15. Motherfucker, don't play with me

1K 70 27
                                    

by SOBERPRINCESA, this precious angel

TYLER

Les sourcils froncés et les bras croisés, je regarde droit devant moi, tentant tant bien que mal d'ignorer l'agitation qui se fait aux alentours.

- Ty', tu vas faire la gueule longtemps?

- Quand on m'a dit voyage à Paris, je pensais "macarons et bouillon de légumes", pas "arène romaine où je suis le gladiateur jeté dans la fosse aux lions"!

Et quand je dis "on", je parle bien sûr de Karl, mais évidemment, ça, je ne peux pas le dire à Juan, qui m'adresse un petit sourire moqueur alors qu'une maquilleuse m'étale de l'anticerne sous les yeux, que je lève ostensiblement au ciel. D'un côté, bien que j'aie été prévenue au dernier moment, je suis contente de pouvoir aider Karl à faire passer son message et à changer les choses dans le domaine du mannequinat. De l'autre, j'ai envie de lui arracher les yeux pour me faire ce coup, parce que je préférerais cent fois rester enfermée dans notre suite à déguster des croissants et autres pâtisseries de Yann Couvreur avec lui que d'être là, livrée aux regards et questions de ces mêmes personnes qui m'insultent en ligne.

Une conférence sur la condition des mannequins dans la société actuelle... Evidemment que c'est important et que je veux en faire partie, mais pourquoi faut-il que ça tombe au moment de mon "week-end en amoureux"? Traître.

Au moins, il m'a soudoyée avec quelque chose d'assez attirant: j'aurai le droit de choisir notre prochaine destination une fois la conférence terminée, et on partira demain. Je sais bien que j'aurais participé de toute façon, mais au moins, je le fais avec une belle motivation!

J'offre un sourire et un remerciement à la maquilleuse, qui recule et observe son travail d'un air satisfait. Mais les coins de mes lèvres retombent bien vite quand je vois celles qui m'observent derrière l'épaule de cette dernière. Des mannequins avec qui j'ai déjà travaillé, d'autres que je connais de noms ou d'images, et bien sûr, certaines dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Quoiqu'il en soit, la majorité d'entre elles, déjà organisées en petits groupes, me jettent de sales regards depuis les buffets de bouffe à laquelle aucune ne touchent. Elles se mettent près de la nourriture pour les photos, pour faire semblant qu'elles se nourrissent et entrer dans le thème du moment, mais la vérité, c'est que malgré tous les efforts qui sont faits autour de la question, la plupart d'entre elles, n'abandonneraient leur "ligne" si durement gagnée pour rien au monde, tant elles ont été conditionnées à ne voir la beauté que dans la maigreur pendant des années de dur labeur.

Est-ce qu'un voyage avec Karl vaut vraiment la peine de me retrouver au milieu de toutes ces hyènes...? Peut-être pas. Est-ce que le fait de le soutenir et de l'aider à faire passer son message, lui, en vaut la peine? Bien sûr que oui.

Parmis l'un des groupes, j'aperçois une fille que je n'avais encore jamais vue en personne, mais dont le visage m'est familier. Une certaine Sarah quelque chose, assez nouvelle dans le métier, il me semble. Française. Qu'est-ce qu'elle fait là? Elle est vraiment considérée comme un mannequin, alors qu'elle ne bosse que pour une seule marque...? Ok, je ne vais pas mentir, son travail pour CHANEL n'est pas mauvais, mais ça ne fait pas tout.

Me levant, je m'approche d'un buffet, Juan sautant de sa chaise pour venir à mes côtés. Une fois devant les plateaux de biscuits, de fruits et de salades, j'adresse un regard circulaire à toutes les filles qui me regardent. Et, avec un grand sourire, je saisis deux muffins, en fourrant un entre les mains de Juan et croquant dans l'autre, avant de m'éloigner de toutes ces ondes négatives en levant bien haut mon majeur, ce qui provoque un murmure de réaction. A côté de moi, l'hispanique rit et m'oblige à baisser mon bras en mangeant lui-même son muffin.

OUR STRANGE LOVEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant