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Lucas ferma la porte à clef, songeant que la prochaine fois qu'il la franchirait, ce serait avec Gladys. Celle-ci arrivait demain. Ils avaient échangé uniquement par mail, sans qu'aucun des deux n'exprime le besoin d'entendre la voix de l'autre. Pour lui, c'était inutile. Il entendait le son de sa voix dans chaque mot.

Quelques heures après, il prenait possession de la chambre qu'il avait réservée. L'aéroport se situait à quelques heures de la petite maison qu'il avait achetée. La ville où il résidait était de taille moyenne. Suffisamment grande pour passer inaperçu. Il s'était intégré dans la communauté sans trop de difficultés s'inventant un passé de militaire. Assez souvent, il souriait pensant que le regard de ces gens serait à coup sûr bien moins indulgent en découvrant qu'il avait tué quatres personnes. Ce passé obscur lui permettait certaines fois de ne pas répondre à des questions gênantes. Il excellait dans la façon de prendre un air tourmenté, à la limite entre larmes et renfermement sur lui-même. Il vivait bien, sans extravagance mais sans réelles contraintes non plus. L'argent placé lui rapportait peu mais à presque quarante ans, la somme de cinq millions lui suffirait amplement pour finir sa vie tranquillement.

Après réflexion, l'idée de ne pas dire la vérité sur le montant exact à Gladys lui semblait être très maligne . Après tout, elle avait toujours aimé le dépenser, et il lui connaissait sa facilité à claquer des sommes considérables. Lui avouer être riche comme Crésus la rendrait hystérique. Rester vague, la laisser s'éclater dans des orgies d'achats compenserait le temps passé en prison. Après tout, sans elle, il n'aurait jamais eu ce pognon !!!

Parce qu'il savait lui : alors qu'elle pleurnichait sur ses malheurs, lui, il réfléchissait au moyen de lui voler son fric à ce salopard de Dasnet. Sans aucun scrupules, il avait utilisé Gladys pour obtenir les infos nécessaires à son petit enrichissement personnel.

****

L'avion serait là dans une petite heure. Avant de se rendre vers les portes d'arrivée, installé à la terrasse d'un café, il surveillait le moindre élément suspect : être un tueur rend paranoïaque ! Cette nuit, un rêve de trahison avec Gladys dans le premier rôle l'avait réveillé en sursaut. Il n'avait pas pu se rendormir, troublé.
Bien sûr qu'il n'y croyait pas ! Elle n'était pas idiote, et avait dû comprendre avec les journaux que c'était lui qui avait tué. Il avait bien ressenti son angoisse dans son mail pour prendre contact. Mais, même si elle avait commis l'erreur d'aller voir les flics pour leur parler de Thomas Lust. Celui-ci n'existait plus. La police n'avait aucun moyen d'arriver jusqu'à lui, il y avait veillé. Il n'avait pas choisi cet homme par hasard. En dehors d'une ressemblance évidente avec lui, il était en plus seul. Aucune famille vivante, aucune relation. Il l'avait pisté pendant plus d'un mois : la seule personne avec qui il l'avait vu était l'un de ces vagabonds mal-odorants. Rien à craindre, se rassura-t-il.

...

L'hôtesse venait de passer pour vérifier les ceintures de sécurité. Gladys sentit son ventre se serrer à cause de l'angoisse. L'inspecteur Lemarchand était arrivé hier sur place. Elle espérait que les collègues Irlandais avaient réussi à repérer Thomas/ Lucas.

Elle savait qu'elle ne couperait pas à la confrontation avec lui. Le commissaire refusait de se servir d'une civile pour piéger un psychopathe - Elle le soupçonnait surtout d'avoir moyennement confiance dans une taularde- pourtant l'option qui avait été retenue semblait rassurer tout le monde.
Son rôle se résumait à identifier l'homme : Valider avec certitude qu'il était ait bel et bien Lucas Bosc. Les empreintes ADN feraient le reste.

Le flic en civil qui l'accompagnait se trouvait à trois fauteuils d'elle. C'est lui qui serait informé au fur et à mesure par Lemarchand et l'exfilterait le cas échéant.

Une fois l'avion au sol, elle avança un peu en retrait de son " garde du corps". Celui-ci, oreillette au creux de l'oreille, écoutait les instructions. Gladys se contentait de ralentir ou d'accélérer, accordant son allure à la sienne. Elle regarda les personnes s'embrassant à l'arrivée mais à son grand désarroi, personne ne l'attendait. Elle se dirigea presque sans réfléchir vers le lieu pour récupérer sa valise. Immobile, elle la guettait quand elle sentit une main sur son bras.

- J'ai failli te rater, lui chuchota une voix d'homme qu'elle reconnut immédiatement.

Elle se retourna et se retrouva tout contre lui, serrée dans ses bras. Pas besoin de parler, elle était bien. Il se détacha d'elle pour l'examiner.

- Le régime pénitencier t'a fait maigrir de trop, ma belle. Plus ce teint pâle... Je vais m'occuper de tout cela. Tu m'as manqué, Gladys, continua-t-il en l'embrassant sur le front.

Elle n'avait pas encore prononcé un mot, divisée entre le plaisir de le retrouver et l'angoisse de ce qui se préparait. Elle aperçut à sa gauche, le policier et l'inspecteur qui s'approchaient : l'arrestation était imminente. Elle le fixa et au tout dernier moment.

- Pardonne-moi, souffla-t-elle à l'homme qu'elle trahissait.

Tout alla très vite, Lucas n'eût pas le temps de réagir, qu'il était déjà ceinturé et menotté. Son regard était passé de l'incrédulité la plus complète à la haine pure et simple. Une femme policière se chargea d'elle.

....

L'homme était assis devant lui, le visage fermé. L'inspecteur Lemarchand fit un signe à l'agent positionné derrière lui pour qu'il lui ôte les menottes.

- Bonjour. Comment dois-je vous appeler ? Bosc ou Lust ?

- Puisque c'est Gladys qui vous a mené ici, vous avez la réponse. Je m'appelle Lucas Bosc, répliqua-t-il hargneux.

- Et d'où tenez-vous l'identité de Thomas Lust, monsieur Bosc ?

L'homme en face de lui ne broncha pas.

- Thomas Lust a été identifié grâce à une infime particule de peau. Celle-ci a dévoilé un ADN identique à un caleçon que vous avez oublié de faire disparaître sous son canapé, monsieur Bosc. L'inspecteur Griot a fait un travail exemplaire, vous voyez. Il a bien suivi votre trace. Mais il ne s'est pas contenté de cela. Il a rencontré un homme qui s'inquiétait de la disparition de son seul ami.

- Le SDF...

- Exactement, après il lui a suffi de suivre votre trace à vous.

FIN
*****
L'idée de ce texte m'a été inspiré d'un Tag donné par Sofeather)à @Gothycka
Elle avait proposé cette idée d'une piste de parfum, je lui ai pris (avec son accord)

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant