ve•ra•no, nm : été
i. ma grande tante faisait une collection de magnets papillons, et ces insectes bariolés ont gardé leurs pattes crochues profondément plantées dans mon cerveau. c'était une chaumière solitaire au beau milieu des pommeraies, des troupeaux de moutons et à côté de la seine. des jeux plus vieux que l'humanité dormaient pour moi et mes frères toute l'année dans la véranda, et en nous étouffant dans la poussière et la chaleur nous les avons déterré chaque année comme de fiers archéologues. des araignées géantes avaient fait résidence des crânes des poupées et des filets du mini babyfoot. une tapisserie brodée d'une scène de chasse trônait là où étaient entreposés le gibier et les fruits en abondance, et les lévriers semblaient observer ma stature famélique de petite fille. nous avions en point commun des côtes saillantes, mais là où ils chassaient la proie, je fuyais les prédateurs, mes petits mollets blancs foulant le gazon tendre près du fleuve et du bac à sable. enivrée par l'odeur des pommes de terre sautées et du chevreuil, je pensais qu'une créature sordide rôdait à l'étage quand je me faufilais dans le cabinet.
ii. ma maison est à l'orée des bois et il a toujours été, pour moi et mon frère, un lieu d'exploration fantastique rempli de légendes et de mystères. le point de rencontre de tous les mômes du quartier s'appelle l'arbre du pendu, c'est un arbre gigantesque dont les racines noueuses rappelaient des visages. une corde pendait à la plus haute branche de cet arbre, d'où son nom qui foutait les jetons aux nouveaux venus. entre ville et champs de blé, la forêt est une grande bande faisant le tour de la vallée où je vis, ainsi ce lieu trouve plusieurs noms selon le quartier qu'elle borde. de mon côté, c'était l'arbre du pendu, les cris inhumains à la tombée du soir, les terrains de jeux abandonnés de l'autre côté des bois, le château d'eau sous terrain interdit et bordé de grillages qu'on a brisé pour pouvoir entrer, les oiseaux qui poussent des cris de nourrisson. de l'autre côté de la ville, c'était la grotte du cheval blanc, interdite mais visitée par les gosses et les légendes qui l'entouraient, le rond de sorcières avec un feu de camp au centre, les collégiens qui se perdent en course d'orientation, une autre grotte qui est en fait un véritable labyrinthe privé de lumière et d'oxygène, le bruit infernal du chemin de fer absorbé par des chênes vieux comme le monde. quand, avec ma bande de bras cassés, nous nous promenions sur le grand chemin, nous apercevions du coin de l'œil des silhouettes à cinq pattes et nous courrions à grandes enjambées vers les immeubles, la tête remplie d'ombres fantastiques.
iii. bande de blaireaux, murmuraient sous leurs barbes les agents de sécurité lorsque nous nous cachions derrière les buissons dans le parc naturel de l'abbaye. oui, nous étions de vrais blaireaux, avec nos petits doigts imprégnés de terre fraîche, nos yeux vifs dans la fraîcheur du soir, notre douceur enfantine prête à craquer sous la menace : là, nous étions prêts à courir pour nos vies. entre les baromètres, les petits ponts, la rivière gloussant de nos caprices et les panneaux explicatifs sur l'histoire du lieu, nous nous sentions comme des dieux malicieux. sur nos ombres s'étendaient des ailes, des cornes, des bras multiples, des doubles, et assénés de chut incessants nous glissions sur le toboggan géant, nous sautions sur les plaques musicales, nous courrions à la vue d'adultes. nous étions au beau milieu de la campagne, et l'abbaye comme une mère complice nous observait, protectrice, du haut de ses courts clochers, elle qui garde nos secrets depuis neuf siècles. nous n'avions peur de rien ni de personne, ni de la dame blanche qui rôdait autour du monument, ni des vipères gargantuesques qui s'enroulaient paisiblement autour de chênes millénaires, ni du pigeonnier hanté et prêt à s'écrouler sous nos pas depuis une éternité. mais maintenant, ils ont tout détruit.
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abejita
Poetryabejita, nf : petite abeille « Poursuivant mon œuvre, je vais chanter le miel aérien, présent céleste. Je t'offrirai, à partir de tous petits êtres, un spectacle admirable. Quand le soleil d'or a mis l'hiver en fuite, et l'a relégué sous la terre...