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Pendant qu'il gémissait sous son bâillon, je me plongeai dans mes souvenirs.

Mon travail d'infirmier, ma rencontre avec Gladys.

Cette femme était toujours en mouvement, avec toujours une idée en tête. Des choix pas toujours judicieux.
C'est ainsi que je l'avais croisée, alors qu'elle venait visiter son petit ami toxico, interné après une énième crise de démence.

Je l'avais retrouvée une heure à peine après, en larmes, dans le couloir. C'était une belle femme, elle était triste, j'étais là. Je lui ai tenu compagnie, cela fait partie de mon travail après tout.
J'ai vite compris au fil des rencontres, qu'elle était surtout intéressée. Elle occupait l'appartement de cet homme et ne désirait pas le quitter.
Vu l'état du mec, le cerveau ravagé par tout ce qu'il avait ingurgité, je la rassurai sur le peu de chances que cela arrive de suite.

Elle venait tous les deux jours, et toujours pendant mes heures de service. Mes collègues me chambraient régulièrement à ce sujet.  Quand l'homme mourut, nous avions continué à  nous voir, mais à l'extérieur.

C'était une bêtise, j'en étais conscient. Mais elle était très belle et j'étais célibataire. Elle s'installa donc chez moi. J'avais dit à Dasnet qu'elle était ma femme, mais cela n'avait jamais été officiel. J'étais prêt à tout pour elle déjà à  cette époque. D'une adresse folle, maniant à  loisir le chaud et le froid, elle avait fait de moi son jouet.

Quand elle avait un amant riche qui lui permettait d'avoir le train de vie qu'elle désirait, je ne la voyais plus ou presque. Puis, elle débarquait un jour, les yeux brillants et sans même qu'elle le dise , je savais qu'elle était de nouveau seule. Je profitais de ces périodes avec délectation mais très vite, elle repartait.

Jusqu'à sa rencontre avec l'homme pleurnichard que j'avais sous les yeux. Gladys avait cru en lui. Il avait tout fait pour cela. Je vivais trop loin pour pouvoir gérer cette situation. J'avais donc donné ma démission, et j'avais pris un petit appartement.

Elle me racontait toutes les attentions qu'il avait à son égard : les bouquets, les bijoux, les robes qu'il faisait livrer chez elle. Tout ce que ma Gladys adorait.  Au début, elle en rigolait, le traitant de " meilleur pigeon jamais choppé ". Plus méfiant qu'elle, je lui suppliai d'arrêter.

Cela la mettait très en colère. Elle refusait de voir le fait qu'il ne la voyait qu'en cachette, la couvrant de cadeaux, mais ne lui donnant jamais la possibilité d'être admirée avec ses magnifiques parures.

Par pure bravade, elle avait débarqué dans son entreprise. Il refusa purement et simplement de la recevoir. Je dûs la consoler pendant deux jours. Il s'excusa, expliquant cela par une fausse pudeur. Je n'étais pas dupe, elle était complètement aveuglée.  Il ne la voyait désormais plus qu'ainsi : dans un lieu à l'écart, en cachette, emmenée par Édouard qui l'humiliait un peu plus par ses regards concupiscents qu'à aucun moment Dasnet lui repprocha. Là n'était pas le pire.

Une fois qu'il a été certain qu'elle était bien accrochée, il lui a expliqué ce qu'il attendait d'elle. Et cela l'a détruite.

<<- Répète- moi cela ?  ai-je dit abasourdi.

- Il veut que j'achète des actions pour lui. Beaucoup, me répondit-elle. Après il me les rachètera.

- Tu as compris, je suppose, que cela doit être illégal sinon il ne t'utiliserait pas, je répliquai. Tu vas refuser, tout simplement, ou tu finiras en prison.

- Je ne peux plus faire cela, je lui dois trop d'argent, murmura-t-elle.

- Combien ? je soufflai, exaspéré.

- Qu'importe la somme, ni toi ni moi ne pouvons rembourser ! Sa proposition me rendra riche et sans dettes.>>

Je savais que je ne pourrais plus l'arrêter.

Mes poings se serraient de rage en me rappelant cette conversation, et une forte envie de les laisser massacrer l'homme entravé sur ce lit.

- Tu as vu, dès le début qu'elle tomberait dans le panneau,  hein ? J'ai tué Emma pour commencer, pour te mettre mal à l'aise. Tu as dû avoir un peu peur, non ? je lâchai sardoniquement.

Ces yeux affolés montraient qu'il avait compris. Il m'aurait sans doute fait une proposition si le bâillon n'avait pas été là  !

- Avant que je te raconte la suite, tu vas signer ce papier qui donne accès à  l'argent qui lui revient. Celui que tu lui avais promis, tu te rappelles ?

Je m'approchais de lui, avec un crayon et le papier, essayant de contenir cette envie de le tuer là, sans attendre.

- Ne t'avise pas de jouer au con ! J'ai beaucoup de feuilles et nous avons toute la nuit devant nous. Tu vas apposer ta signature ici. Puis tu me donneras les codes de ton compte. Je ferai la transaction ici. Donc, ne me mets pas en colère, ma voix était froide, sans émotion et je le vis nettement trembler.

Je lui détachai la main droite, et sans attendre je lui présentai le stylo. Il hésita un bref instant mais le saisit. Je positionnai le papier au bon endroit et attendit les bras croisés. Il prit le temps de lire et d'un mouvement de colère,  il jeta le crayon vers moi . J'éclatai de rire.

- Elle a tout perdu, vous lui devez bien ces aveux, non ? je rigolai de bon coeur en le voyant secouer la tête.

Je lui ôtai d'un coup sec le sparadrap et sa grimace de brève douleur me fit plaisir.

- Qu'allez-vous faire de ce papier ? osa-t-il demander.

- Le garder précieusement de côté dans le cas où vous auriez envie de nous nuire. Signez !

Etait-il assez stupide pour croire que j'allais le laisser en vie ? Je lui tendis un nouveau stylo avec un ton suffisamment autoritaire pour lui montrer mon impatience. La fausse lettre d'aveux signée,  Il me restait le plus important : le code pour le transfert de l'argent.

- Le code maintenant, Dasnet. Gladys a tout perdu. Quand elle sortira de prison, ce pécule lui permettra de se reconstruire. Je connais toute la procédure, et encore une fois, je ne vous conseille pas de me prendre pour un idiot.

- Il me faut mon ordinateur, gémit-il.

- Saviez-vous que votre cher Édouard était d'une curiosité maladive ?  Il espionnait vos moindres faits et gestes, cet homme- là ! Toute la procédure est détaillée point par point. Ne faites pas cette tête, vous avez raison de le penser, il était vraiment stupide. Et vous, pas tellement plus fin d'essayer de me tromper. Je ne sais pas si tout compte fait, je ne vais pas tout simplement vous tuer. Je vous laisse dix minutes de réflexion. Pas une de plus, je déclarai tout en l'entravant de nouveau et lui enfournant un chiffon dans la bouche avec une certaine brusquerie.

Il me fallait ce code. Il était l'assurance d'une vie future tranquille pour Gladys et moi. Je n'attendais pas le temps promis, il ne tenta rien de stupide, et après avoir reçu la confirmation du virement sur mon compte, je retournai auprès de lui.

Je sentais son regard sur moi, surveillant chacun de mes mouvements. Quand je renversai  la moitié de la bouteille de Shalimar sur lui, je crois qu'il avait compris ce qui allait  se passer.

L'image que je voulais laisser me convenait. J'armai mon pistolet, le visai et je tirai.

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant