Un coup après l'autre, Aedan ne devait point faiblir. La sueur qui perlait sur ses tempes le chatouillait. Une chaleur enivrante se répandait dans ses veines. Son corps était en feu.
Il intensifia soudainement ses gestes.
Précis et puissant, il ne se démontait pas face à son adversaire empoté. Les coutures du sac de frappe se craquelaient sans jamais céder. Aedan était surpris de voir cette antiquité tenir encore le choc.
— Contrôle ta respiration gamin, tes coups partent dans tous les sens, conseilla Foulque en attrapant le sac entre ses mains pour l'immobiliser.
L'entraîneur descendait d'une famille de voyageurs, ses ancêtres avaient émigré dans le Grand Royaume le siècle dernier. En arrivant de ces nouvelles contrées, il s'était pris de ferveur pour les combats rapprochés. Il avait excellé dans ce domaine, enchaînant combats et récompenses autour du globe.
« Foulque le fou » fut acclamé dans des dizaines de pays ! Jeune et invincible, il réduisait en charpie les combattants locaux, se traçant une renommée en dehors des frontières du Grand Royaume. Les trophées et les médailles exposées dans une vitrine près de l'entrée de sa salle d'entraînement en témoignaient constamment. Mais sa dernière compétition aura été fatal à son genou droit.
Sa carrière de champion mondial étant passée aux oubliettes, Foulque avait trouvé un autre moyen de vivre de sa passion. L'entraîneur canalisait l'énergie des gamins perdus ou désireux de pratiquer un sport. Il les prenait sous son aile, comme il l'avait fait auparavant pour Aedan.
— J'ai la tête ailleurs.
Aedan s'écarta, retirant les bandes qui comprimaient la circulation sanguine de ses mains.
Foulque emboîta le pas à son protégé, son short court moulait ses cuisses dont la circonférence était identique à celle d'un tonneau de vin rouge, ses bras étaient aussi gros que des troncs d'arbres et son torse aussi dur que de la roche d'une montagne. Foulque était un géant musclé mais au cœur aussi fondant qu'un moelleux au chocolat.
— Oh je vois, tu penses encore à la nana que tu t'es tapé hier soir, dit-il en lui tendant une serviette. Comment s'appelle-t-elle déjà ? Adrienne, Agathe, Angèle...
Épuisé par sa séance, Aedan se laissa tomber sur un banc. Il épongea la transpiration qui luisait sur son visage.
— Elle s'appelle Angeline, rétorqua-t-il, et c'était une erreur.
Un rictus étira ses lèvres lorsqu'il revoyait le corps de la femme frémir sous ses doigts. La quinquagénaire qu'il avait rendu veuve l'avait recontacté plusieurs fois après leur première rencontre, l'invitant dans des restaurants réputés des gens de la Haute. Malgré ses multiples refus et ses réticences à l'égard de ce monde, Aedan avait flanché comme un lâche devant cette femme aux nombreuses qualités. Il l'avait accompagné dans diverses soirées mondaines avec un but bien précis. Le Chasseur pensait y revoir le fils du Gouverneur et sa compagne, mais ils demeurèrent absents à chaque réception.
— Une erreur que tu as commise plus d'une fois, ajouta l'entraîneur d'un air moqueur.
Le désastre que fut la soirée du Gouverneur ne l'épargna pas. Aedan s'en était tiré indemne. Cependant il avait deux côtes de fêlées, un muscle ischion-jambier de froissé et des hématomes.
Les douleurs se résorbaient au fil des jours.
Cette soirée avait été fichu en l'air par une bande de connards armés jusqu'aux dents. Ces abrutis étaient nés de la dernière pluie s'ils pensaient que la Garde ne répliquerait pas aussi sauvagement, limitant par la même occasion le nombre déjà conséquent de morts. Sa seule consolation fut qu'aucun de ces animaux ne s'en soient tirés indemnes !
— Allez fiston, monte sur le ring ! Le perdant paye sa tournée.
À ses mots, les jeunes qui s'entraînaient cessèrent toutes activités. Ils accoururent tous en chœur près de l'espace dédié combat, abandonnant adversaires, gants et étirements.
Depuis aussi loin qu'il se souvienne, Foulque avait toujours été de bon conseil. C'était bien la seule personne à qui Aedan accordait sa confiance.
L'entraîneur regardait avec impuissance son protégé sombrer dans les ténèbres. Il avait maintes et maintes fois tenté de le pousser vers la lumière mais le Chasseur, rongé par l'amertume, en décida autrement.
Le décès de sa mère fut l'élément déclencheur qui entraîna Aedan dans les noirceurs du mal. La disparition de Milan vint tourmenter cet être au cœur arraché. Là, où il y avait de lumière, l'ombre naissait. Elle nourrissait les démons d'Aedan, qui une fois l'aube éveillée, n'étaient plus en mesure de disparaître.
Au fil du temps, Foulque voyait le nœud coulant se resserrer autour de la gorge du Chasseur.
Bientôt, il ne serait plus à même de pouvoir combattre l'obscurité qui régnait dans sa poitrine.
— Je serais sans pitié, prévint-il en se mettant en position.
— Je n'en exigeais pas moins de toi !
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L'Héritière
AdventureAedan Monroe, chasseur de prime renommé et tueur à gages à ses heures perdues, obtient un nouveau contrat avec le Gouverneur. Il doit débarrasser la Capitale d'un mystérieux fauteur de troubles : Le Corbeau. Au cours de sa mission, il fera la renco...