abejita

cri•a•tu•ra

cri•a•tu•ra, nf : créature

i. une bestiole se terre sous une froide pierre, de la terre fraîche luit au bout de son nez. elle grelotte, elle est chétive, car toutes les plantes du jardin où elle vit sont empoisonnées. quand elle contemple les voisins, un sentiment d'iréel la prend au cœur : c'est donc ça un vrai jardin ? puis ses maîtres l'appellent. ils portent l'insigne des créateurs, elle n'est que leur créature. et toute créature mérite d'être aimée, mais c'est plus simple de survivre quand on n'y pense pas, coincé entre les lignes du carrelage.

ii. j'ai essayé de sourire. de ressembler à une fille. de mieux disposer mes os. j'ai essayé de me fourrer les doigts dans le crâne et de remuer les doigts dans mon cerveau pour qu'il fonctionne comme celui des autres, celui des gens normaux. j'ai essayé d'aimer les garçons. j'ai essayé d'être moins bête, de ne jamais pleurer, d'aller voir ailleurs si j'y étais, mais il n'y avait personne ; en fait, rien de tout ce que j'ai tenté n'a fonctionné. on ne refoule pas les marées, on ne refoule pas les nuages, on ne refoule pas les tremblements de terre. je suis moi. je suis moi. je suis moi.

iii. parfois je te vois dans le miroir et j'en suis si terrifiée que je n'ose plus le regarder pendant des jours. j'ai peur de n'être qu'un reflet. d'être ton reflet. n'importe qui pourrait me bannir du lac avec de simples ricochets, et je disparaîtrais dans l'onde. sur les murs de la cuisine se répercutent l'écho de la même phrase, avec la même intonation, la même vitesse, la même amertume que les cent onze fois précédentes. la dame aux paons dans le ciel me paraît si loin.