13

53 23 38
                                    


En effet, il y avait un problème. Qui était ce Thomas et que venait-il faire dans cette histoire ? L'homme assis devant lui semblait sincère mais, dans son travail, il avait depuis longtemps pris l'habitude de privilégier les preuves. L'instinct aidait souvent, mais seules celles-ci finissaient par faire mettre des meurtriers en prison.

L'homme était reparti dans la rue. Il  lui avait assuré faire tout son possible pour résoudre la disparition de son ami. Celui-ci avait peut-être juste décider de partir, après tout.

Le lendemain se résuma en différentes recherches longues et fastidieuses. L'agence qui s'occupait de la location n'avait pas pour habitude de demander des photos dans le dossier. Mr Lust, malgré quelques soucis de paiement ces derniers mois, était un bon locataire. Pour pouvoir faire des recherches plus complètes, il allait falloir convaincre le commissaire. L'espoir de trouver des informations dans l'appartement devrait être une bonne raison pour accéder à sa requête.
Le légiste, comme il le craignait, n'avait pas découvert grand chose sur cet homme. Certaines analyses un peu plus poussées étaient en cours.

- Vous réalisez ce que vous êtes en train de me dire, Griot, fulmina le commissaire. Après tout ce temps, vous n'avez rien !

- Presque rien serait plus exact, Monsieur. L'assassin est très méticuleux. Aucune empreinte exploitable. Seules ces bouteilles de parfum et mon hypothèse qui débouche sur ce Lucas Bosc.

- Qui est introuvable. Les obsèques de Dasnet ont lieu demain, et les journalistes vont se moquer de nos défaillances.

- Justement, laissez moi les coudées franches pour aller dans cette nouvelle direction. La piste de cet homme s'arrête à cette maison. Et sans un accord du juge d'instruction je ne peux pas fouiller celle-ci.

- Informations obtenues par des divagations d'un sdf ivrogne, précisa le commissaire.

- Il n'était pas du tout alcoolisé, et sa clef ouvrait la porte, si je peux me permettre.

- Je me charge du juge, Griot. Mais s'il n'y a rien de concluant à la suite de cette fouille, on classe l'affaire.

Évidemment, la pression des médias était forte. Le public aime bien avoir un coupable. Et là, lui n'en avait pas à lui offrir.

Le lendemain, il était devant la porte avec deux des hommes de la scientifique. Le juge avait considéré que suffisamment d'éléments probants justifiait une fouille. Toutefois, il demandait une certaine discrétion.

La porte donnait sur un minuscule palier carré, avec 4 portes. Celle toute à droite débouchait dans une petite salle d'eau. A part la douche, un lavabo et un petit placard. Un bac à linge, vide. Et une machine à laver tout aussi.

La deuxième porte s'ouvrait sur une cuisine très rudimentaire. Une plaque de cuisson relativement correcte, avec peu de relief de nourriture. Des assiettes sales dans l'évier.

La pièce de vie contenait un canapé, une table et un ordinateur plutôt ancien. Sur la table quelques enveloppes, toutes au nom de Lucas Bosc. Il ne comprenait pas. Se pouvait-il que Thomas Lust et Lucas Bosc soient la même personne ? Ou que l'un soit un usurpateur ?

La quatrième pièce était une chambre noire. Inutilisée depuis un moment puisque les bacs et la table étaient t très poussiéreuse. Dans l'armoire, aucun vêtement.

Un truc clochait, il ne comprenait pas quoi. La maison semblait sans âme. Rien de personnel dans la pièce de vie, à part les enveloppes. Rien. Pas un vêtement à traîner ni dans la salle d'eau, ni dans l'armoire. Il avait pu partir en congé. Avec la vaisselle sale dans l'évier ? Avec le frigidaire plein de nourriture ? Un départ rapide, alors ?

Les hommes s'affairaient, cherchant des empreintes. N'était-ce pas surprenant de n'en trouver aucune  dans toute une maison ?  Les avait-on volontairement enlevées ? Et dans quel but ? Il avait la désagréable sensation d'être mené par le bout du nez dans cette histoire.

- Inspecteur ?

Un agent lui tendait un papier du bout de ses doigts gantés. Un ticket pour récupérer une commande ?

- J'ai noté les références et fait une photo.Vous avez vu le nom ? C'est la seule preuve de son passage dans l'appartement, je dirais.

- Oui. Tout ceci est bizarre. Mais ce ticket est ancien. J'irai voir après l'enterrement. Rien d'autre ?

- Un caleçon sous le canapé, et donc une probable empreinte ADN . Tout part au labo.

L'équipe scientifique est partie, la porte scellée. Même s'il ne s'agit pas d'une scène de crime à proprement parlé, il y a trop d'éléments rappelant celle-ci pour la mettre de côté. Près de son véhicule, il y a son vagabond. Il se doutait qu'il montrerait le bout de son nez. Il s'était  posé des questions à son sujet cette nuit. Et il avait  donc envie d'avoir des réponses à présent.

- Bonjour, Inspecteur. Du nouveau ? demande-t-il sans s'embarrasser de préliminaires inutiles.

-Rien de probant sans le résultat des examens, et puis je n'ai de toute façon rien le droit de vous  dire. J'ai réalisé ne même pas avoir vos références. Je vous offre un café ou vous m'accompagnez au commissariat, je déclarais d'un ton sec.

- Je n'ai que ma pauvreté à me reprocher, aussi je peux vous suivre, riposta-t-il.

Il réalisa que sa fatigue ne devait pas interférer dans l'enquête, et il avança  vers la voiture. L'homme le suivit sans un mot et un bref instant hésita sur la porte à  ouvrir.

- Ne soyez pas stupide, montez devant, je grognai.

Il aperçut un léger sourire, puis le sdf s'installa à ses côtés. Cette enquête le troublait plus que de raison. Comment avait-il  pu penser que cet homme pouvait cacher le meurtrier, et que depuis l'instant où il était arrivé face à  cette maison, il le manipulait comme une marionnette .
Il se contenta donc de prendre son identité et de mettre en écriture leurs  conversations. De toute façon, les derniers examens sanguins ne donnaient rien de plus.

- Donc, pour la police le coupable est Lucas Bosc, c'est cela ? commenta Ludovic Martin , le vagabond.

- Tout nous amène vers cela, oui. Thomas Lust semble être une identité qu'il avait prise, je suis désolé.

- Je me refuse à le croire. Vous allez classer l'affaire, donc ?

- Une affaire est classée sans suite lorsque rien n'a permis d'inculper qui que ce soit. Mais ce n'est pas fini, un élément peut ressortir au cours d'une autre enquête. 

SUIS MA TRACEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant