Chapitre 30

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Loin des agitations de la Capitale, l'hôpital de la ville se trouvait dans un cocon de plénitude et d'accalmie. Là-bas, le temps semblait se suspendre. Teïlo avait passé plusieurs jours dans le coma après l'explosion de l'entrepôt. Les premières semaines, les médecins restaient septiques quant à sa potentielle guérison. Son corps était brûlé à vingt pourcent, ce n'était pas anodin mais il s'en sortirait. Les préoccupations des médecins restaient les séquelles causées par le souffle de l'explosion. Teïlo avait été projeté à plusieurs mètres dans les airs comme aspiré par l'œil du cyclone. Le bâtiment s'était effondré autour de lui, édifiant son tombeau. Les tombes étaient pour les morts, et Teïlo se retrouvait désormais pris au piège dans l'entre deux mondes.

Le jeune homme savait que son corps finirait par se rétablir, c'était son âme qui était le plus amochée. Il était incapable de se pardonner. Il avait trahi Héléna. Cette petite serveuse discrète que l'on ne remarquait pas, qui se fondait si bien dans la masse. Héléna était insoupçonnable de part ses qualités, elles-mêmes insoupçonnées. Dès que la nuit tombait, elle enfilait son gilet assombri par les mœurs passées. Elle était le fauteur de trouble qui taguait des roses blanches sur les murs des bâtiments de la Capitale. Elle était celle qui permettait aux souvenirs de ne pas demeurer dans l'oubli. Mais ce qu'Héléna n'avait pas encore compris, c'est que ce n'était pas ses dégradations qui soulevaient le peuple, mais elle, l'orpheline maladroite qui passait ses journées dans la lune. Héléna était devenue un symbole. Elle était l'Héritière. Un synonyme de renouveau pour le Grand Royaume. Dans sa quête de vengeance, Héléna essuyait des rêves inconcevables. Mais c'était ce qui alimentait le feu de son être, le rêve nourrissait l'espoir, et l'espoir donnait la vie. Teïlo était un espoir lui-aussi, en déclanchant l'explosion de l'entrepôt, son sacrifice avait permis à ses compagnons de fuir la Garde. Teïlo n'en revenait toujours pas. Comment aurait-il pu imaginer un seul instant être doté d'une telle folie ? La bêtise d'Héléna était vraisemblablement contagieuse, il ne voyait pas d'autres explications. Il était pourtant certain que leur rencontre n'était pas dû au hasard ! Teïlo se souvenait de la première fois qu'il était tombé nez-à-nez avec ce maudit moineau, inconscient dans une ruelle sombre et recouvert de boue. Deux choix se présentaient alors à lui, et il avait opté pour le plus insensé. C'était le destin qui les avait rassemblé, leur chemin devait se croiser.

Le Gouverneur avait une étrange sensation de déjà-vu en pénétrant dans l'enceinte de l'hôpital. Il avait vu son fils se retrouver au porte de la mort quelques semaines auparavant, le savoir ainsi, aussi éveillé lui redonnait du baume au cœur. Sigmund toqua doucement et entra dans la chambre sans attendre une réponse. Teïlo avait le regard dans le vide, il semblait perdu dans ses pensées. Le jeune homme avait perdu la notion du temps, il ne connaissait ni la date, ni l'heure d'aujourd'hui. Il refusait même de regarder la télévision car il avait peur de tomber un jour, sur une photo du cadavre d'Héléna, et il ne serait pas en mesure de le supporter.

Teïlo était amaigri et faible. Il ne savait plus différencier la faim de la nausée. Il lui était désormais possible de manger des aliments, cependant il ne pouvait se contenter que de denrées liquides. Son estomac manquait d'exercice, il était devenu paresseux à cause de la sonde qui lui facilitait la tâche. Ces amis, Pierrick et Philippe lui rapportaient des plats concoctées au restaurant, même si sa déglutition restait passible, il pouvait néanmoins en savourer l'odeur. Teïlo avait l'impression d'avoir remonté le temps et de n'être redevenu qu'un petit nourrisson. Il était incapable de se tenir sur ses deux jambes plus d'une minute sans l'aide d'une tierce personne. Il ne pouvait plus croquer, ni mâcher, il en était réduit à boire des soupes et manger des yaourts.

- Tu ne comprends vraiment rien, lança soudainement Teïlo.

Le Gouverneur ferma les paupières un quart de seconde. À quoi pensait-il ? La rancœur que son fils éprouvait à son égard n'allait pas disparaître en un claquement de doigt. Pourtant, le Gouverneur espérait que le sacrifice qu'il allait commettre pour l'amour son fils allait changer sa vision du monde. Sigmund allait mettre un terme à son accord avec le Chancelier et démissionner. Il comptait quitter la Capitale. Et cette fois , il ne reculerait devant rien, ce serait un aller sans retour.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 27, 2020 ⏰

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