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Les obsèques de Dasnet ne donnèrent pas grand chose. Des employés essentiellement et quelques relations d'affaires venus lui rendre un dernier hommage.
Il n'avait aucune obligation d'être là. Peut-être espérait-il que le tueur y serait, profitant du spectacle.

Pour lui, l'assassin des trois était Lucas Bosc. Pourquoi ? Aucune idée. Mais pourquoi l'avait-on tué, lui ? Et qui ? Et que venait faire Thomas Lust dans cette histoire ? Était-ce une double identité ? Qui était le tueur ? Thomas ou Lucas ? Toutes ces questions sans réponses le rendaient dingue.

Le caleçon trouvé dans la maison était revenu du labo. Ils possédaient désormais une empreinte ADN mais aucun suspect pour faire une comparaison. Aucune correspondance dans le fichier national des empreintes. Il restait la photo à récupérer, il y alla en sortant du cimetière.

Il y avait trois personnes dans la petite boutique. Il avait prévenu de mon passage, en avait expliqué les raisons. Pour autant, il désirait rester discret.

- Puis-je vous renseigner ? lui demanda le vendeur.

Après les présentations, celui-ci qui s'avéra être le patron, lui passa une pochette. Il lui précisa qu'il s'agissait d'un double, qu'il restait en possession de l'original. Il ne dit rien sur le fait qu'il doutait fort que Thomas Lust vienne le récupérer un jour...

La photo représentait deux hommes : un qu'il reconnut immédiatement, Ludovic et un jeune homme plutôt grand avec un sourire avenant. Il n'avait pas de certitude mais il était intimement persuadé qu'il s'agissait de Thomas Lust. A confirmer auprès du vagabond dont il se mit immédiatement à la recherche. Cela ne fut pas très long, et devant un nouveau café et un croissant qu'il engloutit en très peu de temps, celui-ci confirma que c'était bien Thomas et lui. Au moins pouvait-il lancer maintenant un avis de recherche.

En repartant vers son véhicule, il eut soudain une idée. Qu'il était idiot de ne pas y avoir pensé plus tôt ! Gladys Feraud, était la première à lui avoir parlé de Bosc. Elle le connaissait et pouvait donc éventuellement l'identifier sur la photo. Regardant l'heure, il réalisa qu'il était trop tard pour se rendre à la prison pour la voir. Par contre, il avait le temps de consulter le registre de ses visiteurs durant son incarcération.

Une fois le côté administratif résolu, il se retrouva installé à une table face à un classeur regroupant la vie carcérale de Gladys. Seule la partie visite l'intéressait. Il commença à feuilleter en silence. Son regard concentré sur les noms uniquement. De temps en temps, il entendait un reniflement du gardien posté derrière lui. Le nom de Dasnet y était inscrit plusieurs fois, au tout début de sa peine, puis plus rien. Il nota consciencieusement les noms inconnus, pour vérifier leur identité plus tard.

Aucun Bosc, pas une seule fois. Par contre, un nom lui sauta aux yeux immédiatement. Thomas Lust était venu lui rendre visite, le lendemain de la mort de Dasnet. Or, d'après Ludovic, son ami Thomas avait disparu depuis presque dix jours à ce moment-là. Où était-il s'il n'était pas à son appartement ? Et pourquoi venir voir cette femme en prison ? Celle qui, comme par hasard, connaissait Bosc.
Et qui recevait du courrier de Bosc à son appartement.

Beaucoup de questions à poser à la jeune femme. Il s'en occuperait dès demain.

Le reste de la soirée, il le passa chez lui. Seul, mangeant un plat préparé réchauffé rapidement au micro-ondes. Sans saveur. Puis il s'enfonça dans son canapé devant la télé espérant qu'en s' abrutissant d'images, son esprit passerait à autre chose. Vainement. Au petit matin, il se réveilla une fois de plus, courbaturé, les habits chiffonnés. Heureusement qu'il ne buvait pas, sinon il aurait eu tous les clichés d'un polar de série B. Après une douche et un café noir, il était prêt pour une nouvelle journée.

Il devait aller à la prison vers neuf heures, il avait le temps de passer au commissariat. Ainsi, il chercherait les noms des visiteurs de madame Feraud.

L'équipe de nuit était partie ou finissait de transmettre des informations pour ceux de la journée. Son second se chargea de cela. Pendant ce temps, il s'installa sur l'ordi pour récupérer adresse et pedigree le cas échéant. Rien, chou blanc, aucun sale truc à se mettre sous la dent. Quand son collègue entra dans le bureau, il lui donna pour consigne d'aller se renseigner sur ces personnes. Il voulait surtout qu'il leur pose deux questions : connaissaient-elles Thomas Lust et Lucas Bosc. Après un nouveau café, et un regard sur les affaires de la nuit, l'heure de se rendre à la prison était arrivée.

Quand elle entra dans la pièce réservée aux avocats, il ne put s'empêcher de remarquer une certaine inquiétude dans son regard. Ce fut très bref, puis elle reprit la même attitude que la fois précédente : aguicheuse et provocante.

- Bonjour, madame Feraud. Asseyez-vous, s'il vous plait.

- Je ne sais pas si je ne vais pas en discuter avec mon avocat. C'est presque du harcèlement, non ?

Il soupira suffisamment fort pour qu'elle entende et prit place à table, posant ostensiblement une enveloppe marron bien en vue. Elle était toujours debout, les deux mains appuyées sur le plateau, à une trentaine de centimètres de la pochette. Elle poussa la chaise et s'assit.

- Qu'y a-t-il dans cette enveloppe, inspecteur ?

- Une photo. J'aimerai que vous la regardiez. Cela concerne les meurtres.

- Je ne suis pas concernée, vous le savez bien, râla-t-elle. C'est vrai ce qu'ils disent dans les journaux ?

- Je ne sais pas, que disent-ils ?

- Qu'il y aurait eu un quatrième meurtre ?

- L'homme brûlé, vous voulez dire ? Ils vont vite en besogne, nous ne savons rien encore. Le nomment-t-ils ?

- Vous ne vous y intéressez pas ? Ils disent que cela pourrait être Lucas, chuchota-t-elle si bas que malgré le peu de distance entre eux, il l'entendit à peine.

- Parbleu, ils sont plus forts que le légiste ! Alors, la photo, on la regarde ?

Il ne pouvait pas lui en dire plus, il n'avait aucune certitude de quoi que ce soit. Il sortit la photo et la posa en plein milieu de la table, retournée face contre le bois. Il voulait surprendre son regard. Seul celui-ci comptait. Elle le fixa et d'un geste vif retourna la photo comme si elle ne pouvait plus résister une seconde de plus. Son visage tendu, se concentra sur les visages et s'apaisa presque instantanément. Il avait obtenu ce qu'il espérait : une confirmation. L'homme sur la photo avec Ludovic n'était pas Lucas Bosc.

- Vous vous attendiez à ce que je les reconnaisse, n'est-ce pas ? Et bien, je ne les ai jamais vus.

- Je me disais que l'un des deux pouvait être Bosc, oui.

- Celui de droite en a le physique, c'est clair. Mais il manque le tatouage. Lucas en a deux sur le bras qui dépasse sous la chemise. Exactement, là, montra-t-elle en désignant l'espace entre ''avant bras  et le bord du pull. Et puis Lucas a un visage plus marqué. Ce n'est pas lui.

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant