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L'inspecteur Lemarchand avait passé une bonne partie de la journée à relire le dossier de l'affaire "Homme au parfum" afin de s'en imprégner. A présent, il était devant la porte de madame Feraud. Il avait sonné et attendu. Puis le bruit d'un verrou et la porte, maintenue ouverte par une chaîne, laissa apparaître un visage féminin.

- Oui ? demanda-t-elle d'une voix dissimulant l'inquiétude sous une certaine agressivité.

- Madame Feraud ? Inspecteur Lemarchand. Pouvez-vous....

Son regard s'assombrit puis avec un soupir, elle ferma la porte pour l'ouvrir en grand cette fois.

- Entrez, dit-elle.

Regardant autour de lui, il découvrit une grande pièce, propre. La femme le dépassa et se figea près de la table, les deux bras croisés sur la poitrine.

- Faut-il que je précise que je signalerai votre visite à mon avocat ?

- Vous pouvez le faire, je suis ici pour vous poser certaines questions par rapport à de nouvelles découvertes concernant les meurtres de l'homme au parfum.

- Je ne sais rien concernant cette histoire, soupira-t-elle. Demandez à votre collègue- je ne sais plus son nom- il est venu me voir en prison.

- L'inspecteur Griot. Il ne fait plus partie des forces de Police mais son dossier sur l'enquête est toujours là. Et c'est justement la raison de ma présence. Il apparaît dans ses investigations que vous avez eu la visite en prison d'un conseiller en réinsertion, dit-il en sortant son calepin, du nom de Thomas Lust. Vous vous en souvenez ?

- C'était quel jour ? plaisanta-t-elle faisant mine de réfléchir.

- Je peux vous dire cela tout de suite, dit-il sans se démonter en fouillant dans le carnet.Vous êtes restée avec lui plus d'une heure ce qui d'après vos relevés de visite est assez exceptionnel.

- Peut-être que oui, mais je n'avais aucun souvenir de son nom. En quoi est-ce important ? J'ai raté un rendez-vous ? réplique-t-elle sarcastique.

- Vous ne devriez pas le prendre sur ce ton là, vous savez. Il est fort possible que cet homme soit mort...

- Cela va être de ma faute, ça aussi ?

- Je n'ai jamais dit cela, mais j'ai malgré tout un léger problème. A l'heure où cet homme, Thomas Lust était avec vous, il était sûrement déjà mort. Donc, qui était dans ce parloir avec vous ?

Évidemment il avait pris le soin de la fixer délibérément pendant cette dernière tirade, et il repéra très bien cette légère crispation. Il attendit quelques secondes, en silence, et comme elle ne réagissait toujours pas, il haussa les épaules.

- De toute évidence, vous ne savez pas ou vous ne voulez pas répondre. Cela n'a pas d'importance, votre avocat a dû recevoir ma requête. Nous en discuterons donc prochainement.

Il se dirigea vers la porte quand elle le coupa sèchement.

- C'est cela nous en reparlerons. Et d'un geste plutôt brusque elle lui ouvrit la porte.

Il sortit sans un mot, et envoya immédiatement un message " Maintenant "

À la seconde où il reçut le message, l'agent lança le processus, attendant une éventuelle réaction. La femme n'avait pas de téléphone fixe. Si comme le pensait Lemarchand, elle voulait contacter quelqu'un elle n'avait que son portable et l'ordinateur.

L'écran afficha un message dans la boîte mail

- Lucas, les flics recherchent Thomas Lust. C'est qui ?

Il n'y avait plus aucun doute possible, Lucas Bosc était bien vivant. Il appela immédiatement Lemarchand pour l'informer : Madame Feraud allait devoir s'expliquer.

L'inspecteur raccrocha. Les soupçons de Griot étaient fondés. Depuis leur discussion, il n'avait pas chômé. Il avait obtenu l'accord pour des investigations plus poussées autour de la femme. Premièrement, en récupérant auprès de l'opérateur les données téléphoniques et informatiques de ses comptes, leurs informaticiens étaient entrés dans ordi et téléphone pour repérer chaque action.
Deuxièmement, grâce au billet d'avion acheté, ils avaient en leur possession le lieu de destination de madame Feraud.
Le message avait été intercepté.

Accompagné de deux collègues cette fois, il se dirigeait vers l'appartement. Il avait décidé d'interpeller la femme, espérant qu'elle serait plus encline à répondre aux questions.

Il sonna et attendit. Elle n'utilisa pas l'entrebailleur et il put distinctement voir sa surprise en découvrant les deux autres agents.

- Cette fois, j'appelle mon avocat, déclara-t-elle.

- C'est en effet préférable. Madame Feraud, vous êtes en état d'arrestation afin de répondre à des questions concernant des meurtres.

- C'est du n'importe quoi !! Je ne sais rien à ce sujet, s'énerva-t-elle.

- Nous allons éclaircir cela. Nous allons aussi procéder à une perquisition de votre domicile et réquisitionner ce qui peut être nécessaire à ces investigations.

A ces mots, il remarqua une certaine frayeur dans le regard de son interlocutrice. L'agent lui passa les menottes et ils se dirigèrent vers la cage d'escalier. La femme, la tête baissée, descendit les marches en silence, croisant les habituels badauds à l'affût.

....

Elle entra dans le bureau, accompagné de son avocat. Il les fit s'asseoir devant son bureau.

- Inpecteur, ma cliente souhaiterait s'expliquer sur certaines choses.

- C'est une bonne nouvelle. Je vous écoute, madame, dit-il en regardant la femme.

Elle n'était plus fanfaronne du tout.

- De toute façon, vous avez dû trouver dans mon ordinateur. Je vais aller en prison ? s' inquiéta-t-elle.

- Nous sommes là pour en juger. Parlez-moi de Lucas Bosc.

- Je ne sais pas si c'est celui que je connais. Pourquoi êtes-vous intéressés par lui ?

- Non, non. Cela ne fonctionne pas ainsi, la reprit-il. Lucas Bosc est, à notre avis, la personne qui a tué Edouard, Emma et monsieur Dasnet. Mon problème actuel est de savoir si vous, vous étiez au courant ?

- Mais non ! Comment pouvez-vous pensez un truc pareil ? Il était en colère après eux, vous savez ! J'ai fait une bêtise, je sais mais Dasnet et sa clique m'ont tendu le piège. Il a eu une peine avec sursis et une grosse amende, moi deux ans de prison.

- En quoi Edouard et Emma étaient ils responsables ?

- Tous les deux étaient entièrement dévoués à Gaspard. A la limite de la servilité pour Édouard. Mon intrusion dans l'entreprise a déclenché une réaction en chaîne. Dasnet pensait que j'allais juste obéir, acheter et vendre sans faire de vagues. Moi, j'étais un peu plus gourmande...Je l'ai payé au prix fort. Édouard était un véritable salopard, froid et vicieux.

- Emma aussi ?

- Ah non ! Elle, elle voulait m'éliminer. En me dévoilant amante de son patron, elle a réalisé que je n'avais pas les mêmes atouts qu'elle, rétorqua-t-elle en gonflant la poitrine.

Il ne put s'empêcher de sourire. Il n'avait vu que des photos de la secrétaire. De scène de crime qui plus est. Pourtant la femme qu'il avait devant lui, malgré la prison, dégageait une aura incroyable.

- Pourquoi est-il parti dans ce cas-là ? S'il n'est coupable de rien ? Pourquoi allez-vous le rejoindre ?

- Oh et puis zut ! Je ne vais pas payer pour lui aussi. Il a piqué un sacré paquet de pognon à l'autre salopard.

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant