus estimés de votre club, termina Holmes, que je ne doute pas un instant que vous conserviez avec dévotion. En particulier ceux de 1810.

Le concierge sembla hésiter, vérifia une nouvelle fois le badge de l'inspecteur, reporta son attention sur Holmes, rencontra son regard d'acier, et flancha.

-Si vous voulez bien me suivre... lâcha-t-il de mauvaise grâce en faisant volte-face.

Ils passèrent juste devant « Monsieur Russel », qui haussa un sourcil de défi en direction du détective.

-Pourquoi ne vous joindriez-vous pas à nous ? Lâcha Holmes d'une voix qui n'avait rien à envier au vent des banquises.

Watson lança à son colocataire un regard stupéfait.

-Comme c'est gracieux de votre part, répondit joyeusement « Russel » en écrasant sa cigarette dans un cendrier. Vous êtes bon joueur, Holmes.

Holmes ne daigna pas répondre.

-Eh bien, Watson ! s'exclama « Russel » en donnant l'accolade au docteur, qui affichait une moue perplexe. On ne salue plus ses amis ? Vous avez bien meilleur mine qu'hier !

-Lupin ?! s'exclama Watson. Mais... Mais vous ne ressemblez pas... Saperlipopette, mais quelqu'un m'expliquera un jour pourquoi les gens les plus intelligents cherchent toujours à se déguiser le plus puérilement possible ?

À ces mots, Lupin éclata de rire et partit à la suite de Holmes, de l'inspecteur et du concierge, Watson sur les talons.

~

-Le petit salon est en restauration, leur indiqua le concierge en désignant une porte fermée qui dégageait une forte odeur de plâtre. Habituellement, c'est là que les articles de nos membres les plus célèbres sont affichés. En attendant, les cadres sont entreposés dans l'intendance.

-Nicholas Flamel ? Lâcha Holmes avec espoir.

-Le descendant de l'alchimiste ? Répondit le concierge. Celui qui a disparu dans une expédition ? C'est un de nos plus grands donateurs de l'époque.

-Vous possédez donc sa photographie ? Trépigna Holmes.

-Certainement. Je ne lui ais jamais accordé particulièrement d'impression, mais je sais que nous la possédons... Ah, nous voici arrivé, finit-il en désignant une porte fermée au fond d'un long couloir, entre deux autre autres portes ouvertes.

-Lestrade ? Interrogea Watson, intrigué par la mine de l'inspecteur.

Le policier mit son doigt sur les lèvres pour leur intimer le silence, et désigna la pièce adjacente, mangée par l'obscurité.

-Quelqu'un nous espionnait, chuchota-t-il en sortant son arme.

Holmes serra sa main autour de sa canne-épée. Lupin fit jaillir de sa manche un minuscule révolver. Watson glissa la main dans sa poche pour prendre son arme, et fit signe au concierge – blasé – de rester en arrière.

Watson le premier, les quatre hommes firent irruption dans la pièce.

-Police ! s'exclama Lestrade.

Mais il ne fallut qu'un coup d'œil à Watson, pour qui l'obscurité n'avait pas de secret, pour savoir qu'il n'y avait personne. Holmes sentit son compagnon se décontracter, et relâcha sa cane.

-Il semblerait que vous voyiez des fantômes, inspecteur, se moqua-t-il en revenant dans le couloir, où s'impatientait le concierge, qui consultait sa montre à gousset.

C'est qu'on ne ratait pas impunément l'heure du diner, dans un club de la bonne société.

-Ouvrez cette porte ! s'exclama Holmes, qui n'en pouvait plus, sans prendre garde à l'inspecteur vexé qui rangeait son arme, ni à la propre excitation de Lupin, non loin de lui.

Seul le regard brillant de Watson lui arracha un sourire.

Le concierge ouvrit la porte, révélant du même coup une petite salle encombrée aux murs habillés d'armoires poussiéreuses. Deux fenêtres légèrement entrouvertes donnaient sur la rue. L'homme ouvrit sans hésiter l'une des armoires, se saisit à deux bras d'une boite de carton, et la laissa tomber sur la table, souleva un nuage de particules grises.

Holmes se précipita dessus et, sans plus de considération, en renversa le contenu – soit une quarantaine de petits cadres – sur la table.

-Au travail ! s'exclama-t-il en fouillant dans le tas.

Le concierge lança un nouveau regard angoissé à sa montre et, sur une dernière hésitation, se décida enfin à quitter les visiteurs impromptus, qui ne remarquèrent même pas son absence.

Au fur et à mesure, les trois hommes et un vampire empilèrent sur le côté les coupures de presse qui ne correspondait pas à l'année recherchée par Holmes.

Il n'en restait plus que quelques-unes lorsque, sans que rien ne l'eut laissé prévoir, une énorme explosion ébranla les murs.

Sherlock Holmes & John Watson - Les Vampires de LondresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant