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Quand il se leva ce matin-là,  il était particulièrement heureux. Il attendait ce moment depuis si longtemps.

Ce soir, il mettrait un point final à cette histoire. Il avait dû être patient, cet inspecteur aux allures de vieux film de série B était très consciencieux. Il suivait tous les indices qu'il lui mettait sous le nez. Un petit peu trop parfois. Il lui fallait être très prudent.

Grâce à sa visite dans l'appartement d'Edouard, il avait récupéré un jeu de clef de la maison de Dasnet, et plus inattendu, les différents codes des alarmes du système de surveillance et tout un tas de petites choses qui allaient lui rendre service. Ce chauffeur était réellement idiot de garder cela. Mais s'ils étaient encore actifs, le chemin serait facilité. Pour le reste, il verrait sur place.

D'un naturel prudent, il avait l'avant-veille pénétré dans la maison, puis dans le secteur entreprise lui-même. Aucun changement de code, ni de nouvelles installations.

Retourné chez lui, il avait pris ses dispositions.

Sa future victime était en bas dans sa pièce privative, insonorisée bien évidemment. Il y était depuis plusieurs jours. En dehors du fait qu'il l'avait enlevé, son ravisseur ne lui avait fait aucun mal. Il l'avait installé sur un fauteuil roulant équipé d'une assise percée. Pas très confortable, mais nécessaire pour le déplacer sans risque.

Les deux premiers morts n'étaient pas très importants. Le but ultime approchait et il s'en réjouissait. Celui qui comptait le plus. Oh, Edouard et Emma méritaient de mourir. Ces deux-là avaient volontairement secondé leur patron. Chacun à leur manière avait précipitée Gladys dans la prison où elle était enfermée.  Emma à cause d'une jalousie maladive : Gladys n'avait jamais eu  l'intention ni l'envie de lui prendre Dasnet. Seul l'appât du gain était son moteur.
Édouard, lui, c'était toute autre chose :  Cet homme était malsain, sadique.
Le plaisir de la conduire à  chaque rendez-vous que Dasnet donnait à son ex-femme n'était motivé que par la fin ultime qu'avait si bien préparé son cher patron. Gladys lui avait raconté les regards lourds, les mots insultants qu'il lui disait dans la voiture. Rien que pour cela il méritait de mourir.

L'individu  enfermé dans cette pièce était sa porte de sortie.

Une ressemblance physique avec lui, et  une vie assez misérable pour que personne ne se soit encore inquiété de sa disparition depuis presque dix  jours. Indispensable pour attirer cet inspecteur vers celui-ci. Lui faire porter le chapeau pendant que lui disparaîtrait. Il allait tenter de  laisser ses empreintes chez Dasnet sans être sûr à cent pour cent que sa méthode fonctionne.

La glacière était prête et lui aussi. Il entra dans la pièce, s'excusa d'un regard et après une injection d'un puissant anesthésiant local, il lui sectionna deux doigts. Après, avec infiniment de précautions, et toujours ganté, il mit chacun des doigts dans un sac zippé puis dans la glacière.
Il vérifia les sangles qui le solidarisaient au fauteuil, enveloppa les mains de compresses pour épancher le sang et  vérifia ses fréquences cardiaques pour s'assurer qu'il survivrait et il sortit de la pièce, emportant la petite glacière et son précieux chargement.

...

Il était dans la maison maintenant. Prêt autant que possible si ce n'était qu'il transpirait et que ses mains tremblaient. Rien à voir avec un sentiment de peur, non. Plutôt un goût de satisfaction après presque un an de préparation. Il prit le temps de se protéger en intégralité une fois encore, et déposa quelques traces de doigts à différents endroits. Souriant malgré lui de balader un doigt tenu par une main de latex. Il le rangea de nouveau dans le compartiment réfrigéré,  il devrait l'utiliser encore après.

Il était temps de jouer le dernier acte. 

Sur la pointe de ses protections de chaussures, il se dirigea silencieusement vers la chambre. Il ouvrit la porte, en maintenant fermement la clenche. Son passage l'autre nuit afin de repérer les lieux avait mis en évidence que celle-ci couinait. Il serait stupide de réveiller Dasnet maintenant.

Au pied du lit, il prit le temps de le regarder dormir paisiblement. Son léger ronflement, ses petites grimaces, il enregistrait tout dans sa mémoire.

Il avait hésité un moment. Sa préférence aurait été de le laisser le découvrir, de jubiler face à sa frayeur en trouvant un homme debout devant son lit. Mais, en dehors du fait qu'il aurait pu dans la bagarre laisser des marques de sueur ou de salive, cela n'aurait servi à rien. Dasnet ne savait pas du tout qui il était...pour l'instant.

Après s'être protégé le nez, il sortit un linge et l'imbiba de chloroforme. Puis sans attendre une minute, il l'appuya fortement sur le nez de l'homme allongé. Celui-ci, surpris en plein sommeil se débattit mais très vite, il sombra sous l'effet de l'anesthésiant.

Avant que sa victime ne se réveille, il l'attacha solidement au lit, et le baîllonna. Puis il prépara tranquillement le reste.  Des grognements étouffés lui apprirent que Dasnet était conscient. Il resta ostensiblement le dos tourné et commença à parler.

- Vous auriez peut être dû profiter du repos que je vous avais offert, Monsieur Dasnet.

Des sons lui répondirent, et les bruits laissaient à penser qu'il essayait de se délivrer des entraves.

Il  se  retourna face à  lui.

- Vous pouvez essayer mais croyez-moi, je connais mon travail. J'ai travaillé en hôpital psychiatrique pendant presque dix ans. Les liens de contention physique n'ont plus de secret pour moi. Là, juste pour m'amuser, j'ai fait la totale. Vos poignets sont dans des entraves fixes rattachées l'une à l'autre. Normalement, elles sont accrochées aux barrières de lit :  Il m'a fallu improviser. Les vôtres sont reliées par votre dos. Vous pouvez gesticuler, à part vous faire mal, vous n'arriverez pas à vous détacher. N'espérez pas à un moment d'inattention de ma part, je ne partirai qu'à la fin.

Le spectacle m'enchantait. La caméra filmait l'homme attaché sur son lit. Je ne sais pas si Gladys aimerait le voir tenter vainement de se détacher. Ce que j'avais à lui dire n'allait sûrement pas le calmer.

- Arrêtez ! Il vous reste une chance de ne pas mourir, Dasnet. Une seule et dernière chance. Tout est prêt ! Il ne manque que votre signature, dis-je en attrappant la feuille imprimée. 

Les yeux de l'homme s'arrêtèrent sur les mots imprimés, puis le fixèrent.

- Ah, vous aimeriez comprendre !  Ça arrive, ça arrive, ironisai-je. Emma et Édouard n'ont pas eu ce traitement... Quoi ? Vous n'aviez pas fait le rapprochement ? Vous me décevez....Je m'appelle Lucas Bosc. J'étais infirmier en psychiatrie. C'est là  que j'ai rencontré celle qui est devenue ma femme. D'ailleurs vous la connaissez, vous aussi ! Gladys. Ah cela me fait plaisir, vous vous rappelez d'elle ! J'éclatai de rire en le voyant blémir.

Il venait de comprendre que je savais. Des larmes coulaient sur ses joues.

- Tu pleures maintenant ? C'est trop tard ! Quand tu as préparé ta petite magouille pour coincer ma femme, tu n'avais pas d'état d'âme, il me semble !! Toi, espèce de salopard, tu as ramassé un petit pactole. Elle, elle a pris trois ans de prison.

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant