a•rma•du•ra

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a•rma•du•ra, nf : armure

i. tu n'es que l'hôte de ta chair, alors, en bon invité, prends-en bien soin et respecte là. tes os creux abriteront les amis de la boue et de la pluie, et ce n'est pas ton squelette qui va empêcher un arbre d'empiéter dessus avec ses lourdes racines. les enfants du naufrage retournent toujours à la terre. nos aïeules à la chevelure de cendre ont disparu en mer, ce sont elles que tu entends quand tu pose un coquillage sur ton oreille, ce sont leurs doux visages que tu aperçois dans l'écume des vagues. elles dorment au creux des coquillages comme des perles irrégulières, protégées des filets de pêcheurs par leurs palais de nacre.

ii. quand, épuisée d'une journée passée dans une coquille à l'écart des agressions extérieures, je m'étend, la joue appuyée sur le sol froid, je comprend. je comprend pourquoi les armures et les côtes de mailles pesaient si lourd. je comprend, tout au fond de mes artères, les chevaliers. je comprend leur épuisement et je comprend ce qui les a poussé à avancer, malgré ce ciel qui leur tombait sur le corps, malgré leurs gestes limités... comprenez vous ?

iii. ma peau recouverte d'écailles est érodée par la bataille. l'enfant-chouette m'a confié cette armure alors que je rêvais au fond du berceau... une peau dure, froide, impénétrable protège ma chair fragile. prions les dieux bienheureux avant que les mortels ne découvrent que, moi aussi, j'ai un talon... j'ai au fond des veines des mots tranchants comme l'acier, des bustes froids comme l'hiver, une guerre qui ne finit jamais. les battements de mon cœur se font de plus en plus lents, et une sérénité anormale vide mon sang de toute violence quand, allongée dans le vide, j'écris ces vers...

abejitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant